Stockage de l'énergie : sortir de la logique de marché pour assurer son développement

Par Basile Bouquet et François Dauphin (*)  |   |  514  mots
(Crédits : DR)
OPINION. Nous publiions en 2019 un article mettant en exergue la complexité de l'adéquation entre marchés de l'électricité libéralisés et nucléaire, compte tenu de l'impact du financement sur le coût de cette technologie. Deux ans après, le projet "Hercule" de division des activités d'EDF visant à isoler le nucléaire dans une entité publique est en marche. (*) Par Basile Bouquet, Pdg de Enexflow, et François Dauphin, expert international énergie.

Le nucléaire n'est pas la seule filière à être massivement impactée par le poids du financement. Le couple risque et rentabilité exigée du capital constitue le premier critère de sélection des projets d'infrastructure dans le monde de l'énergie. Ainsi, combinant maturité technologique et modèles de revenus peu risqués, les projets renouvelables (éolien et solaire) ont pu se développer et bénéficie aujourd'hui d'un financement bon marché.

À l'inverse, le coût du capital représente jusqu'à un tiers du coût complet pour les projets de stockage stationnaire. Ce coût recouvre encore un enjeu majeur, et plus spécifiquement pour les batteries électrochimiques.

La rentabilité exigée sur les actifs solaires est aujourd'hui bien inférieure à celle des projets de batteries électro-chimiques, allant du simple au double. La forte réduction des risques sur les projets renouvelables en est la cause principale : côté technologie, par une maturité exponentielle associée à des mécanismes de garantie bancaire et côté revenu, par une visibilité parfaite des flux de trésorerie futurs combinée à des mécanismes assurantiels sur toute la durée de vie des installations.

Pas d'aides pour le stockage !

Le stockage stationnaire doit s'appuyer sur les mêmes leviers. Le volume croissant de projets de batteries au cours des dernières années permet d'anticiper un fort potentiel de réduction des coûts de fabrication, près de 60% d'ici 2030 selon l'IRENA. Néanmoins, la sécurisation des revenus reste un défi. Les projets de stockage ne bénéficient pas de mécanismes de soutien financiers et doivent construire leur plan d'affaire en s'appuyant sur les revenus issus des marchés. Ils affichent dès lors un risque élevé. Si la fourniture de services d'équilibrage des réseaux constitue la cible privilégiée des développeurs de projet de batterie, la forte volatilité de ce marché combinée à la diminution anticipée des prix ont conduit RTE à garantir un revenu additionnel stable via le mécanisme de l'Appel d'Offre Long Terme.

Si la rentabilité des batteries est aujourd'hui envisagée via un millefeuille de revenus sur les différents marchés de l'électricité (service système, capacité, énergie), les stratégies qui permettront de sécuriser les investissements sur le long terme semblent plus pertinentes.

La filière de stockage doit donc s'inspirer des solutions trouvées par les développeurs de projets renouvelables et intégrer son coût de fonctionnement à un coût complet de l'électricité sur des périodes longues. Les batteries doivent sortir de la logique de marché et gagner en visibilité pour trouver un cadre propice de développement, en phase avec les besoins exponentiels du système électrique.

En conclusion, la baisse des coûts des technologies de stockage et le souhait des clients de s'orienter vers une consommation verte vont encourager l'émergence de nouvelles offres d'électricité hybrides associant énergies renouvelables et stockage, ce dernier permettant un pilotage vert au plus près de la consommation des clients.