Taxer les excavateurs, la dernière solution au chômage

L'idée émise par le Parlement européen de taxer les robots relève de l'absurde. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l'ESSEC.

La question de l'utilité du Parlement Européen apparait de temps à autres, lorsque remontent des cas flagrant d'absentéismes ou de légèreté de certains de ses représentants. Récemment, la Commission des Affaires Juridiques (CAJ) du Parlement Européen a constitué un groupe de travail auquel a été confiée la très sérieuse mission de proposer un cadre pour la réglementation des robots.

Il ne s'agit pas d'un canular destiné à tourner en dérision cette assemblée. Ledit groupe s'est réuni dix fois depuis avril 2015, a commandé un Rapport sur le Droit Civil en Robotique, et a auditionné un grand nombre d'experts. Que l'Europe se penche sur la question de la responsabilité civile en cas d'accident provoqué par un équipement sophistiqué, cela semble raisonnable, bien que les principes de droit ne devraient pas être si différents entre un système technique, même doté d'une certaine capacité d'apprentissage, et une cocote minute appartenant à une tierce partie. Il est bon de clarifier la responsabilité du producteur, de l'utilisateur et du propriétaire, sachant que ni le système complexe ni la cocote minute ne peuvent être tenus pour responsables des dommages crées par un mauvais fonctionnement.

Raisonnements délirants

Malheureusement ces aspects juridiques, pertinents, mais sans plus, ont ouvert la brèche aux raisonnements les plus délirants. Le 9 Novembre, la Commission de l'Emploi et des Affaires Sociales, a appelé à une extrême vigilance la CAJ car «  l'utilisation accrue et à grande échelle de robots dans les domaines de la production de biens et de services donne la possibilité d'augmenter la productivité avec une main-d'œuvre plus réduite et que, par conséquent, au cours de la prochaine décennie, certains emplois seront amenés à disparaître complètement et de nombreux autres seront touchés ». Plus loin, elle invite « la Commission Européenne et les États membres à ... étudier la possibilité d'instaurer un système de notification avant l'installation de robots et leur participation relative au chiffre d'affaires des entreprises à des fins d'imposition et de cotisation aux régimes de sécurité sociale. » L'utilisation de robots imposera une cotisation spécifique à la Sécurité Sociale.

 Décourager l'usage des robots ?

Le Rapport final adopté le 9 janvier dernier par la CAJ inclut un amendement (le 25e) déposé par le député grec du parti néo-nazi Aube Dorée Eleftherios Synadinos. Il stipule que "l'éventuelle application d'un impôt sur le travail réalisé par des robots ou d'une redevance d'utilisation et d'entretien par robot doit être examinée dans le contexte d'un financement visant au soutien et à la reconversion des chômeurs dont les emplois ont été réduits ou supprimés, afin de maintenir la cohésion sociale et le bien-être social".

Faut-il décourager l'usage des robots ? Un robot, une machine, un équipement - sont souvent des facteurs de production complémentaires du facteur travail. Limiter le nombre de machines réduirait les emplois liés à leur usage. Il y a de nombreux secteurs d'activité qui dépendent essentiellement du contact humain, et de l'émotion - l'architecture, le design, les métiers créatifs, voire l'enseignement, la santé, la recherche.

Dans d'autres secteurs, comme la production automobile ou l'industrie minière, les machines et humains sont substituables et le taux de substitution dépend du rapport entre salaire et loyer du robot. Si dans ces secteurs, graduellement, la main d'œuvre est moins utilisée au profit de machines plus productives, alors cette main d'œuvre devra s'orienter vers les secteurs en expansion qui recrutent de la main d'œuvre comme l'industrie des services. Rien ne permet d'affirmer que le rythme de destruction d'emplois dans l'industrie sera plus rapide que la création nette d'emplois dans les services. Historiquement, l'humanité a déjà absorbé deux révolutions industrielles majeures avec une très forte expansion du nombre d'emploi existant.

 Une taxe sur les excavateurs et les grues?

Par ailleurs, les emplois manufacturiers, pénibles car répétitifs, qui sont susceptibles de disparaître, ont été ciblés par le nouveau compte pénibilité qui les présente comme un facteur de mal être pour les travailleurs. Peut être que par souci de cohérence la taxe ne devrait s'appliquer qu'aux emplois non pénibles.

Dans cette logique absurde de taxer les robots qui détruisent le plus d'emplois, pourquoi ne pas proposer une taxe sur les excavateurs et les grues. Un grand nombre d'emplois seraient créés s'il fallait, à partir de maintenant, construire les immeubles par la force des bras. Le rapporteur du groupe de travail de la CAJ, Mady Delvaux, s'étant inquiétée de l'affection que les humains pourraient développer pour les robots, et ayant recommandé l'interdiction en Europe de robots humanoïdes, la CAJ qui aurait à se prononcer sur le Code Ethique des Excavateurs, devra être attentive à interdire toute ressemblance avec les personnages de film comme « Transformers », sous peine de danger de création de liens affectifs.

Beaucoup de personnes s'interrogent sur les raisons qui ont poussé les Britanniques à voter pour la sortie de l'Union Européenne. Il nous semble que ce nouvel épisode pathétique de la saga européenne apporte une réponse sans équivoque.

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Commentaires 10
à écrit le 07/02/2017 à 21:16
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Taxons plutôt les poubelles, il y en a davantage...Les taux hauts tuent les totaux, n'est-ce pas ? Ou alors, on peut aussi taxer les chômeurs pour réduire le chômage...

à écrit le 04/02/2017 à 22:29
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Vous avez raison : les chômeurs sont en plus utiles : ils servent à baisser les salaires ET les futurs retraites. Que du bonheur.

à écrit le 01/02/2017 à 23:25
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Les journalistes seront peut-être taxés parce qu'ils utilisent des ordinateurs pour écrire et non une dactylo Pourtant je mets ma main bionique à couper qu'ils voteront Hamon et cette taxe universelle pour robot Merci pour cet article dénonciat...

à écrit le 28/01/2017 à 1:23
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Si on taxait ces 2 personnes en fonction de leur incompétence et de leur refus de la réalité, on n'aurait plus de déficit. Un discours vague et creux, idéologique, comme d'habitude.

à écrit le 26/01/2017 à 15:39
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Raisonnements surprenants / un peu tarte à la crème. Je cite "Rien ne permet d'affirmer que le rythme de destruction d'emplois dans l'industrie sera plus rapide que la création nette d'emplois dans les services." AH BON ? C'est vrai que dans la ban...

le 14/02/2017 à 13:59
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je suis pas sur que l economie declinante francaise puisse absorber autant de diplome de l ESSEC. Certes certains pourront s expatrier mais les autres pays ont aussi leur spropres ecoles et des gens competants, pourquoi prendre des francais ? Sur ...

à écrit le 26/01/2017 à 13:12
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On ne taxe pas les hommes, mais le travail qu'ils fournissent. On ne doit pas taxer les machines, mais le travail fourni par ces machines, qui correspond à l'énergie qu'elles consomment. Il faut taxer la CONSOMMATION d'énergie.

le 06/02/2017 à 9:11
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Oui, mais les robots fournissent beaucoup de travail en consommant très peu d'énergie...

à écrit le 26/01/2017 à 12:22
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Taxer les robots n'est pas une mauvaise idée, ces machines remplacent un homme sur lequel on prélevait des taxes et des impôts. On peut en effet considérer qu'a partir du moment ou il y a un acte de travail donc de revenus , des taxes soient perçues....

à écrit le 26/01/2017 à 11:37
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C'est en effet un raisonnement complètement stupide venant de gens totalement déconnectés de l'économie réelle, l'incompétence due en grande partie à sa compromission totale, de notre élite publique et privée européenne, devient éloquente. Car en plu...

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