Taxis : la grève contre l'anarchie

Par Yann Ricordel  |   |  681  mots
UberPop a été bloqué dans de nombreux pays européens. Pour une bonne raison: ils ne tolèrent pas l'absence totale de règles, de l'anarchie. C'est contre cette anarchie que les taxis se mettent en grève ce jeudi. Par Yann Ricordel, Directeur général de Taxis Bleus

Ils n'ont aucune illusion. Ils savent que ce mouvement de grève va déchaîner les critiques. Que ceux qui crient leur rejet de toute une profession parce que malheureusement, ils sont montés dans le véhicule de quelques chauffeurs peu aimables - ça arrive, comme partout - vont crier encore plus fort. Que cette grève va peser lourd au niveau financier et qu'ils en paieront les frais, dans un contexte économique déjà compliqué.

UberPop a toujours été illégal

Pourtant, en ce jeudi 25 juin, les chauffeurs de taxi de toute la France entament un mouvement de grève illimité. Bien entendu, il suffirait d'énoncer quelques clichés pour « expliquer » cette attitude : elle serait selon certains le dernier sursaut d'une profession incapable de se moderniser et accrochée à ses « privilèges ». Mais on peut aussi refuser la facilité et tenter de comprendre vraiment.
Cela suppose d'oser regarder la réalité en face : les services de type UberPop étaient illégaux bien avant la loi dite « Thévenoud », adoptée en octobre dernier, et qui l'a réaffirmé. Non parce que les autorités sont hostiles à la modernisation du secteur et à la baisse des prix des courses. Mais parce qu'il s'agit tout simplement d'une question d'ordre public : si chaque individu se mue, à ses heures, en chauffeur de taxi ou de VTC, se gare sur la chaussée et se fait rémunérer sans que la moindre charge ou le moindre impôt ne soit prélevé sur ce revenu et sans un contrôle possible des forces de l'ordre, alors s'ouvre la voie de l'anarchie, de l'insécurité pour les passagers, et du gouffre financier. Tant pour les taxis aujourd'hui que pour tout autre secteur qui se verrait « UberPopériser » demain.

UberPop bloquée en Espagne, Allemagne, Italie...

Ceci explique que l'application UberPop ait tout simplement été bloquée en Espagne, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique notamment. En France par contre, les chauffeurs « légaux » attendent toujours. Certes, le gouvernement ne cesse de rappeler l'illégalité du service UberPop.

Certes, les contrôles ont été renforcés et des centaines de conducteurs particuliers ont été verbalisés depuis le début de l'année. Mais UberPop continue à opérer. Et la justice semble considérer qu'il n'y a en cela rien de vraiment préoccupant : il y a deux jours la Cour de cassation a donné un répit supplémentaire de trois mois à Uber en saisissant le Conseil Constitutionnel. En mars dernier déjà la Cour d'appel n'avait pas jugé nécessaire de prendre les mesures suspensives demandées... par plusieurs compagnies de VTC !

Les compagnies de VTC les plus touchées par les ravages d'UberPop

Car ce sont elles les plus touchées par les ravages d'UberPop, même si cela aussi est souvent oublié derrière les clichés. Faut-il alors s'étonner que la société Uber, passée maître dans l'art de la provocation et de la guérilla judiciaire, ait annoncé le lancement de l'application dans trois nouvelles villes de France au début du mois ? De quoi exaspérer les chauffeurs de taxis, lassés d'entendre les incantations infructueuses des autorités.
Bien entendu, les quelques épisodes de violence qui se sont déroulés ces derniers jours doivent être condamnés. Rien ne les excuse. Mais le mouvement qui débute aujourd'hui, lui, doit être compris : si les pouvoirs publics sont incapables de faire respecter les règles nouvellement établis et si la justice ne voit pas l'urgence d'agir... alors il est compréhensible que les chauffeurs de taxi souhaitent la rendre évidente aux yeux de tous, cette urgence, cela même s'ils doivent en payer le prix. Les autorités en tireront-elles les conséquences ? Oseront-elles s'attaquer à la multinationale Uber et bloquer totalement l'application illégale - quitte à s'attirer les foudres des utilisateurs séduits par le prix du dumping social ? Ne nous y trompons pas. Bien plus qu'une simple « question de taxis », il s'agit en fait de mettre un terme à... l'anarchie.