Traders et terroristes : les risques extrêmes en 2016

Par François Assémat  |   |  678  mots
Jérôme Kerviel, le trader qui a fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société Générale
Traders fous et fous de Dieu ont le même profil de risque. Comment le gérer? Par François Assémat, Directeur du MSc Marchés Financiers à l'INSEEC. @SentinAM

Montauban, Toulouse, le Bataclan, Le Carillon: quelques étapes de ma vie personnelle, également cibles du terrorisme. Comme beaucoup de français, j'ai la sensation diffuse que le risque s'est rapproché de moi. Jusqu'à Charlie Hebdo, nous avions le sentiment parfois empreint de cynisme, que si nous n'étions ni représentant de l'ordre, ni juif, ni caricaturiste, nous pourrions « passer entre les balles ». Ce sentiment s'est totalement évaporé avec les actes du vendredi 13. Désormais, le risque nous englobe tous.

Pour Denis Kessler, nous sommes entrés dans l'ère de l'« hyper terrorisme »: songez que quelques centaines de grammes d'Anthrax saupoudrés - par un drone ? - au-dessus d'une grande ville feraient plus de 100 000 victimes.
Jacques Attali enfonce le clou dans ses prévisions apocalyptiques pour 2016: De nouveaux attentats terroristes, d'une ampleur défiant l'imagination, sont attendus, de façon réaliste, dans tous les pays, y compris le nôtre.

Désormais tous englobés dans les risques extrêmes, comment affronter le nihilisme de ceux pour qui la vie ne vaut rien ? Devons-nous changer notre mode de vie ?

Comment punir les kamikazes?

Il fut un temps où « terroriser les terroristes » pouvait avoir du sens. Mais ces menaces ne valent plus sur des êtres qui ne craignent que la colère de leur Dieu et nullement celle des hommes.
Nassim TALEB, philosophe et théoricien du risque, suggère de faire peser sur les candidats kamikazes la menace d'une punition collective appliquée à leur famille et entourage . Il souligne une question majeure qui peut se formuler en termes de risque : les terroristes n'ont pas de « Pay-off négatif ». Autrement dit, quelle que soit l'issue de leurs actes, ils se considèrent gagnants : vivants, ils luttent pour Allah et la cause du djihad, morts, ils sont des martyrs qui seront glorifiés.
Il en va exactement de même des fous de Dieu et des traders fous et cela pourrait nous aider à élaborer une parade.
Comme les fous de Dieu, les traders fous n'ont pas de « Pay-off négatif » : rien ne peut les atteindre. Accumulant des risques insensés, s'ils s'en sortent par le haut, ils toucheront un bonus mirifique. S'ils explosent, la banque paiera et ils accèderont à une certaine forme de notoriété « à la KERVIEL ».

Traders fous et fous de Dieu ont le même profil de risque

Traders fous et fous de Dieu ont le même profil de risque et ils se grisent des risques extrêmes qu'ils font subir à la communauté. Hélas, celle-ci est incapable de prévoir le timing de leurs actes.
Pourtant, de nouveaux outils nous permettent, sinon de prévoir avec précision le timing des catastrophes, au moins d'en gérer le risque et d'en limiter les pertes induites.
En trading, le Smart Data, c'est-à-dire l'exploitation d'opinions diffusées sur les réseaux sociaux en grande quantité, permet de « capter » le sentiment d'une foule d'investisseurs et de déceler les « signaux faibles » de futurs krachs boursiers. Pourquoi ne pas appliquer cette technique issue du Big Data pour nous aider à circonscrire le risque terroriste ?
En effet, l'agrégation de données d'apparence anodines mais collectées en grande quantité, possède la propriété de faire émerger d'infimes anomalies (signaux faibles) aux conséquences désastreuses : les « cygnes noirs » de Nassim TALEB. C'est ce principe même qui est utilisé en finance dans la gestion du risque d'un portefeuille.

La finance au service de la prévention du risque terroriste ?

Un système expert « vigilant », agrégeant les signalements provenant de la famille, de l'école, du travail ou des réseaux sociaux, doit pouvoir agir comme lanceur d'alerte et nous aider à anticiper les dérapages des apprentis djihadistes avant qu'ils ne se produisent.

Ainsi, et si nous voulons conserver notre mode de vie, cible des extrémistes, il nous faudra sans doute nous débarrasser de certaines appréhensions pour surmonter la peur du Big Brother (le contrôle total) et ouvrir l'ère d'un Big Data préventif (le contrôle au service du risque).