Traité transatlantique : François Hollande, Captain Europa ?

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  765  mots
Il ne faut pas signer à tout prix un accord avec les Américains, sur le traité transatlantique. Pas question que l'Europe devienne le 51è Etat des Etats-Unis. François Hollande va-t-il prendre la tête de la résistance face à l'administration américaine? Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne CEO de Zenon 7 Public Affairs et Président de j c g a

François Hollande devrait s'inspirer des Avengers, inventer et s'incarner en un Captain Europa, véritable défenseur de l'Union Européenne et de ses citoyens face à la volonté commune du Captain America Obama, de la Chancelière Angela et de quelques autres d'accélérer la conclusion d'un très probable très mauvais accord sur le Traité Transatlantique. C'est une chance unique et c'est aussi peut-être la dernière pour lui et pour l'Europe. Il doit vite entrer dans le costume.

Le Tafta ou TTIP, c'est beaucoup plus qu'un accord douanier, beaucoup plus même qu'un accord sur la coordination des réglementations européennes et américaines. Au delà de l'avenir du très prisé marché européen, l'Europe joue une grande partie de son destin global. Dans cette négociation commerciale et régulatoire se déroule un épisode décisif des nouvelles joutes planétaires. Les leaders européens devraient tous comprendre que l'Europe joue son avenir en tant qu'ensemble et puissance politique et identitaire.

Une douteuse opacité

Il ne faut pas d'accord à tout prix. L'accord doit être ambitieux, créatif et sans cesse habité de l'envie de promouvoir le rêve d'une Grande Europe, puissante et riche dans un Monde devenu multipolaire dans ses ambitions compétitives. Or le risque est énorme que rien ne se déroule ainsi.

D'abord parce qu'une douteuse opacité contrôlée règne largement autour de ces tractations. Ensuite du fait de la volonté commune de Barack Obama, qui a déjà conclu le TransPacific Partnership, un autre accord de libre échange avec 8 pays asiatiques mais sans la Chine, et Angela Merckel elle même suivie par les ex pays soviétiques européen tout comme semble-t-il par l'Espagne et l'Italie, d'aller vite pour de bonnes et surtout de mauvaises raisons.

La crainte d'une négociation en faveur des intérêts américains

Ajoutons pour noircir le trait que les autres pays membres de l'Union sont divisés sur des bases d'intérêts particuliers insuffisamment discutés en amont. La Commission est un peu seule au milieu de ce terrain miné et elle peut être, elle-même, au final, tentée d'aller vite et mal, même si elle s'en défend. L'Europe doit impérativement surmonter ses divisions nationales, programmer des priorités communément partagées et promouvoir ensemble une vision stratégique globale face à celle des USA. Il est encore temps mais pour ne parler que de 3 des 28, on peut douter des envies de Londres, Berlin et Paris, de le faire. Tout ceci fait craindre une négociation sinon bradée en tout cas largement en faveur des intérêts américains, comme toujours très préparés et déterminés autour de l'alliance entre secteurs public et privé.

Que la France prenne le leadership de la résistance conquérante!

Paris menace : « il n'y a pas de volonté d'aboutir à tout prix ». Allons-y et vite, il faut que la France prenne le leadership de la résistance conquérante. Tout reste possible ! Mais François Hollande peut-il devenir le Captain Europa que les citoyens européens attendent de leurs vœux répétés ?

L'Europe doit montrer à ses citoyens et aux autres acteurs qu'elle peut être unie et forte. Qu'il faut compter avec elle aujourd'hui et plus encore demain. Ni l'Allemagne d'Angela Merkel, tellement renouvelée dans ses envies de puissance, ni aucun autre pays européen ne pourra résister, seul, aux batailles en série de la guerre économique et géopolitique contemporaine. Cet accord sera le révélateur de la vitalité de l'ambition et du rêve que nous partageons depuis plus d'un demi-siècle et qui, lui, n'a pas de concurrent dans le Monde contemporain peut-être même dans l'histoire. Il faut le valoriser sans crainte !

Disons-le tout net : c'est à la fois une épreuve évaluatoire et une chance pour l'Union Européenne d'affirmer concrètement son rêve et sa puissance.

Certes il y a un intérêt commun à signer un contrat bien négocié. Et notamment pour mieux défendre nos positions respectives face aux ambitions légitimes des autres blocs de ce Monde multipolaire. Nous le savons tous : Bruxelles, c'est déjà un peu Washington DC. Mais déjà très habitée par les Etats-Unis et leurs intérêts, la capitale de l'Union Européenne ne doit pas ni être annexée, encore moins remplacée par celle des USA. L'Europe des 28 ne peut devenir le 51é Etat des Etats Unis d'Amérique.