Tuer le virus, puis relancer l'économie  !

Par Laurence Daziano  |   |  723  mots
Laurence Daziano.
OPINION. En raison des mesures prises pour lutter contre la pandémie du coronavirus, l'économie va entrer en récession. Nous devons donc adapter nos politiques publiques et nos économies, et éviter de nous enfermer dans des schémas de pensée classique. Pour cela, quatre décisions doivent être prises. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

La pandémie de coronavirus, partie d'un marché aux animaux de Wuhan, au centre de la Chine, en décembre 2019, est en passe d'envahir le monde. Ce « Tchernobyl » sanitaire a d'ores et déjà des effets majeurs sur la mondialisation, les systèmes politiques et sanitaires et nos économies. Dans une forme d'accélération de l'histoire, après une période où nos dirigeants ont cru que l'épidémie resterait confinée en Chine, comme le SRAS en 2003, les décisions politiques s'emballent avec la fermeture du ciel aérien, des frontières, des commerces et le confinement quasi intégral des populations, notamment en Italie et en Espagne.

La catastrophe sanitaire du coronavirus est la première pandémie mondiale depuis la grippe espagnole en 1918. Elle met en évidence les faiblesses et les forces des grands blocs, notamment américain et chinois. Si Pékin a agi avec retard dans le début de la crise sanitaire, preuve est de constater que la gestion de l'épidémie a été efficace avec des mesures fortes de confinement de la province du Hubei. Les débuts de l'intelligence artificielle chinoise ont été mis à profit pour surveiller les populations et anticiper la contamination. Les États-Unis ont fini par déclarer l'urgence nationale, après avoir voulu ignorer la pandémie.

L'Europe sera en récession en 2020

En Europe, la pandémie prend un tournant dramatique depuis le blocage total de l'Italie et l'Espagne. Les frontières et les commerces ferment, et les industries automobiles, du luxe, du tourisme ou du transport aérien sont dramatiquement touchées, à tel point que pour tuer le virus, il faut accepter de tuer l'économie, probablement pendant plusieurs mois. En l'absence de leadership européen et de coordination du G20, les bourses dévissent sur fond de krach pétrolier. L'Europe sera en récession en 2020 et ne retrouvera son niveau de richesse qu'en 2021, au mieux.

Dans ces conditions, il faut proposer de nouvelles solutions pour amortir le choc de la crise, puis relancer nos économies. Cela suppose quatre décisions.

D'abord, le président de la République doit appeler, immédiatement, à un sommet des chefs d'Etat du G20 pour sortir du krach pétrolier, éviter une guerre des monnaies et lutter contre la fermeture des frontières et le néo-protectionnisme. Ensuite, il faut développer un instrument d'intervention permettant d'éviter que les lignes de crédit de l'économie ne soient coupées, au risque de voir les faillites se multiplier, ce qui suppose de privilégier les baisses effectives d'impôts et d'avoir des garanties publiques permettant aux banques d'assurer le financement des entreprises.

Adopter l'hélicoptère monnaie

Troisièmement, il faut adopter l'hélicoptère monnaie (money helicopter) pour les entreprises. De facto, de nombreux commerces et entreprises, fermées pendant plusieurs semaines, n'auront aucun chiffre d'affaires. L'hélicoptère monnaie est une forme de politique monétaire, pensée originellement par Milton Friedman, chef de file de l'économie libérale, en 1969 dans The Optimum Quantity of Money, pour lutter contre la déflation. Il s'agit de distribuer directement de l'argent aux ménages. Le concept pourrait être adapté par les banques centrales pour fournir des capitaux directement aux entreprises, ce qui leur permettrait d'endiguer le choc récessif, puis de relancer l'économie, sans que cela pèse sur les finances publiques des Etats. Le montant de monnaie distribué varierait selon la taille et le secteur de l'entreprise, sous le contrôle de la BCE et des Etats.

Enfin, il faut investir massivement dans la recherche technologique et soutenir la relocalisation des activités stratégiques. La santé en fait partie et sa stratégie doit être totalement repensée, tant en termes de recherche médicale que d'offres de soins.

La pandémie du coronavirus, qui touche à notre santé, nous ramène aux valeurs et aux enjeux fondamentaux. La crise, inédite, nécessite aussi des réponses fortes et innovantes. Nous devons adapter nos politiques publiques et nos économies, et ne pas nous enfermer dans des schémas de pensée classique. Soyons Angelo Pardi, le héros du Hussard sur le toit de Jean Giono, qui, après avoir combattu l'épidémie de choléra à Manosque, part faire la révolution en Italie.