Un traitement social du chômage inefficace

Par Julien Barlan  |   |  1262  mots
Pourquoi le traitement social du chômage est inefficace et élude les réformes de fond si nécessaire. Par Julien Barlan, économiste.

Le président de la République vient d'annoncer une série de mesures dans le cadre d'un « plan d'urgence contre le chômage » qui ne cesse d'augmenter mois après mois depuis 2012. Au programme : primes pour les entreprises, plan de formation et apprentissage. Malheureusement, tout semble indiquer que ces éléments viendront s'ajouter à la longue liste des « chocs », « pactes » et autres « conventions » qui ont marqué 40 ans d'échec de la politique de l'emploi en France. Il est temps d'ouvrir les yeux et de passer aux vraies réformes dont le marché du travail français a besoin.

Mauvais constat

Les différentes mesures présentées par François Hollande se fondent avant tout sur une erreur de diagnostic. Le « chômage de masse » ne concerne en effet que la population faiblement ou non diplômée. Les personnes titulaires d'un brevet, d'un CEP ou sans diplôme sont trois fois plus touchées par le chômage que les diplômés de l'enseignement supérieur. Alors que les premiers connaissent un taux de chômage de 13%, moins de 5% des Bac + 3 et plus sont actuellement en recherche d'activité, soit la « variable d'ajustement » qui reflète que certains peuvent être ponctuellement entre deux emplois. En d'autres termes le chômage de longue durée s'attaque exclusivement aux plus faibles. Pourquoi ?

 Coût des cotisations

Parce que les entreprises n'ont pas besoin d'un chèque ponctuel comme le leur offre le chef de l'Etat. Elles n'embauchent pas pour une raison très simple : le coût cumulé des cotisations patronales et salariales (qui restent acquittées par l'employeur) à celui induit par la rigidité du marché du travail ne permettent pas de compenser la faible valeur ajoutée produite par les travailleurs peu qualifiés.
Enfin, en ce qui concerne la « formation » de 500 000 demandeurs d'emplois, il s'agit d'un vœu pieu totalement irréaliste. L'AFPA (Association pour la formation professionnelle des adultes), qui forme aujourd'hui 80 000 demandeurs d'emplois par an, absorbe près d'un chômeur sur trois en formation. Il faudrait ainsi qu'elle triple ses capacités en un an ! C'est impossible. A défaut de vraies réformes, on se contente d'un artifice statistique qui fera passer des demandeurs d'emplois de la catégorie A à la catégorie D. Le chômage baissera ainsi par illusion, mais de réformes structurelles point!

Fiscalité

La première des réformes à mener pour faire reculer durablement le chômage est celui du poids de la fiscalité sur la production. La France est le pays de l'Union Européenne qui taxe le plus lourdement le facteur travail. Les chiffres compilés par Eurostat sont limpides : s'agissant de la taxation implicite du travail, la France se classe au 6ème rang de l'Union Européenne (après l'Italie, la Belgique, l'Autriche, la Finlande et la Hongrie) mais largement devant l'Allemagne (11ème) et la Grande-Bretagne (26ème). Alors que la moyenne européenne est à 35 %, la France est à 40 %. Autre illustration, les cotisations sociales représentent 17% du PIB contre 13% en moyenne dans l'UE. S'il fallait une nouvelle preuve du déficit de compétitivité hexagonale sur le marché du travail, là voici, avec les conséquences mentionnées plus haut sur l'emploi des moins qualifiés.

Réforme de l'organisation du travail

En sus de la fiscalité sur la production, une véritable réforme de l'organisation du travail en France est nécessaire pour juguler durablement le chômage. On l'a dit, les moins qualifiés sont les plus touchés notamment en raison du coût de leur embauche. Mais l'absence de flexibilité de l'emploi leur porte aussi préjudice. Les contrats de travail actuels (CDD, CDI) sont trop rigides et n'apportent pas la souplesse requise pour des embauches de masse dans les secteurs qui traditionnellement embauchent de la main d'œuvre faiblement qualifiée (bâtiment, restauration...) mais qui sont soumis à une forte cyclicité de leur activité.

Le travail crée le travail

Par ailleurs, au contraire de ce que pensent certains, le travail ne se partage pas. Au contraire, le travail crée le travail. La croissance générée par l'activité supplémentaire appelle de nouvelles embauches. Pourtant, c'est l'idée selon laquelle il faut « laisser la place aux autres » qui a conduit à réduire la durée légale du temps de travail à 35h précisément des salariés faiblement qualifiés. Les cadres étant au « forfait jour », le problème de se pose pas pour eux. En revanche, les plus vulnérables sont enfermés dans un cercle vicieux qui les condamne au chômage. Ce n'est pas un hasard si un récent rapport de la commission des finances du Sénat vient de mettre en lumière que le passage de la durée légale du travail de 35h à 37h équivaudrait à une baisse du coût du travail de 3%. Tout est lié.

Une assurance chômage peu incitative

Enfin, dans un pays où le système d'assurance chômage compte parmi les plus généreux au monde, il n'est pas interdit de s'interroger sur un système incitant dans certains cas à la non reprise d'emplois. La Cour des comptes ne point-elle pas encore dans un rapport de ce début de mois « une durée maximale d'indemnisation parmi les plus élevées » de l'OCDE ? Cette dernière s'élève à deux ans pour les moins de 50 ans et trois ans pour les 50 ans et plus. Coïncidence avec le taux de chômage élevé des séniors ? Attention, ne blâmons pas les chômeurs, ils n'ont pas décidé du système. Les coupables sont les responsables politiques qui, par facilité, ont préféré transformé leur obligation de réformer en chômage massif.

Aucune réforme de fond

Contraintes horaires, cadre rigide, coût élevé : la recette du chômage de masse des moins diplômés est là. François Hollande peut sortir le carnet de chèque ou promettre des formations chimériques à un an de la course à l'Élysée, ça restera sans effet car aucune réforme de fond n'est annoncée. Or, il suffit de regarder nos voisins européens qui se sont réformés pour se rendre compte qu'avec un minimum de volontarisme les situations peuvent s'améliorer. Le cas du Portugal est frappant : alors qu'il y a encore 5 ans le pays était « sous programme » du FMI, son taux de chômage est redescendu aujourd'hui à 12%. Il ne cesse depuis de baisser et pourrait rapidement passer sous le chômage français qui lui s'approche dangereusement des 11%.

Malheureusement, tout porte à croire que ce nouveau « plan » annoncé par François Hollande, au coût pour les finances publiques non négligeable de 2 milliards d'euros, accouchera d'une souris au grand désespoir des 16 000 nouvelles personnes qui depuis 2012 s'inscrivent mensuelle à Pôle Emploi. Or, on l'a vu, si l'on veut véritablement faire baisser le chômage avec une enveloppe de 2 milliards d'euros, il y a beaucoup à faire, notamment pour faire baisser le coût du travail. Bien entendu, ce montant est limité par l'absence de réformes structurelles pour faire baisser la dépense publique (certes c'est un autre sujet) mais un choc de compétitivité sur le coût du travail compris entre 5 et 10 milliards d'euros sur les bas et moyens salaires sera nécessaire pour durablement enrayer le chômage endémique dont souffre notre pays. En attendant, tout futur pacte et autre plan restera sans lendemain et viendra s'ajouter à la longue litanie des annonces sans effet sur l'emploi.