Une nouvelle orientation fiscale pour mieux comprendre nos entreprises ?

Par Guillaume Rouvier  |   |  554  mots
(Crédits : DR)
L'investisseur individuel est devenu plus rare dans notre pays si l'on en croit les indicateurs de mesure : 7 millions en 2008 à opposer 3 millions aujourd'hui ! Est-ce pour autant un handicap pour notre pays ? À première vue et selon la pensée dominante, NON. Par Guillaume Rouvier, co-fondateur d'hiboo.expert

Les sociétés françaises n'ont pas besoin des investisseurs individuels : si elles ont une croissance rentable, elles n'auront aucun mal à trouver des financements nécessaires pour leur expansion. Au besoin, elles iront, comme Critéo, se faire coter aux États-Unis.

De leur côté, les particuliers ne sont généralement pas aptes à devenir actionnaires : investir dans une société comporte toujours un risque spécifique, celui qu'elle fasse de mauvais choix stratégiques et donc de mauvaises affaires. Une bonne gestion impose donc de constituer un portefeuille pour mutualiser le risque. À titre d'exemple : si l'on investit dans 20 ou 30 sociétés, il y aura dans le lot des mauvais investissements, mais ceux-ci seront compensés par d'autres qui rapporteront plus que prévu.

La vraie question qui se pose est : quel investisseur individuel est aujourd'hui capable, de manière autonome, de sélectionner et de suivre attentivement 30 investissements ? Très peu, d'où le recours aux fonds commun de placements.

Le gouvernement, fidèle à la promesse d'Emmanuel Macron d'augmenter la croissance potentielle de la France et l'investissement dans les entreprises plutôt que dans l'immobilier, met en œuvre une réduction de la fiscalité et des contraintes administratives des entreprises ! Mais sans privilégier l'investissement direct dans une entreprise qui supporte la même fiscalité que l'investissement en fonds !

L'investissement individuel, la clé de compréhension de l'entreprise !

Pourtant, pour augmenter le potentiel de croissance il est nécessaire de développer l'esprit d'entreprise.

Devenir actionnaire permet l'apprentissage de l'entreprise, ses défis et sa stratégie, ainsi que de comprendre la valeur du risque pris, du courage, de l'initiative et de la persévérance. L'investissement dans une action relie à une aventure entrepreneuriale tandis que l'investissement dans un fonds relie au marché financier !

De plus, l'actionnariat individuel répond à une logique patrimoniale de long-terme et c'est exactement ce qui est bon pour l'économie. Pour exemple, la société Air Liquide est détenue pour 36% de son capital par 400 000 actionnaires individuels.

Enfin, le renouvellement du tissu industriel passe par les petites sociétés, sorties des radars des fonds d'investissement en raison d'une capitalisation trop faible. Pour autant ce sont elles qui constitueront les grandes sociétés de demain.

Reste, pour l'investisseur individuel, la question de la diversification du portefeuille. À cela, on peut répondre que les Bettencourt, Dassault, Bouygues, Arnaud et Peugeot ont fait leur fortune en ayant investi à long terme dans une seule entreprise. Un grand investisseur boursier comme Warren Buffet est resté pendant des décennies cantonné à une dizaine d'investissements seulement. L'investisseur individuel peut lui aussi se concentrer sur un petit nombre de valeurs. Mais alors, le discernement compte pour beaucoup dans la sélection des investissements tout comme l'étude et l'écoute de l'écosystème de l'entreprise. Le choix du long terme est également le plus rentable : les entreprises performantes comme Air Liquide, L'Oréal, Nestlé et Michelin sont devenues centenaires et elles ont enrichi les actionnaires qui ont su rester fidèles.

L'actionnariat individuel est l'avenir. Le gouvernement doit le soutenir en favorisant les actions détenues directement et à long terme par une fiscalité incitative au niveau des dividendes, des plus-values et des droits de succession. Et tout ceci pourrait être significatif pour le pays pour un coût faible pour l'État !