Urgence climatique et énergie

Par Laurence Daziano  |   |  609  mots
Laurence Daziano.
Le fossé s'accroît entre les engagements climatiques pris par les Etats et l'objectif de maintenir la hausse des températures à moins de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. Le recours au nucléaire en complément des renouvelables semble indispensable pour atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique. Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).

Alors que la 23e conférence des parties (COP 23) se tient depuis le 6 novembre à Bonn, en Allemagne, la bataille pour la maîtrise du réchauffement climatique entre dans une phase décisive. Les États-Unis ont annoncé leur retrait de l'Accord de Paris de décembre 2015. Plus globalement, le fossé s'accroît entre les engagements climatiques pris par les Etats et l'objectif de maintenir la hausse des températures à moins de deux degrés centigrades (2°C) par rapport aux niveaux préindustriels.

Les émissions mondiales annuelles de CO2 issues des énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz) et de l'industrie cimentière, qui représentent 70% du total des rejets de gaz à effet de serre, se sont stabilisées depuis 2014, à 36 milliards de tonnes (ou "Gt"). Cette stabilisation s'explique par le moindre recours au charbon en Chine et aux États-Unis, les deux grands pollueurs de la planète, et par l'essor concomitant dans les pays émergents de l'énergie nucléaire et des énergies renouvelables.

Maîtrise des gaz à effet de serre : un trompe-l'oeil

Cependant, cette analyse encourageante sur la maîtrise des gaz à effet de serre doit être contrebalancée par trois facteurs. D'une part, elle a été constatée sur une courte période. D'autre part, alors que la croissance mondiale repart, le nouveau cycle économique pourrait entraîner à la hausse les émissions de CO2. Enfin, les émissions globales sont encore en légère augmentation, avec les émissions de méthane et l'ensemble des gaz à effet de serre produits par l'agriculture, les changements d'utilisation des terres et la déforestation.

Avec 2/3 des engagements manquants, pas de stabilisation possible

Pour contenir le réchauffement sous 2°C, il faudrait plafonner les rejets mondiaux à 42 Gt en 2030 selon les experts du GIEC. Les engagements des 195 États ne permettent, à ce stade, que de réaliser un tiers de l'effort nécessaire de réduction des émissions de CO2, ce qui conduirait à une hausse des températures supérieure à 3 degrés.

L'urgence de l'action impose donc d'agir dans deux secteurs avec l'impérieuse nécessité de réussir rapidement, et avant le « pic » climatique de 2020. D'une part, il faut développer l'énergie de long terme qui n'émet pas de CO2, en favorisant l'énergie nucléaire par rapport au pétrole ou au charbon.

L'AIE estime qu'il faut augmenter la part du nucléaire

L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que, pour lutter contre le changement climatique, la part d'électricité nucléaire devra être de 17% en 2050 (contre un peu plus de 11,5% actuellement). Qu'il s'agisse de l'Europe, qui doit transformer son mode de production énergétique, ou des pays émergents, où la demande en électricité croît rapidement, la construction de nouvelles centrales s'impose. C'est le cas avec l'EPR français à Flamanville, en Chine, en Finlande et en Grande-Bretagne. C'est également ce que fait Rosatom, l'énergéticien russe, qui construit plusieurs centrales de type VVER en Hongrie, Finlande, Biélorussie, Inde ou Turquie.

D'autre part, les énergies renouvelables doivent être développées de manière beaucoup plus soutenue, en complément de l'énergie nucléaire, puisqu'elles ne permettent pas de disposer d'une énergie produite en continu, étant dépendante du vent ou de l'ensoleillement. Les énergéticiens mondiaux, comme Total, Engie ou Rosatom l'ont bien compris et investissent massivement dans ces nouvelles énergies.

Le temps est désormais compté. Si l'écart entre les objectifs de la COP 23 et nos productions énergétiques n'est pas comblé, les conséquences climatiques seront irréversibles.

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L'AUTEUR

Laurence Daziano est maître de conférences en économie à Sciences Po, et membre du Conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol).