Vers une économie numérique et décarbonée après la pandémie

Par Laurence Daziano (*)  |   |  700  mots
Laurence Daziano.
OPINION. L'épidémie de Covid-19 va entraîner une transformation profonde de nos systèmes économiques et sociaux, qui va ouvrir un nouveau cycle favorable à l'économie numérique, la transition écologique et certains secteurs clés comme l'industrie pharmaceutique, les services essentiels..., au détriment des secteurs les plus touchés tels que le transport aérien ou le tourisme. (*) Par Laurence Daziano, maître de conférences en économie à Sciences Po, membre du conseil scientifique de la Fondation pour l'innovation politique.

La crise du Covid 19 a eu de nombreux effets, tant dans sa dimension sanitaire que dans les réponses économiques et monétaires. Mais ces effets sont différents selon les pays, les secteurs économiques et les individus.

D'abord, la crise sanitaire accélère le rôle de l'Asie comme principal centre économique mondial et confirme le rôle majeur des Etats-Unis comme unique « hyperpuissance » mondiale, pour reprendre l'expression d'Hubert Védrine.

Biden, figure de proue d'une nouvelle politique économique

Ensuite, l'épidémie de Covid-19 ouvre un nouveau cycle économique. Les politiques libérales menées depuis les années 1980 sont remplacées par les politiques monétaires accommodantes et la relance budgétaire, dans des économies où l'inflation semble maintenue à un niveau proche de zéro en raison de la pression à la baisse des prix par la compétition mondiale. Joseph Biden, le président américain, est devenu la figure de proue de cette nouvelle politique économique. Il a pour objectif de porter la croissance à 6,5% du PIB et de réinstaurer le plein-emploi dès la fin de 2021 par un plan de relance budgétaire de 14% du PIB, doublé d'un programme d'investissements de 2.250 milliards de dollars dans les infrastructures et la transition énergétique. En France, 424 milliards d'euros sont mobilisés, entre 2020 et 2022, pour affronter la crise sanitaire et relancer l'économie.

Enfin, le Covid-19 joue un rôle d'accélération dans la montée en puissance de l'économie numérique, dans la transition écologique et dans les investissements des secteurs clés qui ont répondu à la crise (industrie pharmaceutique, services essentiels...), au détriment des secteurs les plus touchés tels que le transport aérien ou le tourisme.

La poursuite de la différenciation économique

Or, cette différenciation économique va se poursuivre dans les prochains mois en raison de plusieurs facteurs. D'une part, les pays qui auront vacciné le plus rapidement leur population, à l'instar d'Israël, des Etats-Unis et de l'Europe, connaitront une reprise économique rapide, probablement au second semestre 2021. D'autre part, les montants des plans de relance américain et européen vont soutenir la demande et les investissements, notamment dans le numérique et l'écologie. Enfin, la poursuite des politiques monétaires accommodantes va permettre de continuer à porter la hausse des cours boursiers, tout en maintenant les taux d'intérêt proches de zéro. La principale menace macroéconomique demeure la reprise de l'inflation aux Etats-Unis sur laquelle la FED garde un regard attentif.

La pandémie accélère la transition vers une économie de plus en plus digitale. Les GAFA ont bénéficié de la transformation de nos sociétés, à l'instar d'Amazon qui a permis à de nombreux commerces de continuer à fonctionner. Pour Google, la situation est plus contrastée. Certes, les revenus de son Cloud ont augmenté mais les revenus publicitaires, liés à l'économie d'avant crise, ont diminué.

L'accélération sans précédent de la transition écologique

La transition écologique va connaître une accélération sans précédent, que ce soit en matière de développement du véhicule électrique (l'Europe a investi près de 60 milliards d'euros dans la mobilité électrique en 2019), de rénovation énergétique des bâtiments ou de développement des énergies renouvelables. Malgré la pandémie et la récession économique, les énergies renouvelables ont crû de 6% en 2020.

D'autres secteurs économiques sont également portés par la crise sanitaire. L'industrie pharmaceutique va connaître un puissant développement dans les prochaines années grâce à la technologie ARN, utilisée dans les vaccins anti-Covid, et qui pourrait être utilisée contre de nombreuses maladies graves, dont le cancer. L'industrie du luxe connaît une valorisation boursière au plus haut et ses perspectives sont principalement portées par le marché chinois qui croitrait de +45% en 2021, en raison du désir de consommation de la classe moyenne.

L'épidémie de Covid-19, dont le monde devrait sortir progressivement dans les prochains mois grâce à la vaccination, marquera probablement une transformation profonde de nos systèmes économiques et sociaux, accentuant la transition vers une économie plus digitale et moins carbonée.