Voulons-nous des entreprises plus obéissantes ou plus intelligentes ?

Par Émilie Bourdu, Chef de projet à La Fabrique de l'industrie

Le management par la confiance, la responsabilisation des équipes, peinent à trouver une traduction concrète dans les entreprises et structures publiques françaises. Dans les dernières enquêtes « Conditions de travail » de la DARES, l'autonomie régresse, le travail s'intensifie et la monotonie des tâches augmente pour tous les salariés entre 1998 et 2013. La distance hiérarchique entre actifs est forte, les décisions souvent centralisées ; la part des salariés ayant la possibilité de s'impliquer et de s'exprimer dans l'entreprise est plus faible en France que dans la moyenne des pays de l'UE 28 (respectivement 31% contre 40%, enquête EWCS 2012 d'Eurofound). Si bien qu'un fossé se creuse entre les pratiques quotidiennes dans les organisations et les aspirations profondes des individus : aller vers plus de sens, de reconnaissance et d'autonomie.

Les modes d'organisations du travail les plus répandus semblent inadaptés aux impératifs de montée en gamme, de proximité avec le client, d'agilité et de créativité. Et le progrès technique, ambivalent, peut tout aussi bien rendre nos entreprises toujours plus « obéissantes » à des consignes, des procédures, des supérieurs hiérarchiques... ou, au contraire, plus « intelligentes » c'est-à-dire plus souples, horizontales, collaboratives, laissant plus d'autonomie aux collaborateurs. Cette seconde voie semble la plus favorable car elle permet de concilier les attentes des individus au travail et les objectifs de performance des organisations. Elle est aussi la plus exigeante car elle suppose de travailler autrement.

Comment passer à l'action ?

Les entreprises qui empruntent cette voie comme Michelin, Maille Verte des Vosges, Aigle, Airbus group, Renault, Lippi, Blablacar... ont des points communs. D'abord, elles renforcent l'autonomie de leurs collaborateurs à différents niveaux : organisation du travail individuel et du poste de travail (niveau « tâche »), fonctionnement de l'équipe (niveau « collectif »), participation à la gouvernance de l'entreprise et à la définition des objectifs (niveau « gouvernance »). Ensuite, elles ont tendance à privilégier la discussion plutôt que l'injonction et la confiance a priori plutôt que le contrôle a posteriori. Elles mobilisent des pratiques de communication visant l'observation et la compréhension du travail réel comme les espaces de discussion sur le travail entre pairs, la présentation de projets réussis ou non par une équipe à toutes les autres, les plates-formes collaboratives pour faire remonter des propositions... Enfin, elles ont aussi à cœur de donner du sens aux transformations organisationnelles ce qui passe là encore par des pratiques variées : la co-construction de la vision et de la stratégie de l'entreprise, des ateliers de réflexion sur la place du travail dans la vie, la formation des managers afin qu'ils puissent diffuser l'esprit des transformations à leurs équipes ou bien encore la confrontation des points de vue de l'ensemble des parties prenantes sur les critères de jugement du travail bien fait.

Pour finir, accepter la controverse sur le travail, animer le dialogue professionnel, donner du sens aux transformations sont des exercices qui demandent formation, expérimentation, retours d'expérience, changements pour tous et ce jusqu'au plus haut niveau de l'entreprise... Par exemple, les encadrants de proximité seront de plus en plus des « coachs » qui accompagneront leurs équipes dans la résolution des problèmes plutôt que ceux qui trouvent la solution et exercent contrôle et autorité. Ils doivent bénéficier d'un soutien pour y parvenir. Par ailleurs, la mise en place de démarches responsabilisantes par les équipes dirigeantes réinterroge leurs critères de performance économique et financière habituels pour y intégrer le temps nécessaire au retour sur investissement (nécessairement un peu plus long et incertain), et aussi des critères de performance sociale ou sociétale. Quant aux équipes syndicales, elles peuvent trouver dans l'amélioration du dialogue professionnel inhérent à ces démarches un matériau très riche pour le dialogue social, et donc un bon moyen de renouer avec les préoccupations concrètes des travailleurs.

Pour en savoir plus, télécharger l'étude conjointe de La Fabrique de l'industrie, l'Aract-Anact et Terra Nova « La qualité de vie au travail : un levier de compétitivité » (2016).

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Commentaire 1
à écrit le 28/03/2017 à 13:42
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Y'a du boulot .... pour deux/trois décennies ...

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