Zéro Covid  : la fin d'une illusion chinoise

Par Alexis Dussol  |   |  779  mots
Alexis Dussol. (Crédits : DR)
OPINION. Zéro Covid ou vivre avec le virus, le débat a longtemps agité la communauté scientifique et la sphère politique. Si la première option a paru l'emporter durant la première phase de la pandémie, le temps et surtout le SARS-CoV-2 ont fini par donner raison à la seconde. L'abandon de la politique du zéro Covid par les autorités chinoises, qui s'y sont longtemps arc-boutées, signe la fin d'une illusion, celle d'un monde sans SARS-CoV-2. Par Alexis Dussol (*), fondateur et PDG d’Adexsol.

Venue de Chine et de pays du Sud-Est asiatique, la stratégie du zéro Covid a également été appliquée en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il s'agissait de tuer l'épidémie dans l'œuf, dès l'apparition des premiers cas, par des mesures fortes comme la fermeture des frontières, des confinements stricts et l'isolement drastique des personnes testées positives et de leurs contacts. A l'inverse, la majorité des pays, notamment en Occident, feront le choix de vivre avec le virus.

Le zéro Covid gagne la première manche

La Chine sera le premier pays à appliquer cette politique dès l'apparition du virus en 2019, en confinant toute la province de Hubei pendant plus de 2 mois !

Alors que l'Europe et le continent américain, qui ont choisi de « vivre avec le virus », auront beaucoup de mal à juguler l'épidémie, les pays adeptes du « zéro Covid » vont donner l'impression de mieux maitriser la situation à telle enseigne qu'un collectif de médecins et d'économistes plaidera même pour que l'Europe adopte un objectif de zéro Covid, oubliant au passage que la réussite de ces pays étaient due à leur situation insulaire ou au recours à des mesures autoritaires impossibles à envisager dans les démocraties occidentales  !

L'arrivée de variants plus contagieux comme Delta puis Omicron va rendre intenable cette stratégie et les pays l'ayant adoptée vont progressivement l'abandonner en misant sur les vaccins. Ce sera le cas, dès l'automne 2021, des pays du Pacifique et de la Corée du Sud.

La Chine sera le dernier pays à résister en multipliant les confinements et les tests de dépistage. Des métropoles entières vont être coupées du monde du jour au lendemain et les habitants empêchés de sortir de chez eux.

Eviter un nouveau Tien'anmen

Ce harcèlement sanitaire va finir par lasser la population. Les manifestations vont se multiplier à Shanghai, Pékin ou Canton avec des slogans hostiles au régime faisant craindre à Pékin un nouveau Tien'anmen. L'exaspération sera d'autant plus forte que les Chinois verront au même moment, à la télévision, des spectateurs assister sans masques aux matchs du Mondial de foot au Qatar !

Plus que la colère de la population, ce sont les clignotants économiques qui vont obliger le gouvernement chinois à faire volte-face. Les exportations, les prix à la production et l'activité manufacturière vont basculer dans le rouge. La croissance devrait tourner autour des 3 %, contre plus de 8 % en 2021 et le chômage, notamment des jeunes, est en forte hausse. Il fallait absolument sortir du bourbier du zéro Covid.

Pékin annoncera, le 7 décembre, un assouplissement général des règles sanitaires contre le Covid dont la dernière mesure en date est l'abandon de la « carte des déplacements » plus de 2 ans après son lancement.

Vers un tsunami de cas

Si l'abandon du zéro Covid a été accueilli favorablement par les bourses et les institutions internationales, elle fait craindre le pire au plan sanitaire. La population chinoise est plus vulnérable qu'ailleurs, moins de 1% de la population ayant été contaminée. Une étude de l'Université Fudan de Shanghai, publiée en mai dans la revue Nature, a mis en garde contre un « tsunami » de cas et environ 1,6 million de décès si la Chine abandonnait sa politique du zéro Covid.

Il est vrai que jusque-là, Pékin a préféré appliquer avec zèle sa stratégie de zéro Covid en y investissant énormément d'argent plutôt que d'armer son système de santé et de préparer le pays à affronter les nouveaux variants.

Le pays accuse bien des handicaps. La population chinoise est vieillissante et les infrastructures sanitaires sous-financées et mal équipées. Une situation d'autant plus inquiétante que seuls 66% des Chinois âgés de 80 ans ou plus ont été complètement vaccinés et seulement 40% ont reçu des injections de rappel avec des vaccins fabriqués en Chine qui offrent une protection plus faible que les vaccins américains, que Pékin se refuse toujours à importer. La recherche chinoise tarde, de son côté, à sortir un vaccin à ARN. La Chine ne dispose également que 4 lits de soins intensifs pour 100.000 habitants, beaucoup moins que les pays développés.

La lutte contre la Covid ne fait que commencer en Chine. Les Chinois devront désormais apprendre à vivre avec le virus ! Etrange paradoxe pour le pays d'où est partie la pandémie, il y a déjà trois ans !

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(*) Auteur de « La vengeance du Pangolin », éditions Fauves 2020, et  de « Covid-19 : la guerre contre l'invincible virus », éditions Fauves 2021.