Le resserrement du crédit menace l'économie

De nombreux financements spécialisés sont affectés.
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L'opération de refinancement illimité en dollars organisée par les banques centrales permettra-t-elle d'éviter le « credit crunch » que tout le monde redoute ? Elle apportera certes l'oxygène nécessaire aux opérations réalisées aux États-Unis, ou plus généralement à toutes les opérations commerciales internationales. Mais il n'est pas certain qu'elle soit suffisante pour contrebalancer les évolutions négatives aujourd'hui à l'oeuvre dans la finance. C'est en tout cas la conviction de Pierre Mariani, patron de Dexia depuis 2008.

Reçu hier par l'Association des Journalistes Economiques et Financiers (Ajef), il a poussé un cri d'alarme. La crise et les nouveaux ratios prudentiels sur la liquidité oblige les banques à réduire à marche forcée leur bilan, ce que l'on appelle dans le jargon le « deleveraging » (désendettement).

Depuis 2008, le niveau de « leverage » a chuté de 40 % aux États-Unis et de 27 % au Royaume-Uni. Ce mouvement généralisé, qui se traduit par des cessions d'actifs massives et par la sortie radicale de certains métiers bancaires, « ne sera pas sans conséquences sur l'économie réelle », prévient-il. Exemples : le crédit-bail, le financement de projets, les financements spécialisés comme le crédit export ou aéronautique, ou le crédit aux collectivités locales, sont déjà affectés. « Ce que l'on appelle le multiplicateur de crédit est en train de jouer négativement sur la croissance ».

Pierre Mariani parle en connaisseur : en 2008, la Commission européenne lui avait en effet imposé une restructuration massive en contrepartie de l'aide des États français, belge et luxembourgeois pour sauver sa banque de la faillite. Depuis lors, son bilan a été diminué de 130 milliards d'euros - à 520 milliards aujourd'hui, en particulier par la réduction de 120 milliards de ses actifs toxiques, qui n'en représentent plus « que » 100 milliards. Un désengagement réalisé par la sortie d'une dizaine de pays, dont la quasi-sortie du marché américain et la cession de presque la totalité de son portefeuille de subprimes. Laquelle représente 3,6 milliards d'euros sur les 4 milliards de pertes annoncés par Dexia au deuxième trimestre 2011. Son programme de cessions d'actifs n'est pourtant pas terminé : Dexia doit notamment encore céder ses filiales italiennes Crediop, avant fin 2012, et espagnole Banco Sabadell, avant fin 2013, toutes deux spécialisées dans le financement des collectivités.

Pour la Fédération bancaire française, on en demande trop aux banques. D'un côté, elles doivent céder des actifs, donc des titres de dette souveraine, jugés trop risqués, pour alléger leur bilan. De l'autre, on leur demande de les conserver pour défendre la zone euro. Et, enfin, on leur impose des ratios prudentiels qui, censés s'appliquer en 2013, doivent dans la réalité être respectés dès aujourd'hui.

Repli domestique

Autre source d'inquiétude, les banques européennes sont contraintes de se retirer progressivement des États-Unis et se replier sur leur marché domestique. Ce mouvement a été amplifié depuis qu'en janvier, la Fed a changé les règles du jeu sur le marché monétaire. Inquiète des risques de contreparties posées par les filiales des banques européennes, trop exposées à la dette de la zone euro, la Réserve fédérale a brutalement réduit à un mois la durée des prêts des fonds monétaires américains qui apportent de la liquidité en dollars aux établissements non américains. C'est cela qui a provoqué les difficultés de financement en dollars des établissements européens. Clairement, la crise bancaire actuelle semble mettre fin à 20 ans de mondialisation de la finance.

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