"Il faut casser l'âgisme" dans les politiques des villes en faveur des aînés

Par Propos recueillis par Jonathan Baudoin  |   |  629  mots
Pierre-Marie Chapon, co-auteur d'un "Guide français des villes amies des aînés", évalue les politiques mises en place au niveau local en faveur de la population croissante de personnes âgées de 60 ans et plus. Il critique une approche toujours trop centrée sur le volet sanitaire.

En 2014, la France métropolitaine compte 15,9 millions d'habitants âgés de 60 ans et plus, soit 24,2% de la population métropolitaine, d'après les données de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Le même institut estimait, dans une projection datant de 2007, que la population âgée de 60 ans et plus représenterait 32,1% de la population métropolitaine à l'horizon 2060.

Cela suppose une nécessité pour les villes françaises de devoir aménager leur territoire en faveur des aînés, et ce conformément au Guide mondial des villes-amies des aînés, lancé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2007, et adopté dans plusieurs villes telles Mexico, Londres, Genève, Istanbul, Tokyo, New Delhi, Nairobi, ou encore Melbourne.

Une version française a été publiée cette année, le Guide français des villes amies des aînés, dans laquelle les auteurs citent les villes de Dijon, Lyon, Strasbourg, Bordeaux, Rennes, ou encore Angers comme exemples de politiques favorables aux aînés. Quels enseignements en tirer ? Pierre-Marie Chapon, un des coauteurs de l'ouvrage, enseignant-chercheur en géographie à l'université Lyon 3, répond.

Quelles politiques ont-été mises en œuvre pour favoriser les aînés en France et quels sont les budgets consacrés?

Pierre-Marie Chapon: Jusqu'à présent, les politiques faites pour les aînés étaient
basées sur une approche sanitaire, médicale, avec la création de soins et d'établissements pour les personnes âgées. C'était l'idée de dépendance qui prédominait. Or, les aînés vieillissent bien pour la plupart.

Mais ces derniers temps, les politiques commencent à avoir une vision plus transversale, plus globale du phénomène en élargissant leur approche à la prévention, ou encore à la mobilité via la politique des transports. Néanmoins, le budget consacré à ces politiques reste le parent pauvre dans les villes. Pourtant, le coût n'est pas plus élevé, alors que que de telles actions seraient plus efficaces.

Enfin, si le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement, qui sera discuté à l'Assemblée nationale à partir du 9 septembre prochain, est adopté, cela aura des répercussions positives au niveau de l'urbanisme et de la mobilité.

En quoi ces politiques ont-elles été efficaces ?

Ces politiques se déclinent en deux aspects. D'abord, l'aspect médical, où le vieillissement a une image négative, liée à la dépendance, à la maladie. Il faut casser l'âgisme. En changeant l'image du vieillissement qu'on a actuellement, on renforcera ainsi la solidarité intergénérationnelle.

Ensuite, les actions locales. À Rennes, par exemple, le vieillissement est un élément du développement durable. Les quartiers sont repensés pour les futurs besoins. À Nice, le mobilier urbain tend à être ergonome pour les aînés. C'est un appel au bon sens.

Mais il reste encore des services qui sont difficilement accessibles pour eux, tel l'accès à la culture par exemple. Il faudrait modifier les horaires des musées, des bibliothèques afin qu'ils puissent en profiter.

Les villes françaises sont-elles en retard par rapport à d'autres villes dans le monde?

La France est en pointe pour ce qui relève des soins pour les aînés, mais affiche un retard en ce qui concerne l'anticipation, la prévention, le transport, l'habitat. Pourtant, si on se tournait vers ces domaines, cela permettrait de faire des économies.

La population la plus vieillissante au monde après le Japon se trouve au Québec. 80% des personnes âgées y vivent dans des municipalités amies des aînés avec des services organisés autour de la prévention, des transports, afin de développer une image positive des aînés et ne plus les considérer comme des malades.