Le massif du Markstein protège ses champs d'arnica

Laboratoires pharmaceutiques, cueilleurs, agriculteurs et quelques communes du Haut-Rhin ont signé une convention destinée à préserver cette plante aux propriétés anti-inflammatoires et la filière économique à laquelle elle a donné naissance.
Cousine de la marguerite, l'arnica a des propriétés anti-inflammatoires. [Benoît Facchi]

Dans la brume de ce matin de juillet, le troupeau de vosgiennes au pelage caractéristique traverse la route d'un pas nonchalant. Mais avant d'aller paître dans les champs d'arnica, ces vaches qui produisent le lait dont on fait le munster devront attendre le 15 juillet. Leur propriétaire Theo Schickel, possédant la ferme-auberge du Hahnenbrunnen (Haut-Rhin), fait partie des agriculteurs qui respectent la convention de l'arnica.
À quelques kilomètres de là, le Markstein, qui abrite une petite station de sports d'hiver, est aussi connu pour être l'un des meilleurs sites de cueillette de l'arnica en France. la densité de cette plante de la famille des astéracées est en effet exceptionnelle sur ce massif situé à 1 183 mètres d'altitude, que se partagent les communes de munster, Oderen, Fellering et Ranspach. Cousine de la marguerite, l'arnica possède des propriétés anti-inflammatoires connues de longue date. Également appelée « tabac des Vosges », elle est utilisée dans des crèmes, gels et granules homéopathiques. Chez le suisse Weleda, dont le siège français se situe à Huningue, dans la banlieue de Bâle, à environ une heure de route du Markstein, l'huile de massage à l'arnica est le best-seller de la gamme cosmétique. Cela fait bientôt trente ans que le laboratoire vient ici s'approvisionner en plantes fraîches auprès de cueilleurs qui, pour l'occasion, se rassemblent au sein d'un groupement. Mais en 2006, comme d'autres laboratoires, dont le géant de l'homéopathie Boiron, Weleda a commencé à s'inquiéter de certaines pratiques agricoles nuisibles au développement de cette plante qui ne s'épanouit que sur des sols acides et pauvres qui ne doivent être ni enrichis ni chaulés. Les laboratoires se rapprochent donc du conseil général du Haut-Rhin, et de l'association vosgienne pour l'économie montagnarde, devenue depuis Vosges Développement, une régie du conseil général. « Nous avons démontré aux communes l'intérêt économique de l'arnica pour la région », témoigne Valérie Auroy, chargée de mission en économie montagnarde au conseil général.

« C'est toute une filière qui se développe »

D'abord, les droits de cueillette payés aux communes, à raison d'un forfait annuel de 110 euros par cueilleur et par commune. Dans le cas de Weleda, le laboratoire verse directement aux quatre communes concernées plus de 8 000 euros par an. Ces modalités devraient d'ailleurs évoluer dans un avenir proche, afin de mieux tenir compte des quantités ramassées. Boiron, qui achète aujourd'hui 10 tonnes par an devrait alors payer un peu plus que Weleda, dont les achats s'élèvent entre 1,5 et 2 tonnes. Mais le poids économique de l'arnica repose aussi sur l'achat de la plante fraîche aux cueilleurs, au prix moyen de 10 euros par kilo. Pour 10 à 20 t de production annuelle (la demande atteint près de 50 t), cela représente entre 100 000 et 200 000 euros, soit en moyenne 10 % du revenu annuel des cueilleurs. « Derrière les droits de cueillette et la vente de la plante, c'est toute une filière qui se développe, depuis le cueilleur qui vend sur les marchés jusqu'au pharmacien qui commercialise des produits à base d'arnica », insiste Valérie Auroy. Sans compter que des champs d'arnica, ce sont aussi des chaumes préservés qui font la fierté du ballon des Vosges et attirent les touristes. « L'arnica est un excellent marqueur de biodiversité », témoigne Fabien Dupont, chargé de mission Natura 2000 pour le parc naturel du ballon des Vosges. Là où pousse l'arnica, on trouve aussi des orchidées et des pensées.
Une convention a donc été signée en mai 2007 sous l'égide de Vosges Développement, pour une période de trois ans renouvelable deux fois. Les communes, les agriculteurs et les laboratoires s'engagent à adopter des pratiques respectueuses de la plante. Ce sont donc six labos, 50 cueilleurs et quatre communes qui se réunissent chaque année pour faire le point sur ce site de 120 ha. Esope, un bureau d'étude de Metz, est chargé d'effectuer un suivi de la population de l'arnica sur cinq ans. Les agriculteurs ne doivent pas enrichir les sols ni y faire paître leurs troupeaux avant la fin de la récolte, fixée au 15 juillet. Les professionnels du vol libre ou le domaine skiable du Markstein sont aussi concernés. Lors de la rénovation de la piste de slalom, l'équipe d'entretien a soigneusement décollé puis remis en place le tapis d'arnica.

Renforcer l'identité d'une région

À l'arrivée, communes et cueilleurs ont pris conscience de la rareté de la ressource et du potentiel qu'ils devaient protéger. De ces échanges au sein de Vosges Développement sont d'ailleurs nés d'autres projets, plus ambitieux encore. Mutualisant leurs forces, leurs expériences et leurs idées, agriculteurs, industriels et professionnels du tourisme ont imaginé la création d'une gamme aussi bien cosmétique qu'alimentaire mettant en valeur les produits des Vosges et le soin par la forêt : petits fruits, plantes médicinales, gamme de cosmétiques, fromages, miel, etc. Cette initiative a vocation à renforcer l'identité d'une région qui compte plusieurs stations thermales et un tissu hôtelier qui doit se renouveler pour passer le cap des nouvelles normes hôtelières européennes. Faute d'organisation de la filière, « aujourd'hui, les tartes aux myrtilles servies dans les hôtels et restaurants de la région sont parfois fabriquées avec des fruits importés ! » se désole René Pierrot. Membre du groupement de cueilleurs qui travaille avec Weleda depuis vingt-cinq ans, il est également à la tête de la Ferme du bien-être. Seul détenteur de l'agrément cosmétique de la région, il devrait jouer un rôle clé dans ce projet de création de marque ombrelle, que le conseil général des Vosges, les régions Alsace et Lorraine et l'état financent à hauteur de 200 000 euros.

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Commentaires 2
à écrit le 01/10/2012 à 9:18
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les suisses de WELEDA se fournissent massivement en Alsace,sans payer ! ***************************************************************************************

à écrit le 19/08/2012 à 12:38
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Il est désolant de voir la différence entre les stations de Forêt Noire et des Vosges. On se croirait encore sous la IIIème République coté lorrain...

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