Les vins de Bordeaux lancent la traque aux faussaires chinois

Victimes de leurs succès dans l'Empire du Milieu, les grands crus de Bordeaux sont devenus abondamment copiés par les faussaires : on vide les vraies bouteilles et on met n'importe quoi dedans. Les dommages sont considérables sur ce marché de 600 millions d'euros et la profession est obligée d'inventer de nouvelles méthodes pour tracer électroniquement les bouteilles
Ceci n'est peut-être pas un vrai Lafite Rotschild. DR

La consommation chinoise de vin a doublé en cinq ans. Elle devrait encore progresser de 20 % d'ici à 2014. Pour les vins de Bordeaux, la Chine est devenue le premier marché à l'export : 600 millions d'euros de chiffre d'affaires. Revers de ce succès, en Chine, les contrefaçons de grands châteaux bordelais se multiplient. « Il se dit qu'une bouteille sur deux de Lafite-Rothschild en Chine est fausse », rapporte James de Roany, président de la commission vin et spiritueux du commerce extérieur de la France. Des chiffres difficiles à évaluer et contestés par Christophe Salin, le directeur général de ce prestigieux grand cru. Il reconnaît toutefois que « de pâles imitations de notre château se multiplient depuis deux ans ». Bien souvent, la technique consiste à vider les bouteilles existantes en les remplissant de vin d'une moindre qualité.

Les contrefaçons font chuter les prix des grands crus en Chine

Cela a, bien entendu, entrainé une forte suspicion sur les produits et fait baisser les prix. En Chine, une bouteille de Lafite Rothschild 2008 se vend maintenant aux alentours de 1 152 euros contre 1 819 euros en 2009. « Nous avons une mission de répression et d'éducation. Beaucoup de Chinois croient encore que l'on peut produire autant que l'on veut en AOC », souligne Christophe Salin. Chaque année, Lafite, qui vend un tiers de sa production totale (15 000 caisses) en Asie, engage plusieurs dizaines de milliers d'euros pour défendre ses intérêts en Chine. « Ces deux dernières années, nous avons gagné deux procès là-bas », se réjouit-il.

« Smart Bordeaux » l'appli anti trafic


La donne change. Depuis peu, les autorités chinoises aident les châteaux comme Lafite Rothschild à lutter contre la contrefaçon. « La propriété industrielle est en voie de reconnaissance dans le pays pour des raisons sanitaires et financières. Les droits de douane sur les produits s'élèvent à 54% en Chine. Ce sont autant de recettes perdues pour le gouvernement », explique James de Roany. Conscient de l'urgence de la situation, depuis 2009, deux fois par an, le CIVB (Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux) procède à des prélèvements sur une centaine d'établissements dans une douzaine de régions chinoises, afin de remonter les filières des faussaires.

Pour les professionnels, il multiplie aussi les outils « anti-fraude ». Il y a un an, il a sorti « Smart Bordeaux ». L'utilisateur, qui aura téléchargé gratuitement cette application sur son smartphone, peut vérifier que tel château est référencé, soit en scannant l'étiquette, le code-barres ou le code 2D, soit en tapant le nom du château ou de la marque. A ce jour, plus de 15 000 références sont enregistrées.


Marquage des bouteilles, codage des bouchons, puces dans les étiquettes

Plus généralement, de nombreux dispositifs pour authentifier la bouteille sous forme d'un système de codage sur les étiquettes, bouchons ou capsules ont été inventés. « Aujourd'hui, on est capable d'insérer une puce RFID (puces électroniques, constituées d'une antenne et d'un microprocesseur pouvant stocker des informations) derrière une étiquette d'une bouteille et de tracer ainsi le produit à distance », souligne James de Roany, également gérant du cabinet de conseil Global Vini Services. Autre idée, un système anti re-remplissage existe pour les bouteilles de cognac mais pas encore pour le vin », déplore-t-il. Pour autant, « actuellement, la solution miracle n'existe pas ».


Un plan de bataille proposé à Pierre Moscovici


C'est pourquoi, depuis un an la commission vin et spiritueux du commerce extérieur de la France interroge son réseau pour tenter d'endiguer ce fléau. En septembre, son rapport sera remis au nouveau ministre de l'Economie, des finances et du commerce extérieur, Pierre Moscovici. «Nous allons suggérer de renforcer les relations de coopération avec les autorités chinoises sur la contrefaçon, qui sont demandeuses. En parallèle, il est crucial de sensibiliser la production viticole qui n'a pas toujours conscience de la nécessité de se mobiliser contre les fraudes et de l'importance d'enregistrer sa marque en Chine même pour des petits volumes», nous révèle James de Roany. «Souvent, des propriétaires de châteaux sont contraints de racheter des fausses marques en Chine pour récupérer leur nom, car en justice, ils ne sont pas certains d'obtenir gain de cause », observe Philippe Rodhain, gérant du cabinet de conseil en propriété industrielle IP Sphere à Bordeaux. Avec du retard, la contre-attaque est enfin en marche.
 

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Commentaires 2
à écrit le 22/05/2012 à 21:06
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Mais non !!! Il faut libérer les forces vives et vivifier les secteurs économiques par la concurrence !! Importons ces vins chinois dont les étiquettes ont avantageusement été produites en France !!!

à écrit le 22/05/2012 à 18:56
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Ce n est que le début. On va se faire croquer...

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