L'espadrille basque, les Asiatiques en sont fous

Par Nicolas César. Correspondant à Bordeaux. Objectif Aquitaine  |   |  669  mots
L'espadrille vit un rêve. DR
Concurrencée ces dernières années par les pays à bas coût, la célèbre espadrille a retrouvé des couleurs en se tournant vers le luxe et en attaquant les marchés asiatiques, qui lui avaient pris presque toutes ses parts de marché... Là-bas, la chaussure de corde « made in France » fait un carton

C'est une belle revanche sur l'histoire. Il y a encore peu, l'espadrille française était au fond du trou, quasiment abattue par celles produites au Bangladesh. Mais, aujourd'hui, la chaussure de corde entièrement cousue main depuis des générations renaît de ses cendres. Dans la Soule au c?ur du Béarn, à Mauléon, la capitale française de l'espadrille, les producteurs locaux croulent sous les commandes. Une renaissance, qu'ils doivent à deux enfants du « pays », Mathieu Labat et Julien Maisonnave, amis depuis l'adolescence. Ces deux Basques de 36 et 37 ans, ont quitté respectivement le marketing et la banque pour fonder leur société, « Art of Soule » en 2007, sans étude de marché ! « A l'époque, nos parents nous ont pris pour des fous », se souvient, amusé, Mathieu Labat. Aujourd'hui, leurs espadrilles fabriquées en France s'arrachent, particulièrement sur le continent asiatique. En cinq ans, leur chiffre d'affaires est passé de 35 000 à 600 00 euros. Pour l'été 2012, ils ont fabriqué 50 000 paires. 65% d'entre elles sont destinées à l'export. « L'an prochain, nous allons largement dépasser les 100 000 exemplaires. Rien que sur l'Asie, on a déjà 50 000 commandes ».

150 euros la paire au Japon

ll y a cinq ans, ils vendaient leurs espadrilles rayées, avec des imprimés uniquement sur les marchés de Biarritz, Hendaye et Guéthary, une ville « très branchée » et appréciée des Parisiens. C'est là que des responsables de chez Converse les ont repérés et leur ont ouvert les portes de grands du e commerce comme Spartoo ou Amazon. Puis, en juin 2011, autre rencontre au salon du prêt-à-porter à Florence, en Italie : Yoshi Watanabe, directeur de Diadoh international, distributeur de la chaîne de magasins d'accessoires de mode United Arrows les a lancés sur le marché asiatique. Résultat, en un an, les ventes en Chine ont décollé de 20%. Grâce à cette alliance, « Art of Soule » est distribuée aujourd'hui à Hong Kong, au Japon et à Taïwan, où certains nouveaux modèles 150 euros ! Actuellement, la marque est distribuée dans une dizaine de pays.

De l'espadrille Sex Pistols à l'espadrille PSG

La raison de ce succès ? De bonnes idées de relooking et un marketing efficace. « Il y a un vrai retour aux produits naturels et au made in France », explique Mathieu Labat. Ces deux jeunes ont innové en créant un modèle d'espadrilles « 2.0 » avec des semelles EVA lavables, une semelle intérieure en cuir et des renforts. Pour se faire connaître, ils ont inventé une gamme unique de modèles avec des licences prestigieuses. Par exemple, la première série spéciale d'espadrilles était aux couleurs du Tour de France. Puis, est venu le tour du PSG, du Biarritz Olympique et du Stade Français et du groupe punk anglais, les Sex Pistols. Côté design, leurs innovations portent leurs fruits auprès des publics. Leurs espadrilles « Hawaï » plaisent beaucoup.

Devenir le nouveau Crocs

Désormais, les jeunes patrons doivent changer d'échelle. « Nous devons augmenter nos capacités de production pour faire face à la demande. Quand on sera prêts, on s'attaquera au marché américain et à l'hémisphère sud pour vendre des espadrilles toute l'année ». A cet effet, dans la région, ils vont ouvrir d'ici trois mois une nouvelle usine de production et embaucher rapidement 20 personnes. Leur premier fournisseur, la famille Marzat a vu, elle, ses effectifs passer de 5 à 27 employés en cinq ans. D'ici trois ans, l'objectif est d'arriver à vendre 1 million d'espadrilles. Mais, pour se développer, Art of Soule a besoin de cash. Mathieu Labat et Julien Maisonnave viennent de trouver un investisseur privé, très connu dans le monde de la mode masculine. Les derniers détails de la négociation sont en cours. « Nous rêvons d'être les Crocs de demain. Il faut qu'Arnaud Montebourg, notre ministre du redressement productif vienne nous donner un coup de pouce, car nous allons l'aider à redresser la balance commerciale de la France », conclut, avec humour, mais plein d'ambitions, Mathieu Labat.