Les Basques français victimes de la concurrence déloyale des... Basques espagnols

Par Nicolas César. Correspondant en Aquitaine. Objectif Aquitaine  |   |  756  mots
Le bord de mer d'Hendaye ou se sont joués des marchés importants
Fortement touchées par la crise économique dans leur pays, les entreprises espagnoles du bâtiment viennent chercher des contrats dans l'Hexagone. «Ils cassent les prix (-30%) et ne respectent pas notre législation », dénoncent les professionnels du secteur en France. Ces derniers ne décolèrent pas contre « l'attitude » des collectivités locales qui leur attribuent des marchés. Conséquence, plusieurs sociétés françaises vont licencier d'ici la fin de l'année

La guerre est déclarée entre le bâtiment basque français et basque espagnol. Une raison : depuis le début de l'année, plus de 8 millions d'euros de marchés publics de peinture ont été captés par des entreprises espagnoles dans les Pyrénées-Atlantiques, près de la frontière. Une autre : un tiers de la rénovation (soit 1,3 million d'euros) du front de mer d'Hendaye a été attribué au groupe espagnol Altuna y Uria. Etc... Explication: à qualité égale, les entrerprises ibériques proposent des tarifs inférieurs de 30% en moyenne. Au grand dam des patrons locaux. « Ces entreprises paient leurs salariés au salaire minimum mensuel espagnol, soit seulement 750 euros. Souvent, elles déclarent un salarié en France et le reste en Espagne. Or, la réglementation européenne stipule que, dès lors qu'un marché dure plus de trois mois, la société doit respecter les règles sociales et la loi du pays où elle travaille », fustige Patrick Lacarrère, secrétaire général de la fédération BTP dans les Pyrénées-Atlantiques. Autre problème, « les Espagnols multiplient les heures, en s'affranchissant totalement du code du travail français », poursuit-il.


Des actions en justice contre des collectivités ayant choisi des entreprises espagnoles


« Nous en avons surtout après les collectivités locales qui ne devraient pas leur attribuer des marchés, car ils ont l'obligation de respecter le code des marchés publics », lâche-t-il. La fédération BTP du 64 a donc engagé deux procédures judiciaires devant le tribunal administratif de Pau contre la mairie d'Anglet et la Chambre des métiers de Bayonne. Ces dernières ont fait travailler des entreprises espagnoles respectivement sur une salle de spectacles et la rénovation du Centre de formation professionnelle des adultes.
La mairie d'Anglet se défend en disant que « les salariés qui interviendront sur le chantier seront affiliés au régime français. En outre, l'offre espagnole n'était pas anormalement basse en termes de prix et s'est révélée proche de l'estimation faite par la ville ». La collectivité en veut pour preuve que le tribunal a débouté le groupe Eiffage, qui avait engagé un recours avec le soutien de la fédération du BTP. Par ailleurs, « l'attribution du marché de la salle culturelle d'Anglet à Altuna y Uria ne concernait que le gros-?uvre soit 25% du marché total, et sur ces 25%, compte tenu de la sous-traitance à des entreprises françaises, la part d'Altuna y Uria représentera au final à peine 16 % du coût des travaux », précise la Ville.
Sauveur Lagourgue, le président de la Chambre des métiers, rappelle, quant à lui, qu'à la suite de deux appels d'offres pour la peinture (le premier fut infructueux), il n'y avait plus en lice qu'une entreprise bayonnaise et une espagnole. « L'entreprise espagnole était moins chère et remplissait tous les critères, contrairement à son concurrent français. Sa régularité a été contrôlée », assure-t-il. En fait, « c'est surtout que le marché se rétrécit. Il est vrai qu'il y a de quoi s'inquiéter lorsque l'on voit des groupes comme Vinci candidater sur des chantiers à 10 000 euros », estime-t-il.


250 à 300 emplois supprimés dans le secteur d'ici la fin de l'année dans le département


« Tout ceci se fait aux dépens de la main d'?uvre locale », regrette Jean-Marc Joanteguy, président de la chambre syndicale des peintres du département. « Les référés en justice vont être longs. En attendant, des entreprises vont fermer. Nous sommes très inquiets », dit-il, préoccupé. « Les entreprises espagnoles sont d'abord venues prendre les marchés de peinture, car il y a moins de matériel à apporter. Maintenant, elles viennent de loin et nous voyons débarquer les électriciens, les plâtriers », décrit-il. Depuis le début de l'année, ce patron d'une entreprise de peinture de 30 salariés a dû baisser ses prix de 15% pour « préserver l'emploi ». « Mais, à la rentrée, je vais avoir 10 employés en trop. Il va falloir que je licencie et je suis loin d'être le seul », explique-t-il, pessimiste pour l'avenir. Jusqu'à présent, le bâtiment avait plutôt bien résisté à la crise. Au total, d'ici la fin de l'année, 250 à 300 personnes devraient perdre leur travail. Au niveau national, selon les estimations de la Fédération nationale des travaux publics (FNTP), 6 000 emplois sont susceptibles de disparaître, à cause de la « concurrence étrangère déloyale ».