En France, les corridas ne font plus recette

Par Nicolas César. Correspondant en Aquitaine. Objectif Aquitaine.  |   |  671  mots
Bayonne a supprimé 3 corridas en 2012
La tauromachie n'attire plus autant et peine à séduire les jeunes générations. Dans le Sud de la France, de nombreuses corridas ne sont plus rentables. Plusieurs municipalités sont contraintes de réduire leurs budgets.

Les premiers signes d'essoufflement des corridas sont venus d'Espagne, où leur fréquentation est en baisse de 34% ! La Catalogne ayant en plus décidé de bannir la tauromachie de son territoire en septembre dernier, rien ne s'est arrangé. Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que le phénomène touche le Sud de la France, même si le phénomène est moindre . A Bayonne, au Pays basque français, en 2011, les sept corridas organisées ont accumulé un déficit de 400 000 euros ! Il n'y en a plus désormais que quatre. Cette année, Nîmes Pentecôte a enregistré 68 600 entrées payantes contre 80 600 l'an dernier, une chute de 14%. La présidente de l'Alliance anti-corrida, Claire Starozinski, y voit « une prise de conscience de la part de la population de la souffrance des animaux lors de ces spectacles archaïques ». Ceci étant, elle reconnaît « l'impact non négligeable de la crise économique », un billet coûtant entre 25 et 100 euros. Autre tendance de fond, « les jeunes ne sont pas intéressés par les corridas et ont de multiples autres propositions. Le non renouvellement de nos publics est inquiétant », concède Geneviève Darrieussecq, présidente de l'Union des villes taurines françaises.


Les salaires des grands toreros ont explosé


« Le problème n'est pas de remplir nos arènes, mais d'équilibrer les budgets », estime André Viard, le président de l'observatoire des cultures taurines. En cause, la « flambée » des prestations des grands toreros, qui « jouent perso », selon lui. Certains d'entre eux demandent jusqu'à 100 000 euros, hors droits TV pour un spectacle d'une heure et demie. Inquiet pour l'avenir des corridas, le groupe des sept arènes françaises de première catégorie s'est réuni en octobre dernier pour tenter de trouver des solutions. Ainsi, une charte a été adoptée, exigeant de la part des toreros et des éleveurs une baisse de 20% des cachets au-delà de 60 000 euros.
Les mairies diminuent leur budget corridas
La plupart des dépenses liées à la tauromachie sont à la baisse, même lorsque l'affluence ne faiblit pas. A Mont-de-Marsan, ville de 32 000 habitants dans les Landes, le budget total pour les cinq corridas (contre 8 en 2008) atteint 1,2 million d'euros contre 1,35 en 2011. Son maire, Geneviève Darrieussecq, rappelle que les « corridas sont une manne considérable pour l'économie locale ». En cinq jours, la capitale landaise accueille 500 000 spectateurs pour ces fêtes. « Les hôtels, les restaurants sont pleins. Et, des associations en profitent pour remplir leurs caisses en tenant des buvettes », souligne-t-elle. Pour l'avenir, les villes taurines s'interrogent sur la bonne stratégie à mener. « Les arènes qui souffrent sont celles où le public est volatile. On fait du sensationnel pour les faire venir. Peut-être, faut-il se concentrer sur notre c?ur de cible, les aficionados », suggère André Viard.

Nouvelle proposition de loi pour un vote sur la corrida en France


Geneviève Gaillard, députée PS des Deux-Sèvres, présidente du Groupe sur la protection des animaux et initiatrice d'une commission d'enquête sur l'argent des corridas, entend déposer bientôt une proposition de loi visant à interdire toute dérogation à la pénalisation des sévices et actes de cruauté envers les animaux dans le but d'obtenir « enfin » un débat démocratique et un vote concernant la corrida en France. Depuis le début des années 2000, c'est la quatrième demande en ce sens à l'Assemblée nationale. Selon un sondage IFOP réalisé en 2010, 66% des Français seraient en faveur de l'interdiction des corridas en France. « Chaque année, 2 millions de personnes assistent à des spectacles taurins dans notre pays », répond André Viard. Et, « depuis avril 2011, la corrida est classée au patrimoine immatériel en France », ajoute-t-il. « Cette crise va être une chance pour la tauromachie. Nous étions dans une bulle. Il y aura quelques fermetures, quelques drames humains, mais au final, le marché sera assaini et nous aurons des spectacles mieux organisés, plus qualitatifs », conclut-il, en se voulant rassurant.