Les surfeurs entrainent les Landais contre le stockage souterrain de gaz d'EDF

Par Nicolas César. Correspondant en Aquitaine. Objectif Aquitaine  |   |  852  mots
Surfin EDF
EDF étudie la possibilité d'implanter une vaste installation pour stocker 600 millions de m3 de gaz, afin de préparer les pics de consommations comme les creux de production liées. De nombreux élus locaux, des milliers d'habitants, des associations de surfeurs et le secteur du tourisme dénoncent les conséquences économiques, voire écologiques de ce projet

« Votre plage... polluée ! Par des rejets industriels ». Voilà ce que l'on peut lire actuellement à l'entrée de nombreuses plages landaises. Le collectif citoyen « stockage-gaz-landes » mène une vaste campagne tout l'été pour amener les touristes à signer sa pétition contre un projet, porté par EDF, de stocker 600 millions de m3 de gaz (soit l'équivalent de la consommation annuelle de 800 000 habitants) dans le sous-sol landais. Des tracts multilingues ont même été affichés devant les offices de tourisme avec le soutien de 23 municipalités. Ces Landais s'inquiètent des travaux, qui vont « défigurer » pendant six ans le paysage, et surtout de l'impact écologique et économique de ce projet. Le débat public (1 800 participants, 9 réunions publiques), qui s'est achevé le 31 janvier dernier, a montré une forte opposition des acteurs locaux. « C'est surtout une manière de montrer à EDF que nous ne lâcherons rien », prévient Didier Tousis, président du collectif.

Une double canalisation souterraine de 42 km pour acheminer l'eau de mer

D'importants dômes de sel de qualité ont été identifiés dans le sous-sol landais sur le secteur de Pouillon, près de Dax. Ils peuvent se transformer en belles cavités salines, idéales pour stocker en sécurité du gaz, une fois la roche creusée à grand renfort d'eau à haute pression à plus de 1 000 mètres de profondeur. Afin de ne pas prélever dans les ressources landaises en eau douce, EDF envisage de créer une double canalisation enterrée, un saumoduc, de 42 km traversant 38 communes (100 000 habitants au total) pour acheminer l'eau de mer depuis l'océan Atlantique jusqu'au site de stockage. L'autre servira à évacuer l'eau chargée de sel au large, à plus d'1,5 km de la côte. « A cette profondeur, on ne sait pas exactement ce qui va être rejeté dans l'océan. Il pourrait y avoir des métaux lourds », alerte Didier Tousis. « Il n'y aura aucun rejet industriel. Nous n'évacuerons que de l'eau salée. D'après nos premières études, la faune et la flore ne seraient pas impactées, mais bien sûr nous poursuivons les concertations avec les associations », assure Michel Bellec, directeur des infrastructures gazières d'EDF. Il pense même que « cela pourrait être l'occasion pour la région d'avoir une production d'eau salée, utile pour la balnéothérapie locale ». EDF a décidé de poursuivre son projet et attend les résultats d'un deuxième forage, avant de prendre une décision définitive... fin 2015. Une nouvelle phase de concertation sera engagée en 2013, si les résultats du forage sont positifs.

Un investissement de 650 millions d'euros et une association avec le géant russe Gazprom

Pour l'électricien, l'enjeu est majeur. « Avec le développement des énergies renouvelables, nous aurons de plus en plus besoin de gaz pour faire face aux pics de consommation, notamment l'hiver », explique Michel Bellec. Avec une production mondiale en hausse de 7,3 % l'an dernier, le gaz pourrait profiter des difficultés actuelles du nucléaire. Plusieurs projets de construction de centrales existent en France. L'investissement serait colossal : 650 millions d'euros. Ce serait l'un des plus importants sites de stockage du gaz en France. Aujourd'hui 95 % de la consommation de gaz étant importée, EDF envisage de développer dans les années à venir les centrales thermiques à flamme (au gaz). En outre, ce site de stockage permettrait à EDF d'anticiper les envolées futures du prix du gaz, indexé sur les cours du pétrole. Si le projet se concrétise, Gazprom, le géant russe, y sera associé. Pour ce dernier, c'est un moyen de mettre un pied dans la distribution du gaz en France.En échange, Gazprom a accepté en septembre 2011 qu?EDF entre, à hauteur de 15%,  au capital de South Stream, un vaste projet de gazoduc européen entre la Russie et l'Europe occidentale, aboutissant en Italie et en Autriche, en passant sous la Mer Noire

Une menace pour le tourisme landais et les 300 entreprises de la glisse en Aquitaine

Si le projet est validé, les premières cavités seront en service en 2020. A la clé, 350 emplois pendant les six ans du chantier. Mais, pour Frédéric Basse, président d'Eurosima, un cluster qui regroupe les industriels aquitains de la glisse, soit 3 500 emplois et 1,7 milliard d'euros de chiffre d'affaires en Aquitaine, «ce projet représente une réelle menace pour les 300 entreprises de la glisse en Aquitaine, qui ont toutes choisi cette région pour la qualité des vagues, de la vie, de ses espaces naturels protégés ». « Le fait d'installer cet équipement ou ces équipements peut être une publicité très négative pour notre territoire. Le tourisme est une activité économique majeure dans les Landes », ajoute Hervé Bouyrie, le maire, conseiller général et président du comité départemental du tourisme. « A Manosque, dans les Alpes de Haute-Provence, la société Géométhane a réalisé le même type d'investissement », rappelle, optimiste, Michel Bellec. Le collectif citoyen, quant à lui, attend désormais que le Conseil général des Landes et le Conseil régional d'Aquitaine prennent position.