Emploi : après le plombier, voici le boucher polonais

Par Nicolas César, à Bordeaux, Objectif Aquitaine  |   |  478  mots
Pour Arnaud Chedhomme, PDG de La Charcuterie bordelaise, « aujourd'hui, ce sont les Polonais, mais demain, ce seront peut-être les Portugais ou les Espagnols qui viendront postuler à ces postes de boucher. C'est inquiétant pour notre pays en cette période de crise et de montée du chômage » ©DR
En plein développement, La Charcuterie bordelaise a besoin d'embaucher 20 nouveaux salariés en 2013. Mais, malgré la crise et la montée du chômage, les offres de la PME ne trouvent pas preneur en France : elle va donc devoir recruter en Pologne.

Arnaud Chedhomme est un homme désespéré, ou pas loin de l'être : « J'ai besoin de recruter 40 personnes en deux ans, mais les Français ne sont pas intéressés, alors que je propose 1 600 euros nets par mois pour 35h par semaine à un débutant sans qualification », se lamente le PDG de « La Charcuterie bordelaise », société spécialisée dans la production de charcuterie et de produits labellisés de boucherie traditionnelle du Sud-Ouest. Pourtant, le chef d'entreprise n'est guère exigeant sur les critères : « Je veux juste que les candidats aient envie. On les formera au métier, avec diplôme à la clé ! Je suis même prêt à offrir des contrats en alternance », précise-t-il.

Salaire inférieur de 400 euros

Si elle ne trouve guère preneur en France, son annonce ne passe pas inaperçue, loin de là,... à l'étranger, et notamment en Europe de l'Est. Une agence d'intérim en Pologne a récemment contacté Arnaud Chedhomme pour lui proposer du personnel qualifié, qui plus est, à un salaire mensuel inférieur de 400 euros charges comprises par rapport à un salarié Français, « en toute légalité ». « Malheureusement, tel que c'est parti, je ne vais pas avoir d'autre choix que de les prendre. C'est quand même triste que ce ne soit pas nos compatriotes qui profitent de ces emplois », regrette le PDG.
« Après Masterchef, il faudrait faire Masterboucher pour donner envie à nos jeunes de faire ces métiers manuels si dévalorisés depuis des années, préconise Arnaud Chedhomme. Il est vrai que ce n'est pas un métier facile. Il faut travailler dans le froid et se lever à 4 heures du matin. Mais, il y a un avenir ». Et le chef d'entreprise de constater : « Aujourd'hui, ce sont les Polonais, mais demain, ce seront peut-être les Portugais ou les Espagnols qui viendront postuler à ces postes de boucher. C'est inquiétant pour notre pays en cette période de crise et de montée du chômage ».

En pleine expansion

Son entreprise de 60 salariés, qui a réalisé 12 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012, est pourtant en pleine expansion. En septembre dernier, elle a inauguré une nouvelle usine ultra-moderne de 6 000m2 à Villenave d'Ornon, dans l'agglomération bordelaise. La Charcuterie bordelaise a pour clients la grande distribution (60 %), des restaurants et brasseries de la France entière (30%) et quelques grossistes.
Pour l'avenir, Arnaud Chedhomme dispose encore d'une belle marge de progression. En particulier à l'export, où il s'est lancé en 2009. « Nous avons une forte demande en Asie, en Scandinavie et au Royaume-Uni », explique-t-il. Le chiffre d'affaires à l'étranger pourrait même représenter 20% de son activité d'ici trois ans (contre 5% aujourd'hui). En 2015, La Charcuterie bordelaise devrait atteindre les 30 millions d'euros, soit plus que doubler son chiffre d'affaires. Et donc recruter à nouveau. Ce qui se fera avec ou sans les Français...