Framatome relocalise la fabrication des cuves nucléaires, composant capital des centrales

C’est 100 millions d’euros que met sur la table le leader international de l’énergie nucléaire pour répondre aux ambitions de souveraineté énergétique de la France : Framatome rapatrie sur son site du Creusot (Saône-et-Loire), la production des pièces de haute précision indispensables à la fabrication des futurs réacteurs nucléaires, les EPR 2. Le nouvel atelier devrait être opérationnel à la mi-2026.
La ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, entourée du PDG de Framatome, Bernard Fontana (à droite), et du PDG d'EDF, Luc Rémont (à gauche), lors d'une visite de l'usine Framatome au Creusot, le 3 mars 2023.
La ministre française de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher, entourée du PDG de Framatome, Bernard Fontana (à droite), et du PDG d'EDF, Luc Rémont (à gauche), lors d'une visite de l'usine Framatome au Creusot, le 3 mars 2023. (Crédits : Raphaël Lafargue / ABACA via Reuters Connect)

Ce n'est pas un hasard si la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher s'est rendue, vendredi dernier, sur le site de Framatome au Creusot (Saône-et-Loire), site industriel historique de la métallurgie française dès le 18e siècle, devenu aussi à la fin des années 1950 le berceau des ambitions nucléaires françaises, pour annoncer cet investissement de 100 millions d'euros sur trois ans.

« Un nouvel atelier industriel de Framatome va être construit ici au Creusot », sur le site de Framatome, qui « permettra la relocalisation des pièces de haute précision auparavant fabriquées en Europe de l'Est », a déclaré la ministre en visant l'immense forge du leader du nucléaire, une des rares au monde capables de réaliser les pièces de grande taille indispensables aux centrales nucléaires.

Et d'ajouter :

« C'est l'une des seules forges au monde capables de réaliser les pièces de grande taille indispensables à la fabrication des réacteurs nucléaires », rappelait la ministre de la transition énergétique lors de sa visite.

C'est en effet sur ce site du Creusot que sont fabriquées les cuves des chaudières nucléaires. Des pièces monumentales dont certaines pèsent jusqu'à 400 tonnes et mesurent près de 13 mètres de hauteur.

Areva, Le Creusot, nucléaire, réacteurs, irrégularités, fabrication, fraude, qualité

[Fabrication d'une cuve de réacteur nucléaire à la forge du Creusot. Photo prise le 11 janvier 2017 par Robert Pratta / Reuters. Cliquez pour agrandir l'image]

Relocalisation de la fabrication des « internes de cuves »

Aujourd'hui, face aux enjeux de souveraineté énergétique, le groupe Framatome (14.000 collaborateurs à travers le monde, 4,12 milliards d'euros de chiffre d'affaires) relocalise, dans un nouvel atelier, la fabrication des « internes de cuve » auparavant sous-traitées en Europe de l'Est, notamment celles destinées aux deux EPR britanniques commandés à EDF pour les sites de Hinkley Point C et de Sizewell C.

Ces pièces sont destinées à la construction des futurs réacteurs nucléaires EPR 2, sachant que ceux-ci seront fabriqués « à un rythme de 1,5 par an », selon le gouvernement. Les premières livraisons seront effectuées mi-2026, soit à temps pour la livraison des six prochains EPR 2, dont les premières mises en service doivent avoir lieu d'ici à 2035.

L'enveloppe est répartie comme suit : 10 millions d'euros pour l'achat du bâtiment, 20 millions pour l'acquisition des équipements, 20 millions pour l'installation des machines, et entre 10 et 15 millions d'euros qui seront dédiés à la formation et à la qualification des opérateurs.

Les actionnaires de Framatome sont EDF à 75,5%, Mitsubishi Heavy Industries à 19,5% et Assystem à 5%. EDF étant elle-même détenue à 90% par l'État français.

En 2023, la filière nucléaire va réaliser 10.000 embauches

«  Nous allons augmenter de 30 % notre production d'électricité nucléaire dans les prochaines années, avec le seul programme d'excellence d'EDF et la connexion de Flamanville, pour fournir aux Français une énergie bas carbone, compétitive et disponible à chaque instant », a rappelé Agnès Pannier-Runacher.

Une stratégie qui n'exclut pas pour autant le développement en parallèle des énergies renouvelables. La ministre de la Transition écologique a également précisé que « la filière du nucléaire devrait recruter 10.000 personnes cette année ».

De son côté, Framatome, lui, mise sur la création d'une centaine d'emplois sur trois ans. Une quinzaine de postes de chaudronniers et soudeurs sont déjà à pouvoir en ce début d'année 2023.

« Nous les recrutons aujourd'hui pour les faire monter en compétence et être prêts en 2026 lorsque la production démarrera », précise Laurent Gless, directeur du site Framatome au Creusot.

La cuve destinée à la tranche 1 du projet Hinkley Point C peu avant son expédition de Saint-Marcel.  Elle fait bien 13 m de haut. Je parle de hauteur car elle sera installée debout. Elle est fabriquée allongée.  Sa masse est supérieure à 400 tonnes seule.  Elle a nécessité plus de 80 000 heures de travail en atelier.  Elle fournira de l’électricité bas carbone à 3 millions de foyers britanniques.

La standardisation, élément essentiel de la stratégie française

Afin d'éviter la même erreur qu'à Flamanville, le gouvernement mise sur la standardisation de ces nouveaux EPR 2. Framatome vient de livrer le projet britannique de réacteur EPR « Hinkley Point C », porté par EDF, et travaille toujours sur le deuxième EPR britannique, « Sizewell C ».

Même si, pour ces deux projets britanniques, Framatome sous-traitait les internes de cuves - ce qu'il ne fera plus pour les nouveaux réacteurs français -, le savoir-faire est quasi identique pour fabriquer les EPR 2.

« Standardiser les productions est essentiel car c'est ce qui va nous permettre de délivrer des composants en respectant les exigences de nos clients, tout en garantissant à la fois la qualité et le rythme de production », explique Bernard Fontana, Pdg de Framatome.

« L'idée est de faire un seul design français, et ensuite de le dupliquer », poursuit-il.

50.000 composants à sortir, dix ans de charge de travail

Pour Framatome, les six réacteurs attendus par le gouvernement à horizon 2035 représentent 50.000 composants à fabriquer, soit une charge de travail qui s'étalera sur une décennie.

Les gros composants de la chaudière nucléaire, tels que la cuve du réacteur, la tuyauterie primaire ou le générateur de vapeur, seront fabriqués, c'est-à-dire forgés et moulés, sur le site du Creusot, puis assemblés sur le site de Saint-Marcel, à 40 kilomètres de Chalon-sur-Saône.

Les composants mobiles des centrales nucléaires seront fabriqués sur le site de Jeumont, dans le Nord, et tous les assemblages liés aux combustibles seront réalisés sur le site de Romans-sur-Isère, en Auvergne-Rhône-Alpes.

Mme Pannier-Runacher a rejeté les critiques d'un passage en force de cette politique de relance alors que le projet de loi d'accélération du nucléaire n'est toujours pas approuvé par le Parlement. Il sera débattu à l'Assemblée nationale à partir du 13 mars, après avoir été (facilement) voté par le Sénat en janvier.

Lire aussiRelance du nucléaire : le gouvernement veut gagner deux à trois ans sur la construction des EPR 2

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Commentaires 20
à écrit le 11/03/2023 à 16:50
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La France est en plein déclin scolaire . C'est bien beau de relocaliser la haute technologie mais ensuite il faudra trouver les ingénieurs , les techniciens et les ouvriers compétents et là ça risque d'être difficile , très difficile .

à écrit le 11/03/2023 à 10:06
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Bien sûr il n'y a que les ânes qui ne changent pas d'avis., C'est quand même la même bande de socialistes caviar déguisés ( les Macronistes) qui ont saccagé la filière nucléaire !!!! De Jospin en passant par Aubry et Hollande puis Macron qui a fermé...

le 17/11/2023 à 15:01
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Pas de panique; les français , aux prochaines élections présidentielles, voterons pour le même type d'individus qui poursuivrons le travail de sape de l'industrie française. Surtout pas de vagues...

à écrit le 11/03/2023 à 8:45
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Au fil du temps on en apprend des choses ! Tout ce sabotage pour appartenir a une coalition européenne ! Et devoir faire machine arrière pour survivre !

à écrit le 11/03/2023 à 8:06
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La cgt est contente ça fera un otage en plus la prochaine fois qu'ils doivent défendre leurs avantages voles sur mon dos exploité

à écrit le 11/03/2023 à 0:18
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L'EPR est trop puissant. Sa cuve est trop grosse, trop lourde, trop chère et trop compliquée à fabriquer

à écrit le 10/03/2023 à 23:08
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Framatome devenu Areva puis Orano puis redevenu Framatome Changé de nom pour faire oublier les erreurs du passé

le 11/03/2023 à 7:24
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Les erreurs des gouvernements successifs, qu ils soient de gauche ou de droite. A force de faire n importe quoi en termes de management et de décisions industrielles, , ils ont fini par vider de leur compétence technique et de leur efficacité opéra...

à écrit le 10/03/2023 à 22:59
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Les soucis sur les cuves et soudures sont elles en lien avec la délocalisation? De manière générale le monde occidentale et la France en particulier externalise les coûts sur les consommateurs ou citoyens: 1/ sous prétexte de discours rse les tick...

à écrit le 10/03/2023 à 21:51
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Espérons que cette fois-ci, ils se décideront enfin à bien maîtriser les processus de refroidissement, histoire d'éviter les micro-fissures, et éviter de faire fuir les clients étrangers au triple galop.

à écrit le 10/03/2023 à 20:52
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Bonjour, Les employés sont un peu esclaves', exploités, les soudures ce sont des abus de confiances, des escroqueries de patrons', de chefs, ils touchent des millions, mais la soudure ... ils payent un papier com rh mais la fissure est la

à écrit le 10/03/2023 à 19:58
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Mieux vaut tard que jamais. Les choix courtermistes de la France pour gagner "des bouts de chandelles" ont toujours couté cher dans le très long terme. Dont maintes localisations et délocalisations hors France, voire hors Europe, sur lesquelles les s...

à écrit le 10/03/2023 à 18:27
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L'ingéniosité qui se cache derrière tout ça est juste incroyable

à écrit le 10/03/2023 à 18:21
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La cuve, la seule pièce d'un réacteur qui n'est pas remplaçable. Bonne chance ..

le 10/03/2023 à 18:33
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@ Albert Si, c'est remplaçable mais à un tel coût qu'il vaut mieux construire un réacteur neuf.

à écrit le 10/03/2023 à 18:19
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Bonjour Dire que dernièrement que nous avons eux des soucis sur la réalisation des cuves de réacteurs nucléaires est peux dire ... Bien sûr, ils est si simple de dire que nous avons perdue le savoir faire .... Mais pour cela ils faut avant tous vé...

le 11/03/2023 à 12:13
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@rogger : Embaucher des jeunes oui mais c est comme a la sncf ou la ratp les jeunes qui auraient les compétences ne veulent plus travailler en 3x 8 et les dim/ j fériés pour moins de 2000€ net en idf …. Pour les autres jeunes sans qualification c e...

le 11/03/2023 à 12:17
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@rogger : Embaucher des jeunes oui mais c est comme a la sncf ou la ratp les jeunes qui auraient les compétences ne veulent plus travailler en 3x 8 et les dim/ j fériés pour moins de 2000€ net en idf …. Pour les autres jeunes sans qualification c e...

le 11/03/2023 à 12:20
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@rogger : Embaucher des jeunes oui mais c est comme a la sncf ou la ratp les jeunes qui auraient les compétences ne veulent plus travailler en 3x 8 et les dim/ j fériés pour moins de 2000€ net en idf …. Pour les autres jeunes sans qualification c e...

le 11/03/2023 à 12:20
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@rogger : Embaucher des jeunes oui mais c est comme a la sncf ou la ratp les jeunes qui auraient les compétences ne veulent plus travailler en 3x 8 et les dim/ j fériés pour moins de 2000€ net en idf …. Pour les autres jeunes sans qualification c e...

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