Après l'abandon de NDDL, l'aéroport de Rennes va s'agrandir (pas trop)

Par Pascale Paoli-Lebailly, à Rennes  |   |  1055  mots
En 2017, l'aéroport de Rennes a bien confirmé son envol. Alors qu'en mars, Easyjet assurera des vols low-cost supplémentaires vers Lyon, la plateforme a embarqué plus de 724 000 passagers (640 000 en 2016) vers 29 destinations en direct, soit 12 en France et à l'international, sur des court et moyen-courriers. (Crédits : Aéroport Rennes Bretagne / Francis Vigouroux)
Le projet de Notre-Dame-des-Landes enterré, la Bretagne se mobilise et sollicite la signature d'un pacte d'accessibilité avec l'Etat. Il s'agit notamment de conforter la compétitivité des aéroports de Bretagne (Dinard, Rennes, Brest, Quimper, Lorient). A Rennes, seul l'agrandissement de l'aérogare sera cependant possible. Pour attraper un vol long courrier, il faudra toujours rallier les aéroports parisiens ou prendre une correspondance vers un hub international.

Avec l'abandon du projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, soutenu par les collectivités et de nombreux entrepreneurs bretons, c'est l'ensemble du projet global d'amélioration de l'accessibilité de la Bretagne qui en a pris un coup.

L'arrêt de Notre-Dame-des-Landes ne doit pas constituer une « perte de chance pour la Bretagne », souligne d'emblée Loïg Chesnais-Girard, le président de la Région, dans une déclaration remise ce samedi 27 janvier à Elisabeth Borne, ministre des Transports. Associé dans cette démarche aux présidents des principales collectivités bretonnes, l'élu souhaite finaliser au plus vite un « pacte d'accessibilité » avec l'État.

Objectif : "Mettre Brest et Quimper à 3 heures de Paris"

Mobilisées sur l'objectif « de mettre Brest et Quimper à 3 heures de Paris » et sur le développement d'un système efficace de mobilités intra-territoriales (rail, routes), les collectivités rappellent à la ministre que « la non-réalisation de l'aéroport du Grand Ouest... induit une augmentation prévisible importante du trafic de l'ensemble des aéroports existants, et en particulier de l'aéroport de Rennes. »

La question du foncier aéroportuaire

Par ce pacte d'accessibilité, elles demandent le transfert à titre gratuit au Conseil régional, du foncier dont l'État est propriétaire à proximité immédiate de l'aéroport de Rennes Saint-Jacques. La Région souhaite affecter ce foncier à l'aménagement de l'aérogare, à la réfection des pistes et à des extensions de surface nécessaires aux activités aéroportuaires.

Selon les élus bretons, le pacte d'accessibilité apporterait en parallèle un «  appui à la mise en place de liaisons internationales et une participation au renouvellement des infrastructures lourdes aéroportuaires  (pistes) ».

La Vilaine en bout de piste

En 2017, l'aéroport de Rennes a bien confirmé son envol. Alors qu'en mars, Easyjet assurera des vols low-cost supplémentaires vers Lyon, la plateforme a embarqué plus de 724 000 passagers (640 000 en 2016) vers 29 destinations en direct, soit 12 en France et à l'international, sur des court et moyen-courriers. L'aéroport, qui progresse de plus de 10 % depuis 2010 (soit trois fois plus vite que la moyenne des aéroports en France), a pour objectif est d'atteindre le million de passagers par an d'ici à 2025.

Pour autant, si l'abandon de Notre-Dame-des-Landes est une opportunité à saisir, il ne signifie pas pour autant une chance supplémentaire pour Rennes. Ce qui est envisagé, c'est une extension de l'aérogare, avec potentiellement une restructuration au sud, mais pas de l'aéroport. Celui-ci sera réadapté sur son périmètre actuel, il ne pourra pas s'étendre davantage.

Pas de long-courriers à Rennes Saint-Jacques

Rennes Métropole rappelle en effet que les perspectives de croissance et d'agrandissement du site seront limitées en raison de sa configuration urbaine et de contraintes environnementales : au bout de la piste, il y a la vallée de la Vilaine.

A moins de détourner le fleuve, il n'y aura donc jamais de gros porteurs à décoller de Rennes vers des destinations lointaines et en direct, comme les États-Unis, le Moyen-Orient ou l'Asie.

« L'aéroport de Rennes ne compensera jamais l'abandon de Notre-Dame-des-Landes avec lequel on aurait pu proposer aux Rennais et aux Nantais des liaisons quotidiennes vers New York », regrette Emmanuel Thaunier, président de la CCI en Ille-et-Vilaine, très favorable au projet nantais.

Pour les vols long-courriers, l'enjeu crucial demeure pour les Rennais, de rallier, le plus rapidement, le reste de l'Europe et du monde. Cela implique notamment de multiplier les liaisons ferroviaires vers les aéroports parisiens. Le vice-président centriste de Rennes Métropole, Pierre Breteau, plaide aussi pour la « mise en place de liaisons rapides entre Rennes et Brest d'une part, Rennes et Nantes d'autre part, pour placer Rennes au cœur de l'Ouest breton. Nous devons transformer cette déception en chance à saisir. »

Pas si simple. Le cadencement entre chaque TGV provenant de l'Ouest est déjà de quatre minutes, fait savoir la SNCF. Faciliter l'accès aux hubs internationaux de Londres, Madrid ou d'Amsterdam, via des vols de correspondance, sera aussi une piste que les élus entendent sérieusement étudier.

4 M€ investis en 2019

Pour les collectivités locales, l'engagement du Premier ministre Édouard Philippe de moderniser Nantes-Atlantique et d'agrandir Rennes Saint-Jacques, ne comporte donc pas tant de nouveautés que cela.

« La région, la CCI, la métropole ont toujours dit que l'aéroport de Rennes Saint-Jacques avait vocation à poursuivre sa croissance, indépendamment de la décision du gouvernement concernant Notre-Dame-des-Landes, a réagi Emannuel Couet, président de Rennes Métropole dans les colonnes de "Ouest-France".

Il poursuivait :

« On était déjà concrètement mobilisés pour le structurer et garantir son développement, et les réflexions se sont même accélérées. Le Premier ministre met en perspective des réflexions engagées depuis un an. Si l'annonce veut également dire que l'État va s'engager davantage et contribuer financièrement, tant mieux ! »

En 2014, d'importants travaux avaient déjà été engagés pour rajeunir l'aérogare de Rennes et l'agrandir, et en 2019, la Région prévoit d'investir 4 M€ pour le resurfaçage de la piste. Gérard Lahellec, vice-président de la Région chargé des transports prévient que l'abandon de NDDL bouleverse quand même la donne et va obliger à « revoir les projets et reconfigurer les insfrastructures. »

Les aéroports bretons, tous à l'équilibre

Il se félicite cependant que la Bretagne soit le territoire français qui accueille le plus d'aéroports, tous à l'équilibre d'exploitation. L'aéroport de Dinard a enregistré l'an passé une croissance de 10,2 % avec 121 697 passagers. Si Quimper, qui n'a attiré que 82 500 passagers, s'active pour passer la barre des 100 000 clients, l'aéroport de Brest, fort de 1 million de passagers en 2017, espère tirer son épingle du jeu.

La CCI de Brest, gestionnaire de l'équipement, a annoncé en décembre un plan d'investissement de 15 M€ pour la modernisation de l'aérogare et des infrastructures. Mériadec Le Mouillour, directeur général d'Aéroport de Bretagne Ouest, veut se réjouir que l'Etat se soit engagé à « ce que Brest dispose de liaisons faciles avec les autres métropoles européennes et qu'il soit mis en place des liaisons rapides avec les hubs longs courriers internationaux. »

En Bretagne, on espère que le gouvernement ne sera pas en panne d'aiguillage.

Par Pascale Paoli-Lebailly, 
correspondante de La Tribune pour la région Bretagne