Comment la Normandie réunifiée veut devenir une marque

Par Frédéric Thual  |   |  875  mots
La région veut capitaliser sur son nom, presque aussi connu que la Californie, et devenir une véritable marque.
Réunifiée en douceur, la Normandie veut capitaliser sur ses atouts patrimoniaux pour briller à l’international. Localement, l’attractivité déficiente impose un soutien à l’économie et un renforcement des transports obsolètes qui pénalisent un maillage territorial fragile et diversifié.

C'est la plus consensuelle des fusions de régions françaises. Et pour cause.

« Vous imaginez lors de négociations internationales... "I come from lower Normandy" ou "upper Normandy", c'est catastrophique », résume Arnaud Daudruy, président du Medef Normandie.

« Dans mes relations avec Québec par exemple, je n'ai jamais réussi à ce que la Basse-Normandie soit érigée au même rang que l'Aquitaine ou Poitou-Charentes », concède Laurent Beauvais (PS), président de la Basse-Normandie, qui a combattu la qualification de « Basse » Normandie (Manche, Orne, Calvados) face à une Haute-Normandie (Seine-Maritime, Eure), soutenue par l'axe fluvio-maritime de la Seine et sa proximité avec Paris.

Un espace où se développe d'ailleurs l'un des projets les plus importants du territoire.

Dans le sillage du groupement d'intérêt économique Haropa, né en 2012 pour réunir les ports du Havre, de Rouen et de Paris, et devenu premier ensemble portuaire français, le projet de la Vallée de la Seine (1) - écosystème logistique et industriel, encadré par un contrat de plan interrégional d'un milliard d'euros - veut accroître la compétitivité et la visibilité internationale de la Normandie au cours de la prochaine décennie. Tout comme la Ligne TGV Nouvelle Paris-Normandie (LNPN) esquissée pour 2030.

« C'est le grand enjeu du territoire », confie Jean-Claude Lechanoine, président de la chambre de commerce et d'industrie de région (CCIR) Basse-Normandie.

Obsolescence du réseau ferroviaire

Un territoire de 30.000 km², désormais équivalent à la Bretagne ou aux Pays de la Loire, où les temps de transport et l'obsolescence du réseau ferroviaire - qui n'a pas profité des investissements sur le TGV - sont au cœur des problématiques de cette nouvelle Normandie étendue de Cherbourg au Tréport.

Avec une particularité, un nombre important de villes moyennes de 12 .000 à 25.000 habitants. Encore perceptibles dans le choix de la capitale régionale, les « tensions » d'hier tendent à s'effacer au profit d'une gestion intelligente du territoire. L'État a tranché en faisant de Rouen la préfecture de région. Le conseil régional devrait s'installer à Caen. Avec de subtiles nuances, selon la couleur politique du prochain élu. Celui-ci devra faire face au manque d'attractivité notoire d'un territoire où l'évolution démographique est inférieure à la moyenne nationale.

« Le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale, l'emploi industriel se détruit deux fois plus vite que dans le reste de la France... Tous les indicateurs sont mauvais, peste Hervé Morin, tête de liste UDI-Les Républicains pour les régionales.

Dans ce contexte, la fusion est une chance énorme. C'est la possibilité de repartir à zéro pour écrire une nouvelle page de l'histoire normande », dit-il, voulant construire une stratégie à six, sous la forme d'un G6 associant à la Région les cinq départements passés à droite l'an dernier.

Une harmonisation politique qui veut procéder à la simplification de l'administration normande.

« Autrefois, la région était riche... Les Normands se sont accommodés du phénomène de baronnies. Or, aujourd'hui, le territoire normand connaît un vrai problème d'attractivité. Le secteur de l'aéronautique sèche pour recruter 500 à 700 candidats. On a du mal à faire venir les cadres, à retenir les jeunes, le taux de création d'entreprises est faible... », explique Jean-Claude Lechanoine, l'un des artisans de la réunification des chambres consulaires normandes.

Une réunification « pour être en ordre de marche. Car, l'entité normande a du sens », ajoute-t-il.

Laboratoire de la transition énergétique

Première région énergétique française, la Normandie fournit 15 % de la consommation d'énergie. Appuyée sur sept pôles de compétitivité (Mov'eo, Nov@log, Hippolia...), 16 filières, 19 domaines d'excellence, elle intervient dans des domaines aussi variés que l'automobile, le pétrole et ses dérivés, l'aéronautique (troisième région industrielle dans l'aéronautique derrière l'Île-de-France et Midi-Pyrénées), la pharmacie, l'agroalimentaire, la cosmétique, l'énergie ou encore le transport et la logistique.

À cela s'ajoutent un patrimoine historique, culturel (berceau de l'impressionnisme...) et touristique (le Mont-Saint-Michel, les falaises d'Étretat, les plages du débarquement...) indéniable, mis en lumière l'an dernier, à l'occasion du 70e anniversaire du débarquement et l'organisation des jeux équestres mondiaux. La région veut capitaliser sur son nom, presque aussi connu que la Californie, et devenir une véritable marque.

« On a montré que la Normandie était capable d'organiser des manifestations internationales », plaide Laurent Beauvais, qui accueillera l'été prochain le départ du Tour de France 2016, au Mont-Saint-Michel.

Au-delà, c'est sur l'économie du tissu industriel, la formation et l'emploi, très fragilisé au cours des quinze dernières années, que la région veut rebondir. Et notamment à travers les énergies marines renouvelables, avec l'éolien en mer et l'hydrolien.

« Nous devons faire de la région un laboratoire et un écosystème exemplaire de la transition énergétique », indique Nicolas Meyer Rossignol, président de la Haute-Normandie, tête de liste du Parti socialiste pour les prochaines échéances électorales, pour lesquelles un sondage BVA publié début octobre, pronostiquait un résultat très serré, entre une droite devançant la gauche et le FN.

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(1) Calvados, Eure, Hauts-de-Seine, Manche, Paris, Seine-Maritime, Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise, Yvelines.