Londres a déclaré la guerre numérique à Paris

Par Jean Pierre Gonguet  |   |  872  mots
David Cameron a probablement lancé la campagne mondiale de marketing territorial la plus efficace depuis le «Big Apple» de New York : « 2012 is GREAT Britain ». Elle est depuis quelques mois déclinée sur les nouvelles technologies avec Londres «capitale européenne du numérique». L'objectif : profiter de l'impact médiatique des JO pour attirer les start ups du monde entier à Techcity et rattraper le retard de la City sur Paris en matière numérique. Beaucoup d'évènements organisés en 2012 ont pour but de contrer ceux de l'Ile de France. La guerre Paris-Berlin-Londres pour être «la» ville du numérique est lancée.

Londres s'est autoproclamée «capitale européenne du numérique». Son slogan «Technology is GREAT Britain» est la déclinaison de la campagne « 2012 is GREAT Britain » lancée par David Cameron. Des slogans simples et redoutablement efficaces. Et la base line pour Techcity, le lieu de Londres choisi pour implanter le numérique est «la capitale digitale de l'Europe». L'argumentaire de la campagne de communication est centrée sur Techcity «la Silicon Valley en mieux» (plus fun, plus artistique, plus de pubs : la Silicon Valley mais festive !). Aucune nuance. Aucun doute. Aucune étude de benchmarking. Le message est mondial, il faut frapper fort en 2012. David Cameron qui a enregistré le clip de la campagne mondiale de com, a décidé de profiter des Jeux Olympiques pour attirer tous les entreprises du numérique à l'Est de Londres. Le gouvernement anglais ayant peu d'argent à consacrer au dossier (4 millions de livres dans Techcity en 2 ans, c'est très peu), il base tout sur le parrainage et la communication. Intel lance donc un centre de recherche dans Techcity, Google vient d'ouvrir un hub de l'innovation le « Google Campus », Facebook installe un Centre de développement Garage, Cisco a créé un centre de l'innovation dans le parc olympique et British Telecom s'occupe du très haut débit pour créer «les Jeux les plus connectés de l'histoire» et «la Capitale la plus connectée du monde».

Spectaculaire mais inexact

La campagne de marketing mondial est spectaculaire. Mais légèrement fausse. Londres est en effet très loin d'être la capitale numérique de l'Europe. Positionnée devant Berlin en termes d'emplois et de chiffre d'affaires, mais encore loin de Paris. Le but affiché est de ravir à Paris les industries du numérique et les JO sont le meilleur moment pour faire passer l'idée. «Join the buzz » décline Techcity sur tous les réseaux sociaux. Londres annonce des créations d'entreprises en masse : 500 depuis 18 mois dans Techcity mais Techcityjobs qui recense les jobs proposés a de la peine à renouveler les offres. Quant aux journalistes européens et nord américains ils visitent les deux mêmes start up : Songkick qui permet de trouver les billets les moins chers pour les meilleurs spectacles et Mind Candy, un réseau social de jeux en ligne qui a créé les Moshi Monsters qui prépare son entrée en bourse. La communication semble aller plus vite que la création. La Techcity est en effet très récente et se trouve dans le quartier de Shoreditch, entre Soho et Stratford, le site des JO. Un quartier ou les loyers sont encore peu chers et qui ne comptait qu'une quinzaine d'entreprises du numérique en 2008. David Cameron a rebaptisé l'endroit Techcity et installé au dessus du marché de Londres un centre de l'innovation qui réunit des start ups cherchant entre 50 et 500 000 euros. Pour le reste il a facilité l'obtention des visas pour les étrangers qui viennent à Techcity et, bien entendu, baissé très fortement les impots sur les bénéfices des start ups et mis en place un crédit d'impôts de 50% pour les investisseurs !

Much a buzz about nothing ?

Pour l'instant la stratégie de Londres est de faire du bruit, de créer des évènements perpétuels et de concurrencer Paris (et Berlin que les jeunes créatifs affectionnent désormais). Le prochain évènement, du 21 mai jusqu'au 1er juin, le Digital Shoreditch Festival 2012 est donc clairement inspiré de Futur en Seine, la manifestation numérique lancée en 2009 par Cap digital. Et il a, tout aussi clairement, le but de concurrencer le festival parisien qui débute, lui, le 14 juin. Shoreditch est festival 2.0 puisque les entreprises soumettent en ligne un résumé de ce dont elle souhaiterait parler et les internautes choisissent ensuite lesquelles participeront au festival. Le Digital Shoreditch Festival sera suivi d'ailleurs d'un concours mi juin LeWeb London pour élire la start up de l'année.

L'affrontement Berlin-Londres-Paris

Londres veut se positionner face à Paris qui, les Anglais l'expliquent, reste prisonnière d'une mauvaise image. Les communicants de Techcity passent beaucoup de temps à dire que Paris n'est pas la ville du business et que l'on y réussit difficilement : tout y est plus compliqué qu'à Londres (« Vibrant, fast-growing and connected, Tech City is the place to succeed » est l'un des thèmes de Techcity). En plus, la circulaire de Claude Guéant sur les visas pour jeunes professionnels étrangers a eu un effet déplorable à l'étranger et les communicants de Techcity l'ont bien entendu utilisé. Toute la question est maintenant de savoir si le gouvernement anglais n'en fait pas un peu trop. Sur les blogs, dans les réseaux, des starts ups de Techcity laissent filtrer de la mauvaise humeur, ont le sentiment d'être très utilisées dans des stratégies marketing qui les dépassent et voient surtout le prix du m2 grimper dangereusement dans un quartier traditionnellement estudiantin. Pour l'instant Techcity bénéficie des énormes investissements pour les JO, des retombées en emplois et du désir des grands du web de profiter de la médiatisation de l'évènement. Après les JO, personne ne sait vraiment...