One Feat, la start up incomprise à Paris va lever 500 000 dollars dans la Silicon Valley

Par Jean Pierre Gonguet  |   |  999  mots
Arnaud Ferreri , Souheil Medaghri Alaoui et Julien Dao : les 3 de One Feat
One Feat a échappé à la vigilance des banquiers et business angels parisiens. Cette start up couvé par Le Camping a développé un jeu basé sur des paris. Un concept de réseau social totalement ludique pour IPhone et Android, mais un marché de sponsoring potentiellement important chez les jeunes. One Feat s'est exilé dans la Silicon Valley pour perfectionner son modèle avec IO Ventures et lever 500 000 dollars : pour One Feat les Français ont trop de mal à comprendre qu'une start up qui a des millions d'addicts mais pas de business model puisse avoir de la valeur. Pour Souheil Alaoui, " quand on voit les créateurs de Zynga ou Yelp, on a 100 fois plus d'atomes crochus avec eux qu'avec des français ayant fait fortune avec des SaaS ou dans le e-commerce"

La vie est un jeu. Un jeu qui peut rapporter. Ils sont trois à en être persuadés. Souheil, Julien et Arnaud. Tellement persuadés que, lassés de leurs rencontres improductives avec les banquiers et business angels français, ils ont acheté, début 2012, 3 billets éco pour San Francisco et ont débarqué dans la Silicon Valley sans même savoir où ils allaient dormir. Les trois potes d'enfance, les trois accrocs des jeux vidéos ont fondé leur start up, One Feat, en juin 2011. Ils ont développé leur idée au sein du Camping, dans le palais Brongniart : tout le monde trouvait leur idée superbe, mais ils n'ont jamais trouvé un centime. En juin 2012, en revanche, ils sont en train de lever 500 000 dollars dans la Silicon Valley. One feat est un jeu en réseau pour Iphone ou Android. Le principe est bête comme chou : on relève des défis et on accumule des points en fonction des victoires. Tous les défis sont possibles pourvu qu'ils soient un peu drôles. Une seule preuve demandée : la photo du défi réussi. Un réseau social ludique de post ados qui mélangent la vraie vie et la vie digitale et transforment la vie de tous les jours en jeu.

« Ce n'est pas parce qu'on n'a pas de business model, qu'on n'a pas de valeur »

One Feat a-t-il un avenir ? Tout le monde en est persuadé. Oussama Ammar, un bourlingueur qui investit son argent personnel dans des start-ups de la Silicon Valley, explique que les 3 de One Feat n'étaient pas formatés pour l'esprit cartésien des Français : « dès que je les ai rencontrés, je leur dit de partir dans la Valley. En France on croit qu'un business model se crée ou se décide. Dans la Valley on sait qu'un business model se découvre expérimentalement et au bon moment. Il est illusoire et ridicule de croire qu'il est possible de décréter son business model sans avoir souffert : Google a testé 70 business models différents et Facebook n'a toujours pas trouvé le sien ! One Feat cherchait 200 à 300 000 euros. On leur en a proposé 20 à 30 000 pour 30% de leur capital ! Les business angels européens ont des profils de cadres supérieurs et pensent connaître l'internet business sous prétexte qu'ils paient l'ISF. En fait ils comprennent des concepts mais n'arrivent pas intégrer que dans l'internet des consommateurs, la chose la plus importante est l'attraction du produit. Un produit addictif qui concerne des millions de personnes, aura probablement un jour le bon business model. Nous sommes les plus forts au monde pour le e-commerce ou le B to B, mais totalement incapables de comprendre qu'une boite qui n'a pas de business model a quand même de la valeur si elle a des millions d'addicts ».

« Une start up n'est pas faite pour avoir un business model et Facebook n'en a toujours pas»

One Feat n'a pas, ne peut pas avoir de business model et dans la Valley ce n'est pas un problème. « Une start up n'est pas faite pour avoir un modèle business, elle est faite pour le chercher et lorsqu'elle l'aura découvert, elle pourra devenir la société qui l'exploite et l'optimise », explique Eric Ris, fondateur de Lean Startup. Les 3 de One Feat ont intégré IO Ventures, une sorte d'incubateur californien. Leur idée est par exemple de vendre le million d'utilisateurs qu'ils attendent d'ici la fin de l'année à une société qui va lancer un pari («allez jogger avec une Nike rouge et une Nike bleue », « mettez votre Levis à l'envers pour aller au lycée » ou "écris un nom d'artiste avec des frites"pour Mac Donald ...). Le « défi sponsorisé », c'est, pensent ils, leur créneau, l'esquisse du business model. « Il y a deux ans personne n'aurait mis un centime sur une start up qui propose d'acheter des moutons virtuels. Pourtant c'est ce qu'ils font sur Farmville, continue Oussama Ammar. Aujourd'hui, sur Zinga, chaque client dépasse 200 dollars à acheter des vaches qui n'existent pas ! Les américains ont une approche totalement expérimentale du business, nous on est dans le concept. Les 3 jeunes de One Feat et leurs premiers millions de joueurs sont, désormais, dans un monde de travail très dur. Mais dès qu'ils ont un problème, ils peuvent aller voir quelqu'un chez Zynga ou Facebook qui leur raconte son expérience. Zinga a acquis 700 millions de clients en deux ans, ils peuvent leur être de bon conseil ! En France aucune start up n'a réussi dans ce type de modèle de l'internet consumer; et, même si Le Camping a été formidable avec eux, ils sont tous seuls avec leur idée. » Le paradis ? Pas sur : «dans 6 mois ou dans un an au maximum, on saura si leur idée était bonne, termine Oussama Ammar qui a mis un peu de son argent chez eux. Mais, s'ils se plantent, personne dans la Valley ne leur reprochera. Tout le monde passe son temps à se planter. Et, s'ils ont une autre bonne idée en 2013, on leur prendra ! »

"A notre stade, la monétisation ne compte pas"

Mais déja ils ont compris quelque chose qu'ils ne pouvaient pas comprendre en France : "Lorsque nous sommes arrivés à I/O Ventures, explique Souheil, nous avons compris que la monétisation ne comptait pas à notre stade. Seules 3 choses comptent: d'abord l'équipe (prouver que nous sommes l'équipe faite pour réaliser ce produit), l'éxécution (apporter une experience/design qui soit fantastique, unique et addictive : 80% de notre travail est consacré à cela: avoir un produit sublime et facile à utiliser) et la distribution. Avoir des millions d'utilisateurs, et là, pour un consumer product, avoir un plan de RP ou achat d'users marketing, c'est completement depassé, ce qui compte, c'est avoir des mécaniques virales bien huilées, et simplifier au maximum le partage et l'utilisation sociale"