"Sans le Grand Paris, le PIB français serait privé de 200 milliards d'euros"

Par Propos recueillis par Jean-Pierre Gonguet  |   |  1042  mots
Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France / DR
Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Île-de-France, a fait réaliser des études sur l'impact de la mise en œuvre du plan de transports francilien. Le résultat est éloquent.

LA TRIBUNE - Pensez-vous que le plan transports du Grand Paris annoncé par Jean-Marc Ayrault est déterminant pour relancer l?attractivité de la métropole"?
PIERRE-ANTOINE GAILLY -
Le point vraiment intéressant de l?annonce est que, pour la première fois, on a réuni toutes les problématiques transports de l?Île-de-France dans un seul plan. Non seulement la grande boucle express, mais aussi la modernisation du RER B ou l?extension d?Eole jusqu?à Mantes-la-Jolie, ce qui per-met le désenclavement d?une région qui en a vraiment besoin. Il y a une vision complète du dossier, un seul et même plan pour tout, c?est une très belle idée.

Beaucoup d?économistes pensent que le rapport coût-bénéfices du plan est très difficilement appréciable car ce type de projet est totalement nouveau.
Mais si, cela s?est déjà fait ! On l?oublie toujours. Il y a 150 ans, lorsque le baron Haussman et le percement du métro ont fait décoller économiquement Paris. Dans les années 1960 et 1970, lorsqu?on a construit le RER et implanté les villes nouvelles. Mais toujours il y a eu le lien entre les transports et l?urbanisme. On n?a rien inventé. Pour le reste, j?ai été e% effectivement surpris que, depuis que le temps que l?on parle de ce dossier, en février il n?y avait toujours aucune étude sur ses retombées économiques éventuelles. Comme si les économistes étaient un peu pétrifiés. Pourtant les sommes ne sont pas monstrueuses, comme on l?entend trop souvent. Elles sont importantes, mais 30 milliards sur quinze ans, par rapport à l?enjeu économique de la région capitale, ce n?est pas un sujet susceptible de polémique : dans tous les pays développés, lorsque la région capitale va bien, le reste du pays va bien. Très souvent cette région connaît un demi-point de croissance supplémentaire par rapport au reste du pays et l?entraîne.
Avec l?Île-de-France, cela a été vrai jusqu?à il y a six ou sept ans. Depuis, nous nous sommes fait passer devant. Nous avons aussi tous remarqué que depuis cinq ou six ans, les déclarations d?envie de s?implanter
en Île-de-France de la part des entreprises étrangères fléchissaient régulièrement. Et, depuis l?année dernière, la baisse du nombre d?implantations étrangères nous fait reculer dans les classements internationaux. Nous avons donc un réel problème d?attractivité et dans toutes les enquêtes, il est lié à deux
raisons : le logement et les transports !

Est-ce pour cela que vous avez cherché à savoir ce que cela coûterait à la collectivité de ne pas réaliser le Grand Paris ?
Exactement. Sur la base d?hypothèses raisonnables et raisonnées, on peut estimer que la non-réalisation du projet du Grand Paris priverait le PIB français d?environ 144 à 208 milliards d?euros à l?horizon 2030. On peut même extrapoler encore plus et aller jusqu?en 2040 et montrer que le manque serait entre 444 et 596 milliards. Si l?on se base sur un taux de prélèvements obligatoires de 42,5%, cela implique un manque à gagner de 61 à 88 milliards pour les finances publiques en 2030 et de 189 à 253 milliards en 2040.

Sur quelles hypothèses avez-vous fondé vos calculs ?
Nous avons fait deux jeux d?hypothèses quant aux effets du Grand Paris. Le premier correspond au scénario que la Chambre de commerce et d?industrie régionale a retenu, avec un passage à 3,5)% de la croissance francilienne à partir de 2030 ; le second retient une croissance plus faible aux alentours de 3%. Ce sont des hypothèses cohérentes avec celles de l?INSEE sur la croissance de long terme de l?économie française qui sont proches, au mieux, de 2%. Nous avons également estimé que le Grand Paris, avec 1 à 2 milliards d?investissement par an au cours des vingt prochaines années, se traduit par une augmentation de 0,3% du PIB francilien chaque année. Ensuite, nous avons fait tourner les modèles avec un scénario sans le Grand Paris et un autre avec. Cela nous a donné le différentiel.

Les effets seront-ils immédiats sur la croissance et l?emploi ?
À partir de 2020, on va réellement voir les effets sur la croissance francilienne et un début de diffusion dans le reste du pays. On ne peut guère faire d?hypothèses fortes, mais il est quand même possible qu?entre 2020 et 2030 la croissance de l?économie française atteigne 2,2% avec l?effet de diffusion du Grand Paris. Et il faut souligner qu?un point de croissance en plus ce sont 250.000 emplois en plus pour l?économie française. D?ailleurs, il faut que l?on arrête avec ce serpent de mer de la province qui paierait pour Paris. Même les élus franciliens avec lesquels je discute très souvent sont trop réservés sur cette question. Il faut dire que région capitale, c?est 18)% de la population qui génère 29% du PIB de la France et 42% des recettes fiscales de l?État. Il ne faut pas être complexé, notre Région tire le pays.

Vous êtes donc plutôt un chaud partisan de ce plan ?
Je vais émettre deux réserves. La première tient au foncier. Si, comme le laisse entendre le projet de loi sur la décentralisation, une autorité sur le foncier est donnée à une structure métropolitaine, ce sera parfait. Il est insupportable d?entendre des maires de la petite couronne de Paris dire qu?ils ont les hectares pour construire, mais qu?ils ne font pas de logement social parce ce que cela ne correspond pas à leur électorat. Ils ne font d?ailleurs pas plus de logements intermédiaires. Et les entreprises n?arrivent pas à en trouver pour loger leurs employés et leurs cadres! Et j?aurais un regret, c?est que l?on termine par là où l?on devrait commencer : Roissy, c?est prévu pour 2030, Orly et Villepinte pour 2027. Ce sont les poumons de l?Île-de-France, les arrivées d?air frais. Et on fi nit par cela !