Grand Paris : les investisseurs du privé s'impatientent

Par Jean-Pierre Gonguet  |   |  820  mots
Le processus de construction s'accélère et la candidature pour les JO en 2024 va encore augmenter la pression.
Les investisseurs privés aimeraient que le Grand Paris aille plus vite, ne se perde dans des questions de gouvernance inutiles et offre très rapidement des opportunités et un business model aux investisseurs étrangers. Un forum de Paris Ile-de-France Capitale économique vient de montrer cette impatience

Pour l'instant tout va bien. Le financement du Nouveau Grand Paris est assuré, l'Etat s'est engagé sur près de  26 milliards d'ici 2030. A moins d'une désagréable surprise lors du vote d'une Loi de Finances dans les années qui viennent, les financements seront au rendez vous. Au pire, en cas de restriction budgétaire, la Société du Grand Paris amortira sur 50 ans au lieu de 40 et empruntera un peu plus sur les marchés, ce qui, pour l'instant est plutôt une bonne chose vue la faiblesse des taux.  Mais le privé a des doutes. C'était en tout cas la petite musique de fond du forum de Paris Ile-de-France Capitale Economique. Au point même d'énerver Augustin de Romanet, le président d'Aéroports de Paris, qui a interrompu un avocat pour expliquer, visiblement fâché, que le Roissy Express était « un bon : si je pensais une seconde qu'il n'était pas rentable, je ne le financerais pas ! ». Le public a décidé d'assumer l'intégralité du projet et il maintient. Et malgré des appels du pied, il refuse l'idée même de partenariats public privé pour les infrastructures.

La question s'est par exemple posée sur le financement de la ligne 18, celle du Sud du Grand Paris, avec ses 35 km et ses 10 gares, qui relie Orly à Versailles via le plateau de Saclay ; Serge Grzybowski, le PDG d'ICADE l'un des leaders de la promotion immobilière, a donné la raison de l'impatience du privé :

« Il y a trois ou quatre ans, nous n'étions pas sur le radar des grands investisseurs internationaux. Je faisais des roadshows un peu partout dans le monde, mais c'était l'époque du french bashing. Avec le Grand Paris, nous avons maintenant un projet à vendre, nous sommes beaucoup plus actifs. Mais nous avons une difficulté énorme : nous devons être surs de la livraison des gares et voies ; nous ne pouvons pas prendre du retard car nous avons une promesse et nous sommes sur les calepins des investisseurs internationaux »

Le millefeuille est toujours aussi lourd

Le souci pour Serge Grzybowski est de concilier les temps : « un aménageur travaille sur 10 à 15 ans, un promoteur sur 3 ans, et un investisseur sur 6 à 7 ans, ce sont donc des opérations difficiles à monter et on ne peut pas avoir des ratages ». Frédéric Nouel, avocat associé de Gide Loyrette Nouel, explique :

« A Lyon Gérard Collomb est enfin arrivé à avoir un seul PLU sur toute la métropole. On y était enfin arrivé avec la loi MAPTAM sur le Grand Paris et on allait pouvoir enfin arrêter le sport n°1 des communes qui est de faire des recours contre les projets d'aménagement des communes avoisinantes. Mais là on est en train de détricoter toute la loi et c'est désolant. En ce qui concerne le PLU c'est pathétique, les intercommunalités ont gagné et le récupèrent. Nous sommes en train de morceler de nouveau le territoire et c'est désolant ».

La grande peur des investisseurs tient en fait à la présence toujours envahissante du millefeuilles et « des prises de positions personnelles des élus » qui peuvent tout ralentir et compliquer et  désespérer les financements internationaux.

Que l'Etat garantisse le prix de l'immobilier sur 15 ans

Et ils proposent même des solutions un peu fermes, si l'Etat souhaite qu'autour des gares et un peu partout en Ile de France, le logement reparte. Xavier Lépine a reçu ainsi l'approbation de tous en proposant que l'Etat garantisse pendant 15 ans le prix de l'immobilier pour les investisseurs :

«Si l'on souhaite vraiment travailler sur le logement et attirer les capitaux étrangers il faut avoir en tête que le rendement pour le logement est de 5% en Allemagne et de 2.5% en France. Donc ça n'intéresse pas grand monde dans l'institutionnel qui préfère à la limite la tranquillité des obligations à 0.6% et évite des risques. En revanche si l'Etat garantit à 15 ans, on débloque tout ! »

Odile Renaud Basso la directrice générale adjointe de la Caisse des Dépots  a eu quelques réticences mais c'était quand même le genre de propositions attendues

D'autant plus, et Jean Lemierre, le président de BNP Paribas l'a longuement développé dans les propositions de Paris Ile de France Capitale Economique, le processus de construction s'accélère (et la candidature pour les JO en 2024 va encore augmenter la pression) et que « les investisseurs étrangers attendent des opportunités et un business model ». Et il propose ainsir de « gagner en créativité et délais » de manière à diviser par deux les délais des opérations dans le cadre du Grand Paris et à « recourir systématiquement au levier financier et humain qu'offre l'aménageur privé ».  Et, comme tous les investisseurs privés, il demande une présence très « déterminée » du pilotage gouvernemental pour rassurer les investisseurs étrangers.