Le choix de l'Etat de céder le domaine de Grignon à Altarea Cogedim suscite les critiques

Par latribune.fr  |   |  712  mots
La petite commune de Thiverval-Grignon (Yvelines), opposée à la vente par l'Etat du vaste domaine de Grignon au promoteur Altarea Cogedim, a déclaré qu'elle n'entendait pas changer son plan local d'urbanisme (PLU). (Crédits : cfsg)
Le domaine de Grignon et son château du XVIIe siècle dans les Yvelines vont être cédés par l'Etat au promoteur Altarea Cogedim pour créer un "grand pôle d'excellence scientifique". Mais cette décision est loin de faire l'unanimité : anciens élèves, élus locaux et défenseurs du patrimoine préparent la riposte.

Après avoir envisagé de céder Grignon au PSG en 2015-2016, l'Etat a retenu le 4 août le projet d'Altarea Cogedim pour le domaine. A l'époque, le projet de cessation du berceau de l'agronomie française depuis 200 ans pour le transformer en centre d'entraînement avait déjà suscité une levée de boucliers. Désormais, les opposants se hissent contre la transformation de Grignon et son château du XVIIe siècle en programme résidentiel détenu par un promoteur. Le comité de sélection de la Direction Immobilière de l'Etat a sélectionné ce projet qui était en concurrence avec un autre promoteur et avec "Grignon 2026".

Situé sur la petite commune de Thiverval-Grignon (1.100 habitants) dans les Yvelines, le domaine de Grignon, est actuellement occupé par l'école d'ingénieurs agronomes AgroParisTech et par des chercheurs. Le domaine comprend 24 hectares de parcelles bâties, 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme expérimentale, et plus de 133 hectares de bois. Il a été donné par Henri II à sa favorite Diane de Poitiers au XVIe siècle, puis a été racheté en 1826 par le roi Charles X pour le dédier à l'agronomie et à l'enseignement des pratiques agricoles. C'est resté la vocation du site jusqu'à ce jour.

Sa cession s'inscrit dans le projet de création d'un "grand pôle d'excellence scientifique" sur le campus de Paris-Saclay regroupant AgroParisTech et des laboratoires de l'Institut de recherche Inrae, selon le ministère de l'Agriculture qui n'a pas indiqué le montant de la vente. Dans ce cadre, le château accueillera des séminaires et des événements, et un programme de réhabilitation des bâtiments et de nouvelles constructions est prévu. Il veut aussi offrir une "programmation touristique responsable" mais laissera l'exploitation de la ferme expérimentale aux étudiants d'AgroParisTech.

"C'est le choix d'un projet réaliste et fiable", déclare à l'AFP le ministère de l'Agriculture, dont le patron actuel Julien Denormandie est un ancien de l'"Agro".

Les opposants soutiennent "Grignon 2026"

Mais les opposants au projet - anciens élèves, élus locaux et défenseurs du patrimoine - préparent la riposte. Le déménagement à Saclay - prévu en 2022 - n'est pas remis en cause par les étudiants, mais le lancement de l'appel à projets en mars 2020 a suscité des inquiétudes. Les élèves ont déjà bloqué le domaine pendant trois semaines.

Dans une tribune en mai dans le JDD, plus de 170 scientifiques, dont la climatologue Valérie Masson-Delmotte, ont estimé que les critères de sélection faisaient "planer de grandes menaces sur l'intégrité du domaine et la préservation de ses patrimoines exceptionnels".

Les signataires soutiennent un autre projet nommé "Grignon 2026". Ce projet entend faire du site un "Centre international sur la transition alimentaire et agricole". Il est porté par l'Association Patrimoine AgroParisTech-Grignon 2000, qui réunit des anciens élèves de l'Agro, avec le soutien de la communauté de communes Cœur d'Yvelines (31 communes).

"Au cœur de l'Etat, l'Etat brade Grignon et reste sourd à un projet d'intérêt général concernant le changement climatique", ont déploré les porteurs de Grignon 2026, en révélant le 11 août le choix de l'Etat.

"Le domaine va être démantelé", estime Mathieu Baron, délégué général de l'association Patrimoine AgroParisTech Grignon 2000. Cette association "étudie la possibilité de recours auprès du tribunal administratif", a indiqué à l'AFP Mathieu Baron.

La maire refuse de modifier son plan local d'urbanisme

De son côté, la maire (sans étiquette) de Thiverval, Nadine Gohard, a souligné que le projet d'Altarea supposait de changer le plan local d'urbanisme (PLU). "Je ne le ferai pas", a-t-elle assuré dimanche à l'AFP.

Avec Grignon 2026, "certes l'Etat aurait ramassé un petit peu moins d'argent mais le projet était sûr financièrement et juridiquement", estime-elle.

Les défenseurs de Grignon 2026 comptent aussi sur le soutien d'associations de défense du patrimoine. "Nous continuerons à nous battre pour la sauvegarde du domaine de Grignon et nous ne serons pas les seuls", écrit Didier Ryckner de la Tribune de l'Art.

Pour sa part, Altarea Cogedim a promis "d'être à l'écoute" des acteurs du territoire et du monde agricole pour "recréer à Grignon un lieu d'exception aux multiples usages".

(Avec AFP)