Logement : les objectifs du Grand Paris sont-ils trop ambitieux ?

L'objectif affiché dans la loi structurant la métropole Grand Paris, soit la construction de 70.000 logements par an, sera très difficile à atteindre. Mais il semble pourtant indispensable de le fixer.
Mathias Thépot
Pour que l'Ile-de-France soit à l'avenir une région agréable à habiter, il faudra construire beaucoup de logements.

La dernière fois que la barre des 70.000 logements construits en Ile-de-France a été dépassée, Valéry Giscard d'Estaing était encore président de la République... Ce chiffre de 70.000 représente concrètement le besoin de nouveaux logements annuels pour les franciliens. Des besoins tout particulièrement prégnants sur le territoire du Grand Paris.

C'est la loi du 3 juin 2010 sur le Grand Paris qui a pour la première fois clairement affiché la volonté publique de construire 70.000 logements par an en Île-de-France, ce qui équivaut à plus que doubler la production annuelle. Depuis lors, « le retard cumulé par rapport à cet objectif atteint déjà 175.000 logements », s'inquiétait Beatriz Ramo, architecte urbaniste, lors d'une conférence de l'atelier international du Grand Paris (AIGP). Bref, les acteurs du Grand Paris ne sont sur le terrain pas encore suffisamment armés pour atteindre cet objectif hyper ambitieux.

Situation d'urgence absolue

Les pouvoirs publics n'ont pourtant pas le choix : en 2040, la population francilienne devrait être comprise entre 11,8 et 13,8 millions d'habitants, suivant les différentes hypothèses retenues sur la fécondité, la mortalité et les migrations, expliquait le think tank La Fabrique de la cité. La population de la région devrait augmenter de 750.000 personnes entre 2007 et 2025, puis de 450.000 entre 2025 et 2040. Conséquence très concrète : certains spécialistes avancent que, si rien n'est fait, il manquera 1,2 million de logements dès 2030.

Il y a donc une situation « d'urgence absolue », selon Yves Laffoucrière, le directeur général de 3F, un des plus grands bailleurs sociaux français, lors d'une autre conférence de l'AIGP. Pour que « l'Ile-de-France reste une région agréable à habiter, il est indispensable que collectivement, les acteurs se donnent les moyens d'agir rapidement et massivement pour produire les quantités de logements suffisantes », explique-t-il.

Certes. Mais les acteurs parties prenantes à l'émergence de la métropole du Grand Paris se souviennent des programmes de construction des 30 glorieuses (1945-1973) qui auront au final engendré de nombreux quartiers déshérités et excentrés dans la région, qui contrastent avec les zones les plus aisées de l'ouest de la capitale, à quelques dizaines de kilomètres seulement. Il faudra à tout prix éviter de reproduire ces erreurs dans le cadre du Grand Paris. Mais, rassure Yves Laffoucrière, « les maires d'Ile-de-France ne raisonnent plus du tout dans une optique de quantitativisme pur », et intègrent des notions qualitatives dans leur projets.

Le foncier est abondant

La région parisienne ne manque du reste pas d'atouts pour pouvoir construire. Et d'abord d'un élément essentiel : le foncier abondant, notamment autour des 72 nouvelles gares du Grand Paris. Le potentiel de logements constructibles sur un rayon de 800 mètres autour de ces gares est de 15.000 unités par an pendant vingt-cinq ans, calcule Catherine Barbé, directrice des partenariats stratégiques de la Société du Grand Paris. De fait, autour de ces gares, 4.000 hectares sont aujourd'hui sous-densifiés.

Mais jusqu'ici, l'inflation du foncier, la hausse des coûts de construction et l'empilement des normes rendent souvent impossible la mise en vente de logements à prix abordables. Clairement, il y a aujourd'hui un enjeu autour du prix des logements, particulièrement chers dans la métropole.

Dans ce cadre, la diversification de l'offre locative, du très social à l'intermédiaire, sera primordiale sur un territoire où la plupart des ménages n'ont pas les moyens d'accéder à la propriété. Une meilleure adaptabilité de l'existant peut aussi permettre de dégager des marges de manœuvre. Ainsi, du point de vue de la pure technique architecturale, Beatriz Ramo estime que si l'on permettait aujourd'hui la construction de logements de 3, 4 ou 5 pièces divisibles à terme en plus petits logements, le gain pourrait être significatif pour mieux répondre à l'avenir aux besoins des ménages.

Le réseau de transport

Enfin, la mise en œuvre d'un réseau de transport urbain efficace sera la clé de voûte de la réussite du projet. Car jusqu'ici, « il y a des villes qui, pour relier la capitale, sont desservies par des transports en commun pas assez fiables et fréquents, et qui sont victimes de  phénomènes d'insécurité. D'où le paradoxe suivant : on dit qu'il manque des logements en Ile-de-France, mais il y a des villes où, si l'on ne fait rien évoluer, on aura du mal à louer des logements fraichement construits à bas prix et à l'architecture sympathique », explique sobrement Yves Laffoucrière. C'est pourquoi, il faudra un « maillage de transports en commun efficace, une grande diversité dans l'habitat. Et ce, en respectant l'histoire des quartiers », ajoute-t-il.

Mathias Thépot

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Commentaires 10
à écrit le 22/08/2015 à 15:37
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Alors la décentralisation ? Ca n'arrivera jamais en France ? C'est un peu pour ça que ce pays va mal. Entre autres.

à écrit le 22/08/2015 à 3:33
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Question au journaliste : Les projections de besoin de logements en région parisienne (avec un fort taux de cadres) tiennent elles compte du phénomène du télétravail ? On parle d'horizon 20 ans...

à écrit le 21/08/2015 à 14:13
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On ne peut séparer la question (aigüe) du logement, de celle des transports en Ile de France, et surtout de la réforme territoriale avec 13 régions métropolitaines.Il faut lire les délires attali-nesques pour comprendre la finalité de ces lois "struc...

à écrit le 21/08/2015 à 12:39
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c'est beau des impots fonciers et locaux pour tout horizon.....

à écrit le 21/08/2015 à 12:21
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Il existe une autre solution, c'est de ne pas construire de nouveaux logements dans Paris et même de faire maigrir "immobilièrement"la capitale. Il y a tellement de place ailleurs, avec des conditions de vie bien meilleures. Pour cela, il faut une vr...

à écrit le 21/08/2015 à 12:15
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Et à coté de ça ils veulent dépenser quelques milliards pour les jeux olympiques... comme ça les parisiens pourront aller courir derrière la baballe même si ils couchent sous les ponts, c'est formidable. Ou aller faire du plongeon de haut vol avant d...

à écrit le 21/08/2015 à 11:30
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comme l ont ecrit d autres personnes avant moi, l argent serait mieux employe a developper d autres villes que Paris. On devrait prende ex sur la RFA ou a Berlin il n y a pas grand chose d autre qu ele gouvernement (Siemens est a Munich , Daimler a S...

à écrit le 21/08/2015 à 10:49
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Et si la bonne politique c'était de tenter de stabiliser la population en région parisienne ? Toutes les activités n'ont pas besoin d'être centralisée en région parisienne. N'est il pas possible de faire quelque chose pour que la Région parisienne...

à écrit le 21/08/2015 à 10:01
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Et la décentralisation qui en parle. Il y a des déserts partout en France , des centaines de villes qui pourraient se développer . La seule solution plutôt que de concentrer le quart de la population sur 40 Km 2 .

le 21/08/2015 à 10:42
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Tout développement en Ile de France est un développement inefficace. Il faut délocaliser vers des endroits qui en ont besoin en France. Cette idée est complètement de faire aggrandir la région parisienne est stupide et rend les francais la risée de ...

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