Toulouse rayonne-t-elle encore sur l'aéronautique mondiale ?

Début 2014 sera inauguré l'Espace Clément-Ader, dédié à l'innovation et au génie mécanique. En 2016 arrivera le centre de recherche technologique Saint-Exupéry pour l'aéronautique et l'espace... Le campus Montaudran Aérospace a l'ambition de devenir l'un des leaders européens de l'aérospatiale.
La place du Capitole à Toulouse / Reuters

L'avion du futur se dessinera peut-être sur l'ancienne piste mythique de l'Aéropostale, là où s'envolèrent les Latécoère, Mermoz ou Saint-Exupéry.

« Nous souhaitons faire de Montaudran l'un des plus grands sites européens dans le secteur aérospatial à l'horizon 2020 », confie Pierre Cohen, président de la communauté urbaine de Toulouse métropole, avant d'afficher sa conviction et son credo : « Un quartier de 56 hectares s'y construit afin de rassembler les acteurs publics et privés de la recherche et de l'innovation sur les thématiques de l'aéronautique, du spatial et des systèmes embarqués. Le redressement industriel de la France passera par l'innovation technologique et c'est à la puissance publique, notamment aux collectivités locales, d'organiser ces écosystèmes. »

De fait, le projet ne manque pas d'ampleur. Son montant prévisionnel est ainsi évalué à 380 millions d'euros.

« L'ancienne piste utilisée par l'Aéropostale relie l'espace "mémoire", au Nord, aux bâtiments de recherche et d'enseignement situés au Sud », décrit Eurylice Roncen, associée à l'agence Seura-Architectes.

Lauréate du concours Toulouse Montaudran, l'agence aime travailler sur de grands projets, comme celui des Halles, à Paris.

« La piste sera réservée aux piétons ainsi qu'au passage d'un bus en site propre, poursuit-elle. Le nouveau quartier comprendra des logements, des parcs arborés et des équipements sportifs, culturels et commerciaux. Au bout de la piste, un bâtiment pouvant atteindre 100 mètres de hauteur est prévu offrant un beau panorama sur le site. »

Une pépinière d'entreprises est aussi envisagée pour l'implantation et l'accompagnement de start-up.

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Au bout de la piste, le tout nouvel espace Clément-Ader : 13.000 m2 dédiés à la recherche. / © SEURA ARCHITECTES

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L'ancienne piste de l'Aéropostale, à Montaudran, d'où les pilotes, pionniers de l'aviation, comme Jean Mermoz et Antoine de Saint-Exupéry, prenaient leur envol. / © PICCI_PISTEAEROSPACE

Une zone identifiée dans les hautes technologies

Le consensus politique semble de mise, même si l'opposition municipale regrette le retard accumulé :

« Le projet est né en 2005 avec la création du Pôle de compétitivité Aerospace Valley », rappelle l'ancien maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc.

Situé au sud-est de Toulouse, à l'opposé d'« Airbus-village », Montaudran entame aujourd'hui une métamorphose. Si l'inauguration officielle de l'Espace Clément-Ader est prévue dans le courant du premier semestre 2014, ce bâtiment de 13.000 m2 dédié à la recherche et au génie mécanique est déjà opérationnel.

Plusieurs départements universitaires, laboratoires et écoles d'ingénieurs pourront accélérer leurs collaborations dans le génie mécanique. L'Espace Clément-Ader regroupera aussi une plate-forme de micro-caractérisation des matériaux, un centre de calcul pour Météo France et le supercalculateur de l'Université de Toulouse.

De son côté, l'Institut de recherche technologique (IRT) Saint-Exupéry espère s'implanter à Montaudran Aérospace en 2016.

« Nous rejoindrons alors une zone clairement identifiée dans les hautes technologies, se réjouit Gilbert Casamatta, président de l'IRT. Nos domaines de prédilection sont l'aéronef plus électrique, les systèmes embarqués et les matériaux haute performance multifonctionnels. Plusieurs industriels, tels Actia, Airbus, Astrium, Liebherr, Safran, Thales ou Zodiac, vont partager leurs savoirs afin de faire progresser les technologies génériques au contact de la recherche publique. »

L'IRT sera l'opérateur de recherche chargé de mettre en oeuvre les projets identifiés par le pôle de compétitivité Aerospace Valley, dont le déménagement à Montaudran est prévu en 2017.

« Le kérosène représente désormais 33 % des dépenses de fonctionnement d'une compagnie aérienne, précise Marc Péré, directeur général d'Aerospace Valley. Nous devons être à la pointe dans les matériaux innovants afin d'alléger la structure mais aussi dans l'avion plus électrique. »

Le campus Minatec, à Grenoble, spécialisé dans les nanotechnologies, est clairement le modèle d'inspiration. D'ailleurs, Toulouse Montaudran Aérospace ne se crée pas ex nihilo, mais s'intègre dans un tissu local très riche du fait de sa proximité avec le Centre national d'études spatiales (Cnes), l'École nationale d'aviation civile (ENAC), ou l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace (ISAE).

« Notre ambition est de favoriser la maïeutique, insiste Marc Péré. C'est-à-dire de permettre aux différents acteurs de se rencontrer afin de développer des projets collaboratifs. »

En guise d'illustration, le Laboratoire d'analyse et d'architecture des systèmes LAAS-CNRS prévoit de développer des projets communs dans l'électronique de puissance pour l'aéronef plus électrique. Des relations se mettent en place, notamment avec l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) et le CEA Tech dont l'arrivée prochaine à Montaudran est actée.

Les industries sont de la partie

Les industriels sont partie prenante du projet, à l'image du groupe Aerolia, spécialisé dans la conception et la production de fuselages équipés.

« Nos concurrents sont à l'étranger et leurs industries sont regroupées autour de quelques acteurs, insiste Christian Cornille, président d'Aerolia. Les chefs d'entreprise ont compris depuis plusieurs années l'impérieuse nécessité de se fédérer. »

À la tête d'un groupe, qui compte 3200 salariés et plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires, Christian Cornille est optimiste sur la réussite de Montaudran Aérospace :

« Mener des projets collaboratifs est déjà dans l'ADN de la filière. »

Les 400 ingénieurs toulousains du bureau d'études d'Aerolia vont développer plusieurs axes de recherche stratégiques au sein de l'IRT Saint-Exupéry, en particulier sur les matériaux composites de demain. Le tout dans une approche pragmatique et collaborative de la propriété intellectuelle.

Dans le spatial, l'entreprise Astrium, qui emploie 3.100 personnes à Toulouse, prévoit de transférer d'ici à trois ans plus d'une vingtaine de chercheurs qui seront directement rattachés à l'IRT. L'implication du leader européen du spatial au sein du campus de Montaudran est particulièrement attendue.

« Nous travaillerons notamment sur de nouveaux matériaux destinés à améliorer les performances de nos lanceurs et rendre plus efficace leur industrialisation, explique Michel Le Moine, directeur technique d'Astrium. Dans le domaine des communications optiques par laser, Astrium met au point des techniques qui permettront de transférer plus rapidement davantage de données à un coût acceptable. Aujourd'hui, le coût de cette technologie est encore trop élevé pour une utilisation spatiale. »

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