Les étranges méthodes sociales de l'équipementier automobile Gestamp

Par Geneviève Hermann.Correspondante à Lille  |   |  762  mots
L'emboutissage chez Gestamp. DR
A la suite d'un mouvement social en juin sur le site nordiste, le groupe espagnol Gestamp s'est désengagé du projet d'investissement de 20 millions d'euros qui devait pérenniser l'usine de l'équipementier automobile rachetée à ThyssenKrupp. Elle vient même de demander aux salariés de signer un texte lui promettant la paix sociale pour les deux années à venir, mais, en échange n'a toujours pas donné de perspectives claires à l'usine du Nord. Un comportement étrange et peu rassurant dans cette société qui emploie 1350 salariés

Les 84 salariés de l?usine Gestamp-Sofedit de Gouzeaucourt partent en vacances la peur au ventre faute de réponse de leur maison mère. Le mercredi 25 juillet, à la demande de la direction du site, leurs représentants syndicaux ont en effet signé un document de six pages engageant tout le personnel de l?usine à collaborer avec le groupe Gestamp. Le but ? Préserver le projet de construction d?une future unité de formage à chaud se poursuive chez eux comme prévu initialement. Une étrange façon de faire de la part de la direction de l?entreprise : elle a demandé cet engagement écrit après avoir arrêté le chantier d?extension du site fin juin. La faute aux salariés a expliqué Fernando Macias, directeur France du groupe Gestamp, le 20 juillet en sous-préfecture de Cambrai car il avait des doutes sur « la fiabilité du site nordiste en terme de fonctionnement et de maintien des conditions de production ».

Le directeur espagnol n?aime pas les débrayages

Dit autrement, il n?avait pas du tout apprécié qu?en juin l?usine ait débrayé 2 heures et demie. Les salariés réclamaient depuis plusieurs mois un réajustement des coefficients et des rémunérations qui d?après les syndicats sont en moyenne 15 % inférieurs à ceux pratiquées ailleurs en France dans les trois autres sites Sofedit-Gestamp (Theil-sur-Huisne, Sermaises et Saint-Romain-de-Colbosc). Les représentants du personnel s?appuyaient alors sur l? « accord de méthode concernant les garanties apportées dans le cadre du projet de cession de titres de la société ThyssenKrupp Sofedit au groupe Gestamp ». Signé en avril 2011 par Laurent Favre en sa qualité de Président du directoire de Sofedit, cet accord prévoyait la mise en ?uvre d?un réajustement des décalages de classifications. Depuis, Laurent Favre a été remplacé par Fernando Macias qui a visiblement oublié l?accord signé par son prédecesseur. Pis, il est soupçonné de ne pas étudier les dossiers à fond. Pour Philippe Portier, responsable national des métallos CFDT « la direction ne joue pas le jeu du dialogue social, les dossiers ne sont pas préparés et on sent un grand flottement dans la gestion des affaires. Ce qui est très inquiétant pour l?avenir de Sofedit Gestamp et de ses 1350 salariés ».

La situation serait pire qu?au moment du rachat

L?expert comptable mandaté par le Comité Central d?Entreprise de Sofedit-Gestamp a ainsi clairement indiqué en avril 2012 que la situation lui paraissait préoccupante. Lors du rachat, Gestamp visait un chiffre d?affaires de 325 millions d?euros à l?horizon 2015 avec la suppression de 140 à 190 postes au siège et dans les fonctions supports des usines. Non seulement ces suppressions n?ont toujours pas eu lieu, mais la situation du secteur automobile s?est dégradée, le chiffre d?affaires de l?équipementier a baissé et ses pertes se sont amplifiées. Près de 400 suppressions de postes seraient aujourd?hui envisagées. Le comité central d?entreprise a fait valoir son droit d?alerte pour obtenir des réponses de la direction sur cette situation.

Pas de promesse mais une demande ferme de paix sociale

Mais la seule réponse de la direction a été pour l?instant de faire demander aux salariés de Gouzeaucourt de signer un texte où ils affirment « s?investir avec professionnalisme et motivation dans les actions d?apprentissage et de formation qui seront nécessaires pour maitriser le formage à chaud ». Ils acceptent également que de « 2014 à 2018, l?augmentation globale de la masse salariale du site sera conditionnée par la situation économique de l?établissement et la société Sofedit en terme de résultats et de perspectives économiques et financières, et ne pourra en aucune manière dépasser l?inflation constatée par l?Insee sur les 12 derniers mois précédents l?ouverture des négociations ».

Les salariés ont donc promis d?être « sages », mais ils n?ont toujours rien obtenu en échange. Pour l?instant, il n?est plus question que la fabrication des pièces destinées au futur véhicule remplaçant la 308 de PSA Peugeot Citroën se fasse à Gouzeaucourt. C?est sur elle que repose la charge de la future ligne de formage à chaud qui pourrait voir le jour ailleurs en France. Le nom de l?usine Gestamp de Ronchamp en Haute Savoie circule. Mais dans le nord, on y croit encore car que la pérennité du site pourrait bien en dépendre.