Port de Dunkerque : les enjeux d'un agrandissement à plus de 600 millions d'euros

Dunkerque ne doit pas rater le rendez-vous des conteneurs. C'est en tout cas ce que pense la direction actuelle, qui estime que le trafic de marchandises conteneurisées devrait doubler d'ici à 2030. Le port de Dunkerque souhaite donc créer de nouveaux terminaux pour traiter toujours plus de marchandises conteneurisées.
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Le chantier est titanesque : le port de Dunkerque souhaite tout simplement modifier la physionomie de ses quais. Aujourd'hui, le quai des Flandres permet d'accueillir un gros navire là où le projet de demain imagine en accueillir deux gros, voire trois, à terme. Les enjeux sont tellement importants que le projet va faire l'objet d'un débat public dès la rentrée prochaine, sur une durée d'environ quatre mois.

Deux possibilités seront étudiées lors du débat public. D'un côté, le projet Atlantique qui prévoit d'agrandir de 1.000 mètres l'actuel quai des Flandres pour le prolonger jusqu'au terminal à conteneurs. Pour un coût de 641 millions d'euros. Une seule route devrait être déviée, mais la question de la place disponible pour faire de la logistique se pose.

De l'autre côté, le projet Baltique, qui prévoit la création d'un nouveau quai, lui aussi de 1.000 mètres de longueur mais orienté différemment. Son budget est sensiblement plus important, à 843,3 millions d'euros. Problème, cette configuration pourrait avoir des répercussions sur une zone écologique extrêmement sensible, qui avait déjà été difficilement préservée lors de l'installation du terminal méthanier.

Outre les considérations physiques, la différence notable entre les deux projets est leur utilité finale : Baltique permettrait de proposer du conteneur et du vrac là où Atlantique ne prévoit que des conteneurs.

Héritage industriel et freins concurrentiels

Il faut savoir qu'aujourd'hui, les marchés mondiaux travaillent à 75% avec les ports d'Anvers, Rotterdam et Hambourg, ne laissant que des miettes au port nordiste. Concrètement, sur un hinterland drainant jusqu'à 750.000 EVP*, le port de Dunkerque n'en capterait que 150 000... malgré une position géographique, juste à l'entrée de la mer du Nord, bien plus stratégique que celle de ses concurrents belges et néerlandais.

Les raisons de ce désamour sont multiples. Les Belges ont cumulé plusieurs avantages concurrentiels non négligeables, comme la présence de zones franches, de très grandes surfaces d'entreposage, un transbordement simplifié et une interconnexion à la route, au rail et à la voie d'eau, sans oublier une auto-liquidation de la TVA à l'import (mise en place à Dunkerque depuis 2015 seulement) et des contrôles douaniers réputés « allégés ».

L'histoire joue aussi puisque Dunkerque s'est très longtemps contenté d'accueillir du vrac. Dans les années 1960, le faible coût des transports maritimes voit les industries sidérurgiques se développer au « bord de l'eau ». C'est à cette époque que le groupe sidérurgique Usinor s'installe à Grande-Synthe, près de Dunkerque, devenu Arcelor Mittal.

A partir des années 1990, l'ancien maire-député de la ville, Michel Delebarre, ajoute une volonté politique d'attirer les industries lourdes, ce qui explique la concentration exceptionnelle d'activités pétrochimiques et de sites Seveso sur le littoral nordiste aujourd'hui.

Le transport maritime de conteneurs, nouvel axe de déploiement

Face à l'essor du transport maritime de conteneurs, la stratégie du port de Dunkerque est aujourd'hui d'attirer des activités logistiques au cœur de Dunkerque. Le mouvement est amorcé depuis quelques années déjà, avec la création de zones d'activité dédiées à la logistique internationale (et notamment pour les températures dirigées, les matières dangereuses ou le dry) et aux grandes industries, avec une partie embranchée fer pour le chargement et le déchargements de trains de marchandises.

Même s'il ne communique pas sur le sujet en raison du débat public, l'objectif de Stéphane Raison, le directeur du port de Dunkerque, est, avec le projet "Cap 2020", d'augmenter les capacités de l'outil d'environ 5% à 10% pour accroître les gains de temps et d'argent pour les chargeurs et ainsi gagner des parts de marché sur ses concurrents belges.

Un grand débat public pour poser les questions essentielles

Aux abords immédiats, on trouve Arcelor Mittal, qui représente 15% du trafic des entrées du Port de Dunkerque. D'autres sites industriels sont utilisateurs du port comme l'usine pétrochimique Versalis (ex-Polimeri Europa) et l'usine de ciment Kerneos et l'unité de production de phosphate pour l'alimentation animale Ecophos à Mardyck, le site BASF Agri-Production à Gravelines. Parmi les grands clients exportateurs, on trouve la filière automobile régionale, à commencer par Toyota qui a une antenne à Onnaing près de Valenciennes mais aussi les vépécistes implantés dans la région comme La Redoute ou les 3 Suisses qui reçoivent un nombre significatif de marchandises.

Passent également par le port de Dunkerque une grande partie de l'industrie agroalimentaire de la région, concernant non seulement les matières premières agricoles mais également le sucre et les produits transformés (la grande région abritant notamment Tereos, commercialisant la marque de sucre Beghin-Say, Roquette, leader de l'amidon transformé, Lesaffre spécialiste des levures ou encore Bonduelle, le géant du légume).

En mobilisant près de 300 acteurs concernés de près ou de loin par la transformation du port de Dunkerque, le débat public va poser des questions essentielles pour l'avenir du port de Dunkerque. Objectif : passer au crible les tenants et les aboutissants de cette transformation majeure.

« Le transport maritime ne coûte pas cher aujourd'hui mais la question du prix, tout comme celui de l'évolution de la multimodalité, reste entière pour demain », résume le vice-président de la Commission nationale du débat public (CNDP) Jacques Archimbaud, ex-Europe Ecologie-Les Verts (EELV).

D'autres questions vont se poser lors du débat public, poursuit Jacques Archimbaud :

« Est-ce que le trafic de marchandises conteneurisées va se maintenir et atteindre les estimations d'aujourd'hui ? Cette croissance va-t-elle concerner Dunkerque ? Est-ce que la promesse de l'emploi sera tenue ? Faut-il vraiment tout miser sur le conteneur ?  Et si oui, quelles sont les conditions nécessaires à la réussite du projet ? »

C'est toute la question de l'avenir industriel du port qui est posée : comment durer sans être dépendant des crises.

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(*) EVP : pour "équivalent vingt pieds", ou, en anglais, TEU pour Twenty-foot Equivalent Unit. Cette mesure sert à désigner les conteneurs de 20 pieds (env. 6,20 m x 2,50 m x 2,50 m). Les conteneurs de 40 pieds sont enregistrés comme "2 EVP".

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