Grèves + Covid 19  : un cocktail amer pour le port du Havre

Par Nathalie Jourdan, à Rouen  |   |  525  mots
(Crédits : iStock)
Les mouvements de grèves de la fin et de début d'année avaient déjà brutalement affecté le trafic du premier port français. Malgré les efforts consentis par les autorités portuaires pour regagner la confiance des armateurs, la crise du coronavirus douche les espoirs d'une relance rapide.

« On tombe de Charybde en Scylla, c'est la double peine », soupire un logisticien havrais, la mine sombre. Jamais en effet le premier port français pour le trafic des conteneurs n'avait eu à affronter un tel coup de tabac. La communauté portuaire espérait pourtant avoir mangé son pain noir après les dizaines d'escales annulées en décembre et janvier pour cause de grèves. En février, Baptiste Maurand, directeur du port du Havre, débloquait six millions d'euros pour indemniser les armements impactés par quinze journées « Port mort ». Il parlait alors d'un « choc de relance ». Deux mois après, de relance il n'est plus question mais le choc est là.

Les arrivées au compte-goutte en provenance de Chine

Si, depuis la mise en place du confinement, l'activité s'est réorganisée sur les terminaux et dans les entrepôts, l'effet Covid plombe les résultats. Dans la filière reine des conteneurs, la plus concurrentielle, le trafic a dévissé de près d'un quart au premier trimestre. Les « boîtes » en provenance de Chine, qui représentent plus de la moitié des échanges en temps ordinaire, arrivent au compte-goutte. Et en dépit de la reprise de la production dans l'Empire du milieu, les prochains mois s'annoncent sombres, pronostique Catherine Rivoallon, la préfiguratrice chargée par Edouard Philippe de fusionner les grands ports de la vallée de Seine (Paris, Rouen, Le Havre). « Le printemps est traditionnellement une période haute mais, les chargeurs ont décalé leurs commandes. Je m'attends donc à une grosse diminution des volumes de conteneurs au moins en mai et juin d'autant que les niveaux de stocks restent hauts », prévoit-elle.

Le rebond par la fusion

Dans ce climat très incertain, nombreux sont les opérateurs portuaires qui voient dans le processus de rapprochement des trois ports un moyen de rebondir après la crise. Théoriquement prévu le 1er janvier 2021, le projet vise à les doter d'une et d'une seule direction et d'une stratégie commerciale unifiée avec pour ambition de regagner les parts de marchés perdues depuis les années 1990 au profit d'Anvers -par où transitent plus de 50 % des marchandises destinées au bassin de consommation francilien ( !). Il y a urgence. A l'heure de la reprise, les concurrents d'Europe du Nord n'attendront pas que leurs homologues français se remettent en mouvement pour consolider leurs positions. « A ce moment là, il nous faudra jouer collectif et positionner l'axe Seine comme un apporteur de solutions clés en main. Nos commerciaux devront être en capacité de travailler l'ingénierie logistique d'un bout à l'autre de la Seine », insiste Catherine Rivoallon.

Reste à voir si le rapprochement, ralenti par le coronavirus du propre aveu de la préfiguratrice, pourra être mené à son terme dans les temps. « Je souhaite que le calendrier soit maintenu mais la décision n'est pas de mon ressort », rappelle t-elle. Un message à Edouard Philippe qui n'en a plus dit mot depuis le lancement de sa campagne pour les municipales. Au Havre où l'activité du port est nourricière et occupe 30.000 salariés, on espère qu'il s'exprimera rapidement.