ITER a désormais son siège en attendant son réacteur

Par Adeline Descamps, à Marseille, Méridien Mag  |   |  1048  mots
Le réacteur thermonucléaire expérimental international sort lentement de terre. Il doit tester, à horizon 2050, la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire comme nouvelle source d'énergie. ©Garcia
Le siège d'ITER, le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international, a été inauguré ce jeudi 17 janvier à Saint-Paul-lez-Durance (Bouches-du-Rhône). L'outil incarne la plus grande coopération scientifique internationale dans le domaine de la recherche nucléaire.

Sur fond de polémique liée aux dépassements budgétaires, de contestation à propos de la pertinence scientifique du projet, ITER, le projet de réacteur thermonucléaire expérimental international, qui a accusé retard (il devrait être opérationnel en 2010) et surcoût, dispose désormais de ses bâtiments administratifs dessinés par l'architecte régional Rudy Ricciotti, auteur du célèbre MuCem à Marseille. Amorcés en septembre 2010, les travaux de construction (coût de 40 millions d'euros T.T.C) avaient été confiés au groupement d'entreprises Léon Grosse/Axima.
Le siège (20 500 m2 sur 6 niveaux), doté d'une capacité d'accueil de 500 personnes, vient donc d'être inauguré en présence d'Osamu Motojima, directeur de l'organisation internationale ITER, Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche, et Gunther Oettinger, commissaire européen à l'Energie mais sans la présence des autres partenaires alors que cet outil est censé incarner "la plus grande coopération scientifique internationale dans le nucléaire" en associant la Chine, l'UE, les États-Unis, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud et la Russie.

Comme maîtriser l'énergie du soleil

Pour mémoire, International Thermonuclear Experimental Reactor doit tester, à horizon 2050, la faisabilité scientifique et technique de la fusion nucléaire comme nouvelle source d'énergie (qui reviendrait à maîtriser l'énergie du soleil, schématise-t-on). Une énergie qui serait inépuisable et peu polluante.
"Nous bénéficions d'une quarantaine d'années d'expériences scientifiques menées simultanément à travers le monde sur la fusion, relève Geneviève Fioraso,. Il était urgent de mettre à profit l'expertise acquise. Ce projet est à la fois un défi sur le plan technologique, une opportunité sur le volet industriel, un levier pour l'économie et pour notre compétitivité, et une chance formidable pour les scientifiques du monde entier à travailler ensemble sur du long terme. Nous pouvons raisonnablement espérer des ruptures technologiques majeures".

Dérapages incontrôlés des coûts

C'est en 2003 que le centre de recherche et développement dans l'énergie nucléaire de Cadarache, à Saint-Paul-lez-Durance, a été préféré à Vandallos (Catalogne) pour être le site européen candidat à l'accueil du projet. Et c'est en 2005 qu'il l'a emporté au niveau mondial face à Rokkasho-Mura, au Japon.
Le coût du programme, réparti entre les 7 partenaires était initialement estimé à 12,8 milliards d'euros pour les 10 années de la phase de construction de la machine et à 5,3 milliards d'euros pour l'exploitation sur 20 ans. Pas encore sorti de terre, il est déjà de 14,6 milliards d'euros.
La facture pour l'Europe, qui est à ce jour la seule à participer directement au financement et à hauteur de son engagement initial de 45%, est passé de 2,7 à 6,6 milliards d'euros (dont 650 millions débloqués encore il y a quelques semaines pour assurer le financement jusqu'à fin 2013). Dans ce concert des nations, les autres membres contribuent à hauteur de 9% mais en fournissant des prestations en nature : éléments de la machine fabriqués sur son propre territoire. La France occupe toutefois une place particulière avec son implication à hauteur de 1,168 milliard, dont 467 millions assurés par 8 collectivités territoriales de la région Paca notamment pour les aménagements routiers et équipements régionaux comme la construction d'une école publique internationale à Manosque.
Naturellement, le triplement de la facture initiale suscite des grincements à Bruxelles. Pour sa part, la ministre de la recherche a aujourd'hui annoncé que "dès son arrivée au Ministère, elle avait fait passer la contribution annuelle de la France de 62 à 100 millions d'euros/an pour les trois années à venir".

"Projet scientifique non validé"

En tout cas, aux abords de l'enceinte, les élus régionaux Europe Ecologie/Les Verts/Partit Occitan étaient là pour rappeler leur opposition à un "programme de recherche non validé scientifiquement et qu'aucun scientifique reconnu dans le domaine de la physique nucléaire n'a souhaité soutenir". À l'instar des 3 prix Nobel de physique (Pierre-Gilles de Gennes, Georges Charpak, Masatoshi Koshiba).
Et dans une tribune parue dans Médiapart, Michèle Rivasi, députée européenne EELV, Jean-Pierre Petit, physicien et ancien directeur de recherche au CNRS, Christian Desplats, conseiller régional Paca, dénoncent "un fiasco scientifique et financier programmé". Une interpellation à laquelle la Ministre de la Recherche a répondu en rappelant que "la diversité des points de vue peut s'exprimer au sein de la majorité gouvernementale" mais, où la solidarité doit primer.

 

 

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Aux abords du siège, sont perceptibles d'ores et déjà les fondations du complexe tokamak, le réacteur de fusion de 360 000 tonnes et 70 m de haut qui sera posé sur une dalle d'1,50 m d'épaisseur d'un seul tenant et dont le marché (300 millions d'euros) a été confié à un groupement franco-espagnol composé de Vinci Constructions Grands Projets, Razel-Bec, Ferrovial Agroman, Dodin Campenon Bernard et GTM Sud. Entre 2014 et 2017, entre 3 et 4 000 devraient travailler sur le site pour la construction et l'assemblage. La phase d'exploitation devrait générer plus de 3 000 emplois.
Les premiers convois, qui doivent acheminer les composants fabriqués par les pays membres d'ITER depuis le port de Fos-Marseille jusqu'au site (environ 100 km), sont prévus en mars 2014. Mais des premiers tests auront lieu en mai prochain avec une simulation complète en décembre.
Pour ce faire, l'agence Iter France (en charge de la viabilisation du site de construction et de la coordination des convois) s'est inspirée de l'expérience d'Airbus (convoi des pièces destinées à l'A 380). 200 convois très exceptionnels emprunteront de nuit l'itinéraire aménagé qui traversera 16 communes. "Certains convois pèseront 900 tonnes et les convois les plus hauts mesureront 11 mètres pour 37 m de long avec un tirant d'air de 10,50 m", nous précise Jérôme Pamela, son directeur.

600 industriels français et étrangers attendus en mars

Le coût total des aménagements routiers est de 110 millions d'euros dont 72 sont pris en charge par le CG 13 et le reste par l'État. Les retombées économiques pour la région PACA étaient estimées à 600 millions d'euros fin 2010. 1 200 personnes travaillent par ailleurs aujourd'hui pour ITER Organization à Cadarache.
Les 21 et 22 mars, 600 industriels français et étrangers sont attendus au rendez-vous d'affaires organisé à Toulon dans le cadre d'ITER Business pour prendre connaissance des futurs appels d'offres. À ce jour, sur les 6 milliards d'euros engagés par l'Europe, seuls 30% ont été consommés.

A.D.