Start West : opération séduction des investisseurs

Que se passe-t-il lorsque vingt créateurs de start-up rencontrent des business angels, sur le mode du speed dating ? La Tribune s'est glissée à Start West, une manifestation qui met en relation jeunes pousses et investisseurs, qui vient de se dérouler à Nantes.
Les jeunes pousses présentes à la Cité des congrès de Nantes, pour la XIIe édition de Start West, présentaient des business plans bien ficelés. / DR Start West

Ils ont quinze minutes pour séduire. Quinze minutes au terme desquelles retentit un gong leur coupant la parole et les pressant de céder la place aux prétendants suivants. Les apparences sont trompeuses : il ne s'agit pas là d'un speed dating organisé dans un bar lounge à la mode. En fait de bar lounge, nous sommes à la Cité des congrès de Nantes (Loire-Atlantique) et les prétendants en question sont des patrons de start-up en quête de financement, qui se présentent devant un parterre de business angels et de fonds de capital-risque régionaux et nationaux, dans le cadre de la XIIe édition de Start West. Cette manifestation s'est déroulée le 4 avril dernier, à l'initiative de Nantes Atlantique Place Financière - l'association chargée de promouvoir la place financière du Grand Ouest -, de la Chambre de commerce et d'industrie­ de Nantes-Saint-Nazaire­ et de Retis, le réseau français de l'innovation.

Il faut dire que le Grand Ouest de la France, c'est un peu une Silicon Valley. High-tech, biotech, medtech... les jeunes entreprises innovantes pullulent en Bretagne et en Pays de la Loire, qui figurent dans le « top 10 » des régions françaises les plus créatrices d'entreprises, avec, respectivement, 22?100 et 25?546 jeunes pousses ayant vu le jour en 2010, selon l'Insee. Le hic, comme ailleurs dans l'Hexagone, c'est que certaines start-up sont déjà trop grosses pour attirer des business angels, mais pas encore assez importantes pour séduire les grands fonds de capital-investissement. C'est pour tenter de répondre à cette problématique de l'equity gap, c'est-à-dire pour des besoins de financements compris entre 300?000 et 1 million d'euros, que Start West existe. Ses onze premières éditions ont permis à 80 jeunes pousses de lever 210 millions d'euros, au total.

Une efficacité qui a poussé 23 start-up, pour beaucoup nantaises et rennaises, à se prêter à ce speed investing cette année. Ces entreprises présentaient des profils très différents, de la biotech spécialisée dans le traitement de maladies orphelines à la technologie du gazon prêt-à-pousser, en passant par une application pour smartphones destinée à organiser des sorties à Nantes.

Les jeunes pousses parlent le langage des financiers

Mais attention, rien de farfelu. Au contraire, des dossiers dans l'ensemble bien ficelés, présentés de façon très pro, avec des business plans pour les trois ou quatre prochaines années, des marchés chiffrés avec précision. Les patrons de ces jeunes pousses parlent le langage des financiers, chacun y allant de son « KE » (pour kilo euros), de son « DCF » (Discounted Cash Flow) ou se proposant d'« adresser » tel marché, de l'anglais to address (cibler). Ils ne cherchent pas leurs mots, ne se laissent pas désarçonner par les questions des investisseurs sur le brevetage de leurs technologies, leur originalité par rapport à la concurrence, etc. Ils sont même parfois à la limite de l'arrogance, on aurait envie d'un peu plus de spontanéité, d'enthousiasme mêlé de maladresse. De duos à la Mark Zuckerberg et à la Eduardo Saverin, ces deux copains de fac, qui, dans le film The Social Network, débarquent tout feu tout flamme dans le bureau d'un capital-risqueur afin de lui vanter les mérites de ce qui deviendra Facebook.

La plupart ont la quarantaine bien sonnée

Mais, sur les 23 fondateurs de start-up présents à Start West, deux seulement comptent moins de 30 printemps. Les autres ont la quarantaine bien sonnée et ont roulé leur bosse, l'un chez Total, un deuxième chez Universal Music, d'autres ont au compteur près de vingt années dans l'informatique. Pourquoi ont-ils tout lâché pour prendre le pari risqué de la création d'entreprise??

Pour certains, nécessité a fait loi : licenciés d'une grosse entreprise que la crise a contraint à dégraisser, ils se sont lancés dans l'auto-entreprenariat. Certains porteurs de projets n'en sont pas à leur coup d'essai. C'est le cas d'éric Berthaud, qui présentait sa dernière-née, Barowatt, un fabricant de capteurs destinés à aider les ménages à réduire leur consommation d'électricité. Il y a dix ans, c'est avec un autre « bébé », LEA, qu'éric Berthaud avait participé à Start West. LEA est devenu le numéro un mondial du filtre ADSL, si bien que son fondateur l'a cédée pour 51 millions d'euros au groupe français d'électronique grand public HF Company, en 2005. Alors, la musique de Start West, éric Berthaud connaît. « Les projets sont portés par des personnes plus mûres qu'il y a dix ans », constate Franck Grimaud, patron de Vivalis, une société de biotechnologie qui avait participé à Start West en 2001.

Cette maturité nouvelle des dirigeants de start-up n'est pas pour déplaire aux gens pressés que sont les investisseurs. « Aux débuts de Start West, les entrepreneurs racontaient leur vie, au lieu d'exposer avec concision leur activité, leurs prévisions de chiffre d'affaires et de rentabilité », s'amuse l'un deux. « Certains demandaient des financements minuscules, on se demandait pourquoi ils étaient venus », se souvient un autre. Une question que les investisseurs ne se sont pas posés, cette année, au regard des montants demandés. Au total, les 23 start-up ont sollicité 22,3 millions d'euros de financement, soit une moyenne de 970?000 euros, un record dans l'histoire de Start West. Il faut dire que « les projets sont plus aboutis qu'autrefois », explique Franck Grimaud. Au point que certaines start-up ont déjà réalisé une première levée de fonds, auprès d'un ou deux business angels. D'autres ont obtenu des subventions de la part d'Oséo, l'organisme public dédié au financement de l'innovation et de la croissance des PME.

« start west apporte de la notoriété »

Déjà quelque peu introduite dans les milieux financiers, cette nouvelle génération de start-up aura-t-elle trouvé un intérêt à participer à Start West?? Pour Guillaume Derouet, patron de Neosteo, spécialisée dans les produits d'ostéosynthèse pour la chirurgie du genou et qui avait fait partie de la « promotion » 2011 de Start West, cette manifestation « permet de se présenter à tout un parterre d'investisseurs, une opportunité qui ne survient pas tous les jours ». Cette rencontre avec des financiers a ainsi aidé Neosteo à lever 800?000 euros auprès de fonds régionaux comme Sodéro et Ouest Ventures. « Start West apporte de la notoriété », renchérit Franck Grimaud. Le patron de Vivalis sait de quoi il parle. En 2001, il présente sa biotech. Un an plus tard, « car une première levée de fonds est un processus assez long », Vivalis récolte 3 millions d'euros auprès de la Caisse des dépôts, de Pays de la Loire Développement et de Creagro. Deux ans plus tard, les mêmes investisseurs remettent au pot, à hauteur de 5,3 millions, puis, en 2007, c'est l'introduction à la Bourse de Paris, où Vivalis qui pèse aujourd'hui 136 millions d'euros. De quoi faire rêver HIP Concept. Ce fabricant girondin d'un dispositif médical destiné à prévenir la fracture de la seconde hanche chez les seniors a été primé par le jury de Start West 2012, dans la catégorie financement d'amorçage. Cette victoire, sa présidente, Cécile Vienney, doit d'autant mieux la savourer que, sur les 23 porteurs de projets, deux seulement étaient des femmes

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