Dassault Systèmes rachète une PME puis la ferme

Par Paul Turenne. Correspondant à Grenoble. Acteurs de l'économie  |   |  584  mots
suite logicielle Delmia permet la modélisation en 3D des chaînes de montage
Le site isérois de R&D de Dassault Systèmes est sur le point de fermer. Malgré la bonne santé financière du groupe, les salariés du laboratoire de Montbonnot font l'objet d'un plan de restructuration.

Désarçonnés, amers, sans illusions... Les 25 salariés de Dassault Systèmes de Montbonnot-Saint-Martin dans la banlieue de Grenoble, accusent le coup: la plupart recevront leurs lettres de licenciement d'ici la fin mai. «Au cours d'une réunion, dont l'intitulé était simplement "réorganisation stratégique", on nous a annoncé sans avertissement l'arrêt de nos produits commerciaux et le transfert de la R&D sur le site d'Aix-en-Provence», explique l'un d'eux, dépité. Dans la foulée, la direction mettait en place un plan de sauvegarde de l'emploi pour raisons économiques et proposait une mutation sur Aix-en-Provence.

Rachetée il y a 10 ans par Dassault

Pour Dassault Systèmes, cette réorganisation permettrait de regrouper sur Aix et Vélizy les sites de R&D dispersés sur tout le territoire du fait des rachats successifs. Et ainsi, de réaliser des économies d'échelles tout en développant des synergies. Bernard Charlez, Pdg du groupe, aurait d'ailleurs clairement affirmé au cours d'une réunion du comité d'entreprise que son but était de ne « pas diluer ses centres de développement ». Depuis, la vingtaine d'ingénieurs en développement informatique a du fournir des documentations techniques à des salariés d'Aix-en-Provence. Et l'activité du site est quasi nulle. Un choc pour cette équipe issue de la start-up Athys, majoritairement composée d'experts dans la PLM (gestion du cycle de vie des produits). Fondée en 2000, cette spin-off de l'INRIA (établissement public de recherche dédié au numérique) avait été rachetée à 80 % par Dassault Systèmes en 2003, puis à 100 % en 2005, avant d'être totalement intégrée au groupe en 2009.

Absence de légitimité économique de la fermeture

De fait, rien ne pouvait laisser présager une telle fin à ce laboratoire spécialisé dans la R&D pour la suite logicielle Delmia qui permet la modélisation et la simulation en 3D des process de fabrication comme les chaînes de montage dans l'automobile ou l'aéronautique. « En 2010, nous avons déménagé dans des locaux neufs relativement luxueux. Qui plus est, le groupe, leader mondial du marché PLM, a affiché un chiffre d'affaires de plus de 1,7 milliard d'euros, avec des bénéfices record et une marge opérationnelle de 24 %. » Autant de signes de pérennité de l'activité contradictoires avec le choix de la direction, selon Maître Janot, avocat des salariés. Initialement mandaté par le comité d'entreprise basé au siège social du groupe à Vélizy, en région parisienne, celui-ci entend également s'appuyer aux Prud'hommes sur le rapport d'expertise du cabinet Apex. « Les conclusions démontrent l'absence de légitimité économique, compte tenu de la santé financière de Dassault. D'autant que le site de Montbonnot est plus polyvalent que ne le laisse penser la direction. La justification d'une sauvegarde de la compétitivité ne peut donc pas être retenue » affirme t-il.

Seuls les commerciaux ont eu des propositions

Pour l'heure, seuls les commerciaux se sont vus proposer des postes en télétravail. Quant aux salariés à la R&D, si deux ont été reclassés en interne et trois ont acceptée la mutation, la majorité l'a refusé et sera donc licencié, faute de pouvoir faire jouer les clauses de mobilité individuelle. « Nombre de conjoints ont un travail dans l'informatique sur Grenoble qu'ils ne veulent pas quitter, car il sera plus difficile pour eux de retrouver un emploi sur Aix-en-Provence dans ce secteur. » Quant à la direction de Dassault Systèmes elle est muette.