Quand le cinéma rencontre la région Rhône-Alpes

La Région a mis en place un dispositif de soutien à la production envié en France et à l'étranger. Il fait la quasi-unanimité des professionnels et ses retombées économiques dépassent parfois quinze fois le montant de l'aide.
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Fin août sortait sur les écrans, Associés contre le crime, réalisé par Pascal Thomas, le troisième opus des aventures du couple de détectives formé par Catherine Frot et André Dussolier, un film tourné en Savoie et Haute-Savoie. Dans le même temps, se déroulait à Lussas, petit village ardéchois de moins de 1.000 habitants, la XXIIe édition des États généraux du documentaire, la manifestation la plus exi-geante et la plus conviviale consacrée à ce genre en France : cent cinquante ?uvres projetées, 18.000 entrées en une semaine.
Non loin de là, dans les studios de Folimage installés à Bourg-lès-Valence (Drôme), se fabrique un long-métrage d'animation, Phan-tom Boy, attendu pour 2015, sur lequel travailleront plus de 100 personnes. Ces films et cette manifestation ont au moins un point commun : avoir reçu le soutien de la Région Rhône-Alpes (et pour certains d'un conseil général).
« Au total, la Région investit 10 millions d'euros par an dans le cinéma et l'audiovisuel, que ce soit dans le développement des pôles d'excellence, l'aide à la production, la numérisation des salles d'art et essai, le soutien à une trentaine de festivals ou encore la médiation culturelle », précise Farida Boudaoud, vice-présidente à la culture et à la lutte contre la discrimination au Conseil régional.
L'aide à la production de longs-métrages est la plus ancienne. En vingt-deux ans, Rhône-Alpes Cinéma, régie par une SA dont la Région est actionnaire aux côtés de la Caisse d'Épargne des Alpes et CDC entreprises, a coproduit 220 longs-métrages dont quelques beaux succès publics comme Le Hussard sur le toit (2,7 millions de spectateurs, diffusion dans plus de 50 pays) ou Une hirondelle a fait le printemps (2,3 millions de spectateurs). « La Région apporte 2 millions d'euros par an, auxquels s'ajoute 1 million d'euros versés par le CNC. La totalité va à la production de films via des accords de coproduction », souligne Grégory Faes, directeur général de Rhône-Alpes Cinéma. Des coproductions qui sont une spécificité de Rhône-Alpes et qui permettent de récupérer des recettes. « Le taux de retour sur investissement via les recettes de coproduction est d'environ 60%, mais il peut atteindre 300% pour certains films », précise Grégory Faes. Le fonctionnement de la structure - 550.000 euros avec neuf permanents - est financé par une partie de ces recettes (le reste va à l'investissement) et d'autres produits comme la location de studios de tournage. Sur environ 80 projets présentés chaque année, la commission d'experts, constituée exclusivement de professionnels nommés pour deux ans, en sélectionne entre 10 et 15 (12 en 2011). Ce dispositif, envié par beaucoup en France et à l'étranger, fait la quasi-unanimité des professionnels, auteurs, réalisateurs, producteurs...

Un nouveau Fonds de 150.000 euros créé en 2011

À côté de Rhône-Alpes Cinéma pour le long-métrage, la Région aide directement la production, mais aussi l'écriture et le développement de courts-métrages, de fictions TV et de documentaires. Depuis 2011, un nouveau fonds doté de 150.000 euros a aussi été créé, dédié aux nouveaux médias (Web documentaire, Web séries). « Avec 2 millions d'euros par an alloués à des projets, nous avons le deuxième fonds d'aide après celui de l'Île-de-France », explique Catherine Puthod, chargée de mission cinéma et audiovisuel au Conseil régional. En 2011, le fonds a reçu 365 dossiers et en a aidé 55. « Cette aide est capitale, assure Gilbert Hus, producteur de séries TV à Grenoble. Elle représente environ 10?% du budget et ce sont ces 10% qui sont souvent les plus difficiles à trouver et qui assurent la marge du producteur. » Il estime cependant que le dispositif est victime de son succès. Plus le nombre de projets proposés est important, plus la sélection est sévère et le montant des aides unitaires risque d'être revu à la baisse.
Si la qualité artistique des projets reste le premier critère pour les comités de sélection, tant à la Région qu'à Rhône-Alpes Cinéma, les retombées économiques attendues des tournages figurent aussi en bonne place dans la décision.
Ce sont ces espèces sonnantes et trébuchantes, en l'occurrence, les notes d'hôtels, les salaires des techniciens ou comédiens et les factures des multiples prestataires mobilisés sur un tournage qui justifient l'investissement de la Région.

420.000 euros d'aide pour les fictions TV

Dans leur dossier, les postulants doivent mentionner clairement le nombre de journées de tournage prévues dans les huit départements de Rhône-Alpes et, si possible, le nombre de comédiens et techniciens locaux qui seront recrutés. Des dépenses contrôlées avec précision au moment où sont versées les aides aux auteurs ou aux producteurs. « La Région applique la règle des 200%, c'est-à-dire que 100 euros d'aide doivent générer 200 euros de dépenses sur le territoire », explique Jean-Marie Barbe, d'Ardèche Images Production, qui juge ce critère trop contraignant pour des producteurs de documentaires dont les sujets, et donc les tournages, sont souvent éloignés du territoire. En 2011, la Région a recensé 565 jours de tournage sur son territoire, en légère baisse par rapport à 2010, à l'instar de la tendance nationale.
Pour sa part, le directeur général de Rhône-Alpes Cinéma, Grégory Faes, estime que pour 1 euro investi dans le long-métrage, entre 1,5 et 3 euros reviennent en moyenne sur le territoire. Toutes catégories confondues, Farida Boudaoud estime les retombées entre 1 et 8 fois le montant investi. Mais certains tournages peuvent s'avérer beaucoup plus lucratifs. Ainsi, en 2011, les aides de la Région dans la catégorie des fictions TV ont viré au jackpot : pour 420?000 euros d'aide, les retombées ont atteint 7 millions d'euros, soit plus de 15 fois le mon-tant de la subvention. Et en 2012, le tournage en décors naturels en Haute-Savoie de la série phare de Canal + Les Revenants réalisée par Fabrice Gobert, huit épisodes de 52 minutes, devrait également générer d'excellentes retombées sur le territoire. Plus de 3 millions d'euros ont été versés uniquement pour les salaires de techniciens, comédiens et figurants régionaux.
« Les retombées économiques, ce sont aussi des emplois et des savoir-faire que l'on maintient ou que l'on crée sur le territoire », insiste Grégory Faes. En outre, rappelle le responsable de Rhône-Alpes Cinéma, plus de soixante entreprises et deux écoles sont aujourd'hui installées sur le pôle Pixel à Villeurbanne. De même, en accordant son aide à la plupart des films produit par Folimage, la Région participe au maintien à Bourg-lès-Valence d'un des plus importants studios d'animation en France. « Cette aide est essentielle, reconnaît Emmanuel Bernard, directeur du studio. 80% de nos courts-métrages et 100% des longs-métrages ont été produits avec l'aide de la Région. » Pour fabriquer ses films, à Valence, Folimage emploie 50 équivalents temps plein à l'année et entre 100 et 140 intermittents, selon les projets. À Lussas, en Ardèche, la Région (avec une subvention annuelle globale de 900.000 euros), le département, l'État, ont accompagné la création d'une dizaine de structures (25 emplois directs équivalents temps plein) qui se sont greffées sur les États généraux du documentaire et Ardèche Images, l'association à l'origine de la manifestation. Et de nombreux projets sont à l'étude, qui devraient déboucher sur la création d'un « village documentaire ».Si la Région subventionne, elle s'interdit toute intervention sur le contenu des ?uvres au nom de la liberté artistique et se contente d'engranger les bénéfices d'image lorsqu'un film assure la promotion touristique du territoire. « Nous ne sommes pas une agence touristique », rappelle Grégory Faes.
Mais les relations entre Rhône-Alpes Cinéma et la Région ne font pas l'unanimité. En 2011, à l'occasion du renouvellement de la convention liant les deux organismes, le groupe Europe Écologie-Les Verts, partenaire du PS à l'assemblée régionale, avait réclamé « plus de démocratie dans le fonctionnement des relations entre la Région et cette société privée » et avait déposé un amendement prévoyant que le choix de chaque film, sur proposition du comité d'experts, soit voté en commission permanente, après débat, et non plus seulement décidé in fine par le seul président de cette commission ou son représentant... Les écologistes s'appuyaient sur un arrêt rendu par la cour d'appel de Lyon qui estimait qu'en accordant une aide globale à Rhône-Alpes Cinéma et en lui laissant ensuite l'entière responsabilité de la répartition des aides et du choix des films à coproduire, la Région se dessaisissait de ses compétences. Finalement, après un vif débat, l'amendement des Verts a été retiré face à l'hostilité du président du Conseil régional, Jean-Jack Queyranne, qui a refusé catégoriquement l'idée d'une immixtion des élus dans les choix artistiques de Rhône-Alpes Cinéma. Un débat prêt à ressurgir...

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