« L'ETI... Un écosystème unique en France »

Par Propos recueillis par Denis Lafay  |   |  553  mots
Frédéric Maurel, directeur Rhône-Alpes - Auvergne de Mazars
Mazars est une ETI dont l'essentiel de l'activité - audit, conseil, expertise comptable - porte précisément sur les ETI. Lesquelles, dans la région, peuvent tirer profit d'un environnement attractif, estime Frédéric Maurel. À condition d'être inventives et audacieuses.

LA TRIBUNE - Quelles sont les particularités des ETI en Rhône-Alpes ?

FREDERIC MAUREL - Les spécificités de leur typologie sont à l'image du tissu local : extrêmement variées. La plupart des ETI sont aux mains de dirigeants actionnaires majoritaires, ce qui façonne une activité fortement centrée sur le territoire et assure une grande réactivité décisionnelle.

La part des industries est singulièrement élevée, mais celle des secteurs services, nouvelles technologies, systèmes d'information se développe de manière significative. L'atomisation du tissu est considérable ; ainsi, en 2012, seules 15 entreprises produisaient plus de 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires et celle qui figurait au 40e rang affichait un CA de « seulement » 455 millions.

LT - La région dispose-t-elle d'un écosystème différenciant ?

FM - La fertilité du territoire résulte d'une conjonction de facteurs : un terreau scientifique et des établissements d'enseignement supérieur et de recherche réputés, qui depuis longtemps collaborent étroitement avec le réseau des ETI et des PME en forte croissance ; un grand pouvoir d'attractivité, en partie lié à un coût de la vie pour les salariés et à un coût de salaire pour les employeurs plus faibles qu'à Paris ; des infrastructures, notamment en matière de transport, de haut niveau et qui assurent une ouverture à l'international significative.

Pour ces raisons, Grenoble par exemple voit émerger de nouveaux grands acteurs qui tirent profit du rayonnement local du CEA [Commissariat à l'énergie atomique] ou de grandes enseignes comme ST Microelectronics, Schneider Electric, etc. Quant aux écueils, ils ne sont pas propres à la région : les coûts, pénalisants, du travail et de la fiscalité sont les mêmes ailleurs !

LT - Rhône-Alpes voit-elle naître des initiatives particulières pour dynamiser l'activité des ETI ?

FM - L'un des principaux enjeux pour ces ETI est la capacité d'innovation et le renouvellement des ressorts d'innovation. La plupart d'entre elles peuvent être, en la matière, très structurées, voire formatées. Souvent elles sont à la recherche de souplesse, de liberté de création, de réactivité.

Et c'est pourquoi progressent de manière singulière dans la région d'étroites coopérations avec les start-up qui, elles, possèdent ces facultés d'audace. SEB Alliance en est une belle illustration : via ce levier d'investissement, le leader mondial du petit électroménager prend des participations dans des start-up et participe au financement de leur innovation, complémentaire de celle qu'il développe en propre.

LT - Les ETI insuffisamment actives à l'international sont-elles condamnées ?

FM - Deux points d'alerte sont à ressortir : d'abord la délocalisation croissante des dirigeants d'ETI, qui n'hésitent plus à réorganiser leur groupe afin de pouvoir les piloter de Suisse, du Luxembourg ou de Belgique. Et aussi, effectivement, pour certaines d'entre elles, la difficulté à mettre en œuvre une stratégie offensive à l'international.

Stratégie non seulement de distribution, mais surtout de repositionnement des priorités - dépaysement des services standards et de la fabrication, relocalisation des activités, comme l'innovation, à haute valeur ajoutée - et d'investissements pour faire de la croissance externe, créer des filiales et organiser une véritable politique hors du marché domestique. Celles qui n'ont pas opéré de virage en ce sens se mettent en grande difficulté.