Smart City : comment le numérique peut "réhumaniser" la ville

Par Jean-François Rouge  |   |  501  mots
Rendre nos villes plus humaines malgré - ou plutôt grâce ! – au numérique, c’est l’« ardente obligation » que nous proposent les sociologues Edgar Morin et Saskia Sassen.

« Bien sûr, on peut craindre, comme certains, une incompatibilité entre la « ville humaine » et la « ville digitale », reconnaît l'historien Milad Doueihi, au moment où le forum Smart City du Grand Paris touche à sa conclusion. Mais j'y vois pour ma part une tension, pas une contradiction. Refusons la logique d'affrontement binaire, les faux prophètes du « choc des civilisations », les tenants d'un transhumanisme où l'ordinateur prendrait le pouvoir contre l'homme. La meilleure façon de résister, c'est, toujours, de revenir au local, à la proximité, à la solidarité. Et d'accepter les remises en cause, du moment qu'elles sont stimulantes : les « geeks », ces accros aux hautes technologies que nous percevions comme des barbares il y a vingt ans, ne sont-ils pas en quelque sorte en train de nous reciviliser en nous montrant les apports du numérique à la solidarité ? »

Résister aux forces multinationales

« Penser, c'est résister », attaque Max Armanet, directeur du forum Smart City en ouvrant la table ronde de clôture en présence d'Edgar Morin et de Saskia Sassen. La sociologue de l'Université de Columbia, à New York, estime que la résistance aux forces obscurantistes comme à la puissance envahissante des multinationales réside dans la multiplication des initiatives de proximité, appuyées et relayées dans le monde entier par la force du numérique et des communautés. Elle donne en exemple la mise en commun (« open sourcing ») des données numériques entre citoyens, qui leur donne la possibilité de mieux maîtriser leur environnement urbain et d'échanger leurs solutions à nombre de problèmes. Ainsi, à New York, le service d'« emergency Nanny » (nurse de secours) permet aux travailleurs pauvres d'échanger des services - et surtout de la fraternité et du contact - qu'ils n'auraient sans doute pas les moyens ou l'audace de s'offrir via le système marchand.

"Saluer son voisin, c'est le reconnaître comme son égal"

Impliquer les citoyens, veiller à la gouvernance, c'est aussi le message d'Edgar Morin (94 ans et un dynamisme de créateur de startup !). Le sociologue recommande de prendre en compte, dans toutes nos études, dans tous nos projets urbains, la « complexité de la ville » et, surtout, de laisser remonter le désir issu du terrain, des citoyens de base. Il nous donne une recette toute simple qui peut changer bien des choses : « Saluer son voisin, dire bonjour aux inconnus. Saluer quelqu'un, ce n'est pas seulement se montrer poli, c'est lui dire qu'on le reconnaît comme un égal, comme une personne, comme un être humain. »

Des projets "massivement citoyens"

La réhumanisation de nos « villes digitales » passe donc aussi par de petits gestes individuels. C'est ce que souligne en conclusion Jean-Louis Missika, adjoint à la maire de Paris, en charge de l'urbanisme : « Nous devons apprendre à gérer la ville avec ses citoyens, même si ce détour semble ralentir - un peu - l'avancement des projets. Les jeunes accros aux jeux vidéo parlent de jeux « massivement multi-joueurs ». A nous de penser une ville aux projets « massivement citoyens ».