Vers un transport maritime hybride

De quoi DEMAIN sera-t-il fait ? Bpifrance mène une réflexion sur les sujets qui révolutionneront notre quotidien dans les années à venir, du point de vue de nos transports, notre alimentation, notre santé, notre façon de commercer et de travailler, grâce à l'innovation. Pour cela, Bpifrance anime une démarche collective en mode projet, pilotée par les collaborateurs de la banque publique et associant les acteurs des écosystèmes concernés. L'un des sujets stratégiques récemment traités a été la décarbonation du transport maritime. Le secteur ne contribue certes qu'à environ 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, mais l'Organisation maritime internationale s'est engagée à en réduire le volume annuel de moitié d'ici 2050. Pour ce faire, les professionnels réfléchissent à diverses possibilités et des entreprises comme AYRO apportent des solutions innovantes.
(Crédits : Ayro)

Revenir à la marine à voile, comme aux siècles derniers ? Face aux exigences de compétitivité et de délais de livraison, cette solution n'est pas franchement envisageable... Mais pourquoi ne pas combiner moteurs, fonctionnant de préférence avec des carburants propres, et force du vent ? Après tout, le vent est une énergie abondante, inépuisable, gratuite et non-polluante ! C'est sur ce principe que s'appuie AYRO, une PME industrielle de 38 salariés, créée en 2018 à Paris, dotée d'un chantier à Caen et soutenue par Bpifrance.

« Notre concept date de 2010, lorsque le trimaran USA 17 de l'équipe BMW Oracle Racing, équipé d'une aile rigide de 72 mètres, imaginée sur le modèle des ailes d'un avion par Marc Van Peteghem, cofondateur du cabinet VPLP, a remporté la Coupe de l'America. Marc a pensé que cette innovation pouvait être déployée pour participer à la décarbonation du transport maritime », relate Romain Grandsart, directeur business development d'AYRO. Après une douzaine d'années de R&D, le concept Oceanwings® a vu le jour. L'aile, rigide, composée de deux éléments pour optimiser l'écoulement de l'air et améliorer sa performance, est en matériau composite, léger et résistant. Des algorithmes permettent d'automatiser son réglage.

Si AYRO a, pour commencer, équipé un catamaran de 33 mètres, Energy Observer, transformé en laboratoire de la transition écologique, quatre ailes, plus grandes, permettront dans les mois prochains de propulser Canopée, navire hybride de 121 mètres qui transportera les composants de la fusée Ariane 6 jusqu'à Kourou. « Notre système lui permettra d'économiser entre 20 et 35% de carburant », complète Romain Grandsart. Car qu'il s'agisse de produits fossiles classiques, de plus en plus chers, ou de carburants alternatifs, tel l'hydrogène vert, dont le prix de revient sera significativement plus élevé, faire des économies est une nécessité pour les armateurs comme pour la lutte contre le dérèglement climatique.

Equiper des flottes

AYRO espère donc, demain, équiper les flottes de commerce maritime de son innovation. « Nous pourrions sans difficulté mettre des ailes sur les ponts des pétroliers et des méthaniers, notamment, souligne ainsi Romain Grandsart. Et nous développons aussi des systèmes de déplacement en option qui permettront de déployer les ailes sur les porte-conteneurs ou les vraquiers, puisque leurs ponts sont utilisés. »

Réglementation

La marine marchande, en tout cas, est de plus en plus consciente des enjeux climatiques. Si elle n'est responsable que de 3% du total mondial des émissions de gaz à effet de serre, les rejets ont augmenté ces derniers mois, sous l'effet de la reprise post-Covid. Et l'Organisation maritime internationale s'est engagée dès 2018 à en réduire le volume annuel de moitié d'ici 2050 par rapport au niveau de 2008. De même, le paquet climat de l'Union européenne, « Fit for 55 », comprend des mesures de réduction des émissions pour le transport maritime, ainsi que son inclusion dans les mois qui viennent au système d'échanges de quotas d'émission de CO2.

Entre la prise de conscience, la pression réglementaire et celle des consommateurs, le secteur envisage une série de solutions, « certaines accessibles dès aujourd'hui, comme la réduction de la vitesse, qui permet d'économiser le carburant, ou demain, telle la rénovation - moteurs, hélices et coque - des bateaux existants, qui en ferait aussi économiser de 10 à 15%, de même que l'optimisation des routes maritimes par l'intelligence artificielle », relève Francis Estellat, directeur adjoint d'investissement pour Bpifrance. Et demain, de nouveaux carburants, tels que le GNL, déjà utilisé, des biocarburants ou de l'hydrogène pourraient venir remplacer le diesel. « Enfin, à plus long terme, on peut également envisager de fabriquer des e.carburants, par le biais d'une captation de CO2 à laquelle on adjoindrait de l'hydrogène », avance-t-il. Certaines de ces technologies ne sont toutefois pas encore prêtes à être déployées à grande échelle. La France, cependant, développe déjà une filière hydrogène. En outre, « elle dispose d'un savoir-faire, lui venant de sociétés telles qu'AYRO, et de ses navigateurs, qui excellent dans les courses de voile », conclut le spécialiste de Bpifrance.

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