Biométhanisation : Quand les bretons montrent l'exemple

Par La Tribune avec Seat - Aude Bernard-Treille  |   |  973  mots
(Crédits : DR)
À Locminé (Morbihan, Bretagne), Liger produit des énergies 100% vertes à partir d'un double gisement renouvelable de proximité. Parmi elles, le biométhane la flotte de l’entreprise équipée de SEAT Leon TGI. Rencontre avec Marc Le Mercier, Directeur Général de Liger qui présente un modèle vertueux, rassurant pour l’avenir.

C'est une belle histoire, celle d'un territoire qui devient source d'énergie durable. Dans un village de moins de 5000 habitants, un site pionnier en Europe a réussi à répondre aux besoins en énergie de milliers d'habitants tout en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Un modèle à suivre qui apporte une vraie réponse au besoin d'indépendance énergétique et qui valorise une économie d'importation de pétrole brut de plus de 5 millions d'euros par an pour la France. Il n'a pas fallu chercher bien loin. Ici, pas de gaz importé, seul du bois et des déchets organiques locaux, deux énergies de biomasse issues des différentes activités environnantes de Locminé servent à produire localement des énergies essentielles pour son territoire : électricité, chaleur, biocarburant et bio fertilisant. Lorsqu'ils se sont lancés dans l'aventure pour créer un centre d'énergies renouvelables, la demande auprès de Liger était « de l'électricité avant tout ». Mais, quand les Bretons ont une idée en tête, c'est pour la bonne cause. Tout de suite, Marc Le Mercier et ses associés ont pensé que la valorisation de la biomasse servirait d'abord à produire du carburant pour la mobilité. « Alors que tout le monde, à l'époque, pensait « électricité », énergie que nous avons produite bien sûr, nous avons développé une alternative encore plus propre répondant à de plus grands besoins futurs. Il suffit de regarder ce qui est proposé pour le transport des grosses charges : Il n'y a pas de véhicules électriques ! ».

En quoi Liger est structurant pour l'économie locale ?

Notre centre territorial se base sur un principe d'économie circulaire. Chaque  année, nous valorisons 60 000 tonnes de matières organiques pour produire  différentes énergies vertes : biocarburant, électricité, chaleur, biofertilisant, biocombustible, et injection biométhane. Nous fournissons les collectivités locales, les industriels fournisseurs  de matières premières, les clients du réseau de chaleur que nous produisons, et quelques entreprises locales qui s'associent au projet pour le développement des énergies renouvelables. En réinjectant l'énergie produite sur le territoire pour répondre aux besoins de ses entreprises et de ses habitants, nous avons créé un véritable écosystème où tous les acteurs sont interdépendants. Les déchets des agro-industries, des agriculteurs, de la collectivité, du territoire servent à produire l'énergie qui, à terme, leur revient comme énergie nécessaire à leurs process et besoins  en chauffage. Enfin, les déchets servent à produire le carburant bioGNV des camions qui les transportent. Le sous-produit résiduel appelé digestat, est aussi lui-même valorisé comme fertilisant et se substitue aux engrais chimiques. Ce carburant alimente notre flotte de véhicules qui compte des SEAT Leon, par exemple. Il permet aussi de répondre aux besoins du transport des biens et des personnes pour les collectivités (bus, balayeuses, bennes, véhicules de services...) ainsi qu'aux flottes privées et désormais aux véhicules de particuliers. La production du site de Liger en Bretagne, couvre le besoin en électricité de 20 000 habitants, la production de biogaz alimente les besoins en chaleur de collèges, lycées, collectivités et nous contribuons à diminuer l'empreinte carbone du groupe Daucy (alimentaire).

Allez-vous développer ce principe vertueux à d'autres régions ?

Il est important de déployer l'accès au bioGNV avec la création de stations proches de centres comme le nôtre en Bretagne. Le coût des émissions de CO2 pour un véhicule électrique s'élève à plus de 300 euros la tonne de CO2 quand celui qui carbure au biométhane a un coût quasi nul. L'indépendance énergétique passe donc par la décentralisation de l'énergie. Cela permet une production plus proche de son utilisation. La première énergie qu'on doit produire est celle qu'on ne gaspille pas. Dans des centrales nucléaires ou des centrales thermiques qui produisent de l'électricité, il y a des rendements énergétiques assez mauvais, dus aux pertes importantes entre le point de production et le point de recharge. Aujourd'hui, un centre de production se crée chaque semaine en France. Avec 400 000 euros au départ, nous avons réalisé un investissement de 16 millions d'euros. Réussir le changement vers la biométhanisation n'est donc pas une question de moyen, mais de volonté. Saluons aussi la remise en cause de certains constructeurs comme le groupe Volkswagen qui sont de véritables acteurs de cette transformation.

Quelle est votre perspective à court terme ?

L'offre bioGNV a d'abord été proposée aux professionnels (routiers, transports
urbains) et depuis que les particuliers peuvent en bénéficier, le développement de la demande est incroyable. Si l'électrique a su conquérir les citadins, en milieu rural, les
particuliers lui préfèrent le gaz à cause de leur besoin en autonomie principalement. Le développement des stations est croissant avec la création d'une à deux stations de bioGNV par semaine. Nous créons des stations Karrgreen en travaillant avec des producteurs de bioGNV locaux. De notre côté chez Liger, nous lançons le « cleancoin », une crypto-monnaie qui permet au consommateur de connaître le prix exact de la production de bioGNV et sa provenance. 1 kilo de biométhane, c'est 3,166 kilos
de CO2 évités. A chaque kilo de biométhane tracé acheté, des « cleancoins » seront crédités sur le compte du consommateur. De façon très transparente, le consommateur gardera 65% de ses cleancoins sur son compte, le reste sera donné au producteur et au distributeur de biogaz. Une façon de financer le système de façon participative et créer ainsi plus de centre de production et de stations. Plus on utilisera du biométhane, plus on réduira les émissions de CO2 et plus cela apportera de la valeur à un système louable. Dont acte !