Femmes et numérique : l’éducation, clé de la mixité

Par La Tribune Partenaire - avec Le Réveil Digital d'ENGIE  |   |  805  mots
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Alors que la crise sanitaire accélère la digitalisation de l’économie, les femmes restent minoritaires dans les métiers du numérique. Un phénomène qui risque de freiner tant la performance économique que l’équilibre de nos sociétés. Alors quelles solutions pour favoriser l’éclosion de talents féminins dans la tech ? Réponses croisées de Sophie Viger, directrice générale de 42, Lucile Hofman, directrice de la connectivité chez ENGIE et Karrima Drissi, directrice des systèmes d’information de GRDF, intervenues lors du Réveil digital d’ENGIE diffusé le 18 juin sur latribune.fr.

Les chiffres sont sans appel : les femmes n'occupent que 27 % des postes dans le digital en France, d'après le Syntec numérique. Nombre d'entre elles, en outre, exercent des fonctions dites de support, telles les RH, l'administration, le marketing ou la communication... « Quand on s'intéresse au domaine technique, que ce soit la R&D ou le développement, la part des femmes tombe à 10 %. D'ailleurs, il n'y a qu'entre 5 et 10 % de femmes dans les formations orientées très tech comme celles des ingénieurs informatiques », déplore Sophie Viger, directrice générale de 42, école tricolore emblématique du numérique.

Le poids des stéréotypes

À l'heure où la transformation digitale avance à grands pas, trop peu de femmes s'orientent en effet vers des métiers informatiques. Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi, comme le montrent les travaux d'Isabelle Collet, chercheuse à l'Université de Genève, spécialisée dans les questions de genre et d'éducation. Dans les années 80, encore, les filles étaient bien plus nombreuses sur les bancs des écoles d'informatique - près d'un quart des effectifs -, avant de commencer à les déserter. En cause, entre autres, l'image du « geek » - celle d'un homme, très versé dans la technique - qui s'est progressivement installée dans les esprits. Autre facteur, « il y a eu une prise de conscience dans les années 80 de l'importance de l'informatique », décrypte Sophie Viger. « Le domaine s'est masculinisé ». Sans oublier « l'avènement, à cette époque, de l'ordinateur individuel, vu comme un gadget scientifique et souvent offert par les familles à des garçons ». Autant de raisons qui ont mené à la faible part actuelle des femmes dans la tech...

Réseaux de femmes, quotas... quand l'entreprise se mobilise

Pour contrebalancer cette tendance, des initiatives se multiplient. « Chez ENGIE, nous avons plusieurs leviers pour mettre les femmes au cœur des sujets. Il y a notamment un réseau de femmes qui leur permet de se rencontrer, de parler de leurs difficultés ainsi que de leur évolution », témoigne Lucile Hofman, directrice de la connectivité chez ENGIE. Autre instrument pour favoriser la mixité, « les quotas, qui sont aujourd'hui établis dans les grandes entreprises pour les conseils d'administration et les postes à responsabilité, aident à avancer », ajoute cette économiste de la tech. Elle se demande toutefois pourquoi se satisfaire de « 30 % dans certaines instances alors qu'il y a plus de 50 % de femmes sur la planète ».

« Il y a seulement 28 % de femmes ingénieurs diplômées tous les ans. Alors quand il y a 30 % de femmes, comme c'est le cas au sein de la DSI de GRDF, ce n'est pas trop mal. Il est difficile d'avoir 50 % de femmes quand il y a si peu de diplômées », relativise Karrima Drissi, directrice des systèmes d'information chez GRDF. « Il faut prendre le sujet à la source du problème et donner envie aux femmes de faire des études scientifiques », insiste-t-elle. D'autant que le marché de l'emploi dans le domaine de l'IT est particulièrement tendu... « Les quotas ne sont qu'une boucle de rattrapage », estime cette passionnée de l'informatique. « Il faut traiter le sujet de fond, qui est éducatif et sociétal ». De même, « nous avons un rôle en tant qu'entreprise d'aller dans les écoles et les universités pour expliquer que l'informatique est aussi un métier de femmes ».

Une approche non genrée dès le plus jeune âge

Côté écoles, 42 ne ménage pas ses efforts pour susciter des vocations féminines dans la tech. Et cela marche. « En 2013, il y avait 7 % de femmes à 42. En 2018, elles étaient 14,9 %. Cette année, nous avons 30 % de femmes », affirme Sophie Viger. Les actions déployées pour les attirer ? Une politique zéro sexisme, la mise en avant de rôles modèles, l'explication du métier à des collégiennes et des lycéennes... Surtout, « il faut, dès le plus jeune âge, modifier l'image et montrer ce que représentent ces métiers et pourquoi ils sont ouverts aux femmes », précise celle qui a pris les rênes de l'école il y a deux ans. Son établissement mène ainsi, en partenariat avec l'Éducation nationale, une expérimentation d'apprentissage du code pour les CM1 et CM2, « avec une approche pédagogique transversale et non genrée ».

« Toute l'éducation est à revoir : oui, on peut jouer au légos ou au camion quand on est une petite fille », souligne aussi Lucile Hofman. Si l'évolution de la société est lente, « cela avance », estime-t-elle. « Beaucoup de choses doivent encore évoluer. Mais rien n'est impossible ! », conclut, optimiste, Karrima Drissi. « Nous occupons des postes de responsabilité et nous avons une vraie légitimité », rappelle-t-elle. La preuve par l'exemple...

[Re]Voir l'émission Connect Live du 18 juin en partenariat avec Le Réveil Digital d'ENGIE