« La gratuité est souvent le choix de la facilité et du court terme »

Par Pulse by Keolis  |   |  403  mots
Yves CROZET,économiste, professeur émérite à l’université de Lyon (Sciences Po), Laboratoire Aménagement Economie Transports (LAET) et chercheur associé au sein du CERRE (Centre on Regulation in Europe – Bruxelles. (Crédits : Cecilia Garroni Parisi)
Derrière des initiatives présentées comme citoyennes ou écologiques se cachent parfois des motivations plus troubles, voire de possibles catastrophes économiques. Dernier exemple en date, cinq villes allemandes se posent en porte-étendard de la lutte contre la pollution, en voulant instaurer la gratuité de leurs transports collectifs. Un projet qui cache en réalité une manœuvre destinée à éviter une amende de la Commission européenne, qui souhaite sanctionner la pollution causée par l’usage des véhicules diesel dans ces villes.

Face à la tentation de la gratuité, Yves Crozet réagit avec conviction et dénonce un phénomène trop souvent porté par des ambitions électorales. Selon lui, si la gratuité n'est pas assortie d'une politique contraignante vis-à-vis de la voiture particulière, elle n'a aucun impact.

On entend parler de gratuité des transports. Est-ce un projet réaliste ?

Y.C. : En France, 36 villes ont décidé de proposer la gratuité de tout ou partie de leurs transports en commun. Parmi elles, citons Niort qui est, après Aubagne, la seconde agglomération de plus de 100 000 habitants à pratiquer la gratuité totale. Les autres villes concernées sont de taille plus modeste : Compiègne, Gap, Rambouillet, avec une population de moins de 50 000 personnes. Dans ces villes de petite taille, la gratuité résulte de considérations pratiques et économiques. Les utilisateurs des transports en commun sont peu nombreux, le prix du ticket est faible. Les recettes commerciales couvrent une part très réduite du coût des transports, financés par les impôts et les entreprises. Dans ce cas, offrir un service gratuit est parfois plus simple et moins onéreux que de gérer un système de billetterie et de contrôle. Mais on ne retrouve, dans les transports en commun, que les usagers captifs. L'automobile reste le mode de transport motorisé archidominant.

Le problème se pose lorsque l'on cherche à appliquer l'idée de gratuité dans les grandes agglomérations. Elle est alors présentée comme une solution à tous les problèmes de mobilité urbaine (pollution, congestion, droit à la mobilité...), alors qu'elle n'aurait de sens que comme une composante d'une politique plus globale visant à réduire l'usage de la voiture particulière par un péage, une tarification dissuasive du stationnement, une réglementation contraignante pour les véhicules polluants, etc. Sans cet arsenal, la gratuité est une mesure démagogique car elle ne parle ni des contraintes qui doivent l'accompagner, ni de son coût.

Pour vous, la gratuité des transports a donc nécessairement un coût ?

Y.C. : La gratuité, présentée comme « la solution », est le choix de la facilité et du court terme. En effet, dans les grandes villes, comment financer l'exploitation et l'entretien quotidien d'un réseau de transport sans recettes ? Dans des villes petites, voire moyennes, les réseaux sont de taille modeste et reposent souvent...

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