Google brouille les cartes des fabricants de smartphones

Par Laurent Pericone  |   |  544  mots
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Après le rachat des mobiles de Motorola, l'américain passe du rang de partenaire à celui de concurrent pour de nombreux fabricants de smartphones asiatiques.

Coup de tonnerre dans le monde des fabricants de smartphones. Avec le rachat de Motorola Mobility annoncé lundi pour 12,5 milliards de dollars, Google prend une nouvelle dimension : de simple fournisseur de système d'exploitation, le groupe américain se mue en fabricant de téléphones mobiles et donc en potentiel compétiteur pour des dizaines de firmes asiatiques. Larry Page, le cofondateur de Google, a bien tenté de rassurer les partenaires du géant américain : « Cette acquisition ne modifie en rien notre stratégie de proposer Android comme une plate-forme ouverte à tous les fabricants qui le souhaitent. » Si les principaux partenaires de Google, comme Samsung, HTC, LG ou Sony Ericsson, ont réagi positivement à cette annonce et ont fortement grimpé en Bourse, les menaces qui pèsent sur leur modèle économique sont réelles.

Tous les grands fabricants de téléphones mobiles asiatiques se retrouvent dans une position délicate. Apparu en 2008, le système d'exploitation Android (un logiciel qui gère le fonctionnement du téléphone et des applications qui sont téléchargées) s'est rapidement imposé. D'abord, parce qu'il est fourni gratuitement par Google. Ensuite, parce qu'il est « ouvert », c'est-à-dire que chaque fabricant peut l'adapter à ses spécificités techniques. De plus, Android accueille une plate-forme de téléchargement d'applications qui a permis de faire décoller les ventes de ces smartphones concurrents de l'iPhone et du BlackBerry. Android équipe aujourd'hui près de la moitié des terminaux multimédias vendus dans le monde.

Les spécialistes du secteur des télécoms ne manquent pas de relever toutes les incertitudes pesant sur l'avenir de ce partenariat. « Du statut de partenaire, Google passe à celui de concurrent », estime Michael Gartenberg, analyste à l'institut Gartner. En effet, il est difficile d'imaginer comment Google pourrait ne pas privilégier les mobiles fabriqués par Motorola en lui proposant en primeur les dernières innovations d'Android, même si Larry Page s'en défend sur son blog.

Les dirigeants de Google tentent de rassurer en affirmant que les deux entreprises resteront des entités distinctes. Certains analystes estiment pourtant que Google va s'atteler à redresser la marque Motorola, notamment en Europe, pour ensuite dans quelques années faire d'Android le système « propriétaire » de ses smartphones et donc fermé aux autres fabricants qui seront largement pénalisés.

« Cette opération va montrer aux fabricants de smartphones l'importance de leur dépendance vis-à-vis de Google et surtout comment les actions de l'américain peuvent influer très vite leur propre activité », note aussi Francisco Jeronimo de l'institut IDC. Pour lui, il est évident que les fabricants vont s'intéresser à d'autres systèmes d'exploitation afin de diversifier leur offre. Il pense notamment à Microsoft qui tente un grand retour dans l'univers du mobile avec une nouvelle version de Windows Phone. Le géant américain du logiciel a récemment amorcé un rapprochement avec Nokia, dont les nouveaux smartphones embarqueront Windows Phone. Certains vont sans doute aussi accélérer le développement de leur propre système d'exploitation pour imiter les modèles Apple ou RIM (BlackBerry). Samsung, numéro deux mondial des smartphones, s'est déjà lancé dans l'aventure avec Bada qui équipe déjà quelques modèles.