Comment Tapie a mis le grappin sur les journaux d'Hersant

Après moult rebondissements, Bernard Tapie est devenu mercredi propriétaire des journaux du Groupe Hersant Médias. La Tribune fait le point sur ce feuilleton.
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"A quoi ça sert d'acheter un journal quand on peut acheter un journaliste?" Lorsqu'il avait en main les rênes de l'OM, Bernard Tapie avait lâché cette phrase en guise de pavé dans la mare. Le très controversé homme d'affaire, qui n'a cessé de cumuler les casquettes politiques ou encore artistiques ces dernières décennies, en a finalement ajouté une nouvelle: celle de patron de presse. Jeudi, les journalistes de la Provence ont ainsi appris que "Nanard" serait leur nouveau chef. Et il en va de même pour les journalistes de Nice Matin, Var Matin, Corse Matin et France Antilles. Mais pour mettre le grappin sur ces titres régionaux du Groupe Hersant Médias (GHM) pour 50 millions d'euros, Bernard Tapie a dû jouer des coudes. La Tribune fait le point sur ce feuilleton.

? Fin novembre : l'arrivée de Bernard Tapie

Ex-conglomérat de la presse française, le Groupe Hersant Médias est au plus mal, dans le sillage de la crise et de la dégringolade des revenus publicitaires. Sa dette avoisinerait les 215 millions d'euros. Quelques mois après le redressement judiciaire du titre Paris Normandie, le groupe de presse négocie la cession de son pôle Sud (Nice Matin, La Provence, Corse Matin). Bernard Tapie s'invite alors à la table des négociations. Selon l'AFP, l'homme d'affaires s'allie à la famille Hersant (Philippe Hersant, président de GHM, ainsi que sa s?ur et son frère). Ils font une offre commune à hauteur de 50 millions d'euros portant à la fois sur les titres de Provence-Alpes Côte d'Azur et sur les titres des Antilles. La nouvelle ne surprend guère, puisqu'une semaine auparavant, Bernard Tapie avait préparé le terrain, se disant intéressé par "une participation dans l'intégralité des quotidiens du sud" de GHM. A côté de cette offre, Etienne Mougeotte et le milliardaire français François Pinault ont également exprimé leur intérêt pour les titres régionaux. Le groupe Ebra (Le Progrès, le Dauphiné Libéré) est aussi sur le coup.

? Les banques boudent le projet

Le 7 décembre, l'offre de Bernard Tapie et de la famille Hersant essuie les foudres des banques, qui refusent d'appuyer le projet. "Je n'ai pas obtenu l'accord de l'ensemble des banques, aussi, comme je l'avais annoncé, je renonce à mon offre sur les quotidiens du sud de l'Hexagone et d'outre-mer", lâche l'homme d'affaires. De fait, quelques minutes avant que Bernard Tapie ne signe avec les banques et la famille Hersant la reprise du groupe éponyme, le groupe belge Rossel a ainsi présenté une offre de dernière minute. Celle-ci aurait retenu l'attention de BNP Paribas, chef de file du pool de banques créancières de GHM, qui leur doit 215 millions d'euros.

Or selon Dominique Bernard, le directeur de GHM, l'offre Rossel "ne répond[rait] pas aux modalités fixées par les banques". Il a qualifié le comportement de Rossel d'"inélégant" et s'est interrogé sur "la stratégie de BNP Paribas" dans cette affaire. Il a aussi brandi la menace d'une mise en redressement judiciaire du groupe GHM si aucune offre n'aboutissait d'ici Noël.

? Le ton monte et Montebourg en prend pour son grade

Trois jours plus tard, le ton monte. Bernard Tapie prend de nouveau la parole. Il souligne que son retrait est "définitif". Puis, avec la verve qu'on lui connaît, dénonce une ingérence de l'Etat dans le dossier concernant l'offre de Rossel. "Je croyais que j'étais encore dans un pays où quand une société privée négocie son avenir avec une autre société privée, sous le contrôle du tribunal de commerce, l'Etat n'avait pas à intervenir, du moment qu'on ne lui doit pas d'argent et qu'on ne lui en demande pas", cingle-t-il. Avant de s'expliquer sur cette fronde : "Mais quand Bercy essaye de trouver, coûte que coûte, un repreneur, parce que celui qui est là ne lui plaît pas, alors on n'est plus dans le pays dans lequel je croyais encore me trouver. " Et, sens de la formule oblige, estime qu'"on est plus en Corée du Nord qu'en France, surtout quand il s'agit d'une entreprise de presse".

? Le retour de Bernard Tapie

Le 18 décembre, soit onze jours après avoir retiré son offre, Bernard Tapie fait son retour. A la demande de Philippe Hersant, il consent à replacer ses pièces sur l'échiquier. "J'ai accepté de réactiver la proposition que j'avais faite, dans les mêmes termes", lâche-t-il à l'AFP. Et ce mercredi, il emporte finalement la mise.

? Les municipales à Marseille, la prochaine étape?

Annoncé comme candidat potentiel aux municipales de Marseille en 2014, Bernard Tapie s'est toutefois engagé à ne pas briguer la mairie de la cité phocéenne. Dans une lettre adressée aux banques créancières, il affirme toutefois que s'il décidait de se porter candidat, "un processus de cession de la totalité de mes actions sera organisé [...], le produit de cette vente étant alloué à une association caritative de mon choix". Alors Bernard Tapie est-il vraiment intéressé par les journaux d'Hersant, ou laboure-t-il le terrain pour revenir sur la scène politique? La question demeure.

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Commentaires 2
à écrit le 21/12/2012 à 3:07
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Bravo à Dominique Bernard. Il a eu raison de bout en bout.

le 03/12/2014 à 11:11
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Tout ce qui nuit à la CGT est bon pour l'économie; alors réjouissons nous de tous ses déboires...

à écrit le 20/12/2012 à 22:03
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Bernard Tapie s'est toutefois engagé à ne pas briguer la mairie de la cité phocéenne. Dans une lettre adressée aux banques créancières, il affirme toutefois que s'il décidait de se porter candidat, "un processus de cession de la totalité de mes actio...

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