Culture et numérique : pourquoi le rapport Lescure divise les professionnels

Pour les uns, les propositions de la mission Lescure mettent en danger la neutralité du net et suggèrent des taxes inefficaces. Pour les autres, elles sont une bonne piste de réflexion. Le point sur la réception mitigée d'un rapport très attendu.
Thibaut Chapotot / MCC

Nombre d'entre eux avaient déjà donné leur avis pour produire ce mémoire de 719 pages. Les associations de défense des artistes, producteurs, fabricants de matériel etc, bref, les syndicats représentant tous ceux qui, de près ou de loin participent à la création culturelle en France ou au numérique, sont nombreux à avoir été auditionnés par la mission présidée par l'ancien patron de Canal Plus Pierre Lescure. Au lendemain de la publication des 80 propositions qu'il a tirées de neuf mois de travail, ces acteurs de "l'industrie culturelle" et du monde numérique font part de leurs réactions. Lesquelles sont soit très favorables pour certains groupes de défense des auteurs, créateurs, artistes ou producteurs, soit franchement hostiles pour les tenants de la liberté du Net. Voici les principaux arguments des uns et des autres. 

  • La copie privée et le cloud

Premier point d'achoppement: la rémunération pour copie privée. Ce système qui fait débat depuis longtemps consiste à ponctionner une partie du prix du matériel servant à la copie privée d'oeuvres culturelles (CD, DVD vierges, disques durs par exemple) pour le redistribuer ensuite aux ayants droit. Le groupement Fevad, SNSII, SFIB s'oppose ainsi à l'élargissement de l'assiette de la rémunération pour copie privée au cloud computing (proposition 42).

  • Taxer sur les objets connectés

Autre blocage, de taille: la fameuse taxe sur les objets connectés (proposition 48). Commentée à l'étranger, elle l'est également en France. Ainsi, l'Afdel, qui représente les éditeurs de logiciels, se prononce contre une taxe sur les tablettes, smartphones, etc, car pour elle, cette taxe ainsi que celle sur le cloud computing reviennent à taxer " l'accès à distance", une nouvelle forme d'usage des produits culturels née avec le numérique.

La Fevad (fédération des entreprises de la vente à distance), le SFIB (syndicat de l'industrie des technologies de l'information) et le SNSII (Syndicat national des supports d'image et d'information) estiment que les consommateurs seraient ainsi "incités à acheter toujours plus leurs matériels à l'étranger". Ce qui constituerait un manque à gagner à la fois pour eux-mêmes, pour l'Etat (moins de TVA), et pour les ayants droit. Premiers pénalisés à leurs yeux : "les plus jeunes consommateurs, fortement utilisateurs de nouvelles technologies, verront à nouveau leur pouvoir d'achat pénalisé".

De son côté, la Quadrature du net, association de défense de la liberté d'expression sur le web, réfute l'objet de cette taxe. "On taxera pour aider à la survie d'acteurs dont les modèles inadaptés sont responsables de leurs relatives difficultés" et des plateformes en ligne " qui n'ont d'autre ambition que d'être les équivalents (...) des acteurs américains dominants", écrit l'organisation, très offensive contre le rapport Lescure. 

  • Des risques pour la liberté d'expression?

La Quadrature du net s'offusque ainsi surtout du poids donné au Conseil supérieur de l'audiovisuel qui récupèrerait les missions de l'Hadopi. "Le rapport Lescure représente une grave menace pour la protection des droits fondamentaux sur Internet", ecrit l'association. Elle craint pour la "neutralité du net" si un organisme, en l'occurrence, le CSA, peut décider si tel ou tel acteur jugé vertueux recevra davantage d'aides publiques voire une priorité dans les débits attribués, comme le préconise le rapport Lescure.

Elle estime en outre que de tels contrôles par le CSA seraient vains: "Dans le passé, le CSA a démontré qu'il n'était même pas capable de suivre l'activité des radios et télévisions associatives, alors que dire de sa capacité à comprendre et analyser les pratiques de millions d'internautes". La Quadrature du net reproche par ailleurs à la mission Lescure de "reprendre à son compte les positions de l'industrie du diverstissement" et fait un parallèle avec l'accord ACTA européen sur la contrefaçon (qui, pour mémoire, a été abandonné), ainsi que les lois Sipa/Sopa aux Etats-Unis.

  • De nombreuses organisations satisfaites

De fait, les représentants des auteurs et créateurs sont globalement satisfaits. C'est du moins le cas de la Sacem pour la musique, la SACD pour l'audiovisuel et le spectacle, mais aussi le SEVN (Syndicat de l'édition vidéo numérique) et le SPPF (qui représente les producteurs indépendants) et de l'Adami (artistes). Le maintien du dispositif de "réponse graduée", contre le téléchargement illégal, surtout, est majoritairement très bien accueilli.

Quelques bémols pourtant. Le SPPF estime que "ce n'est pas avec une amende administrative de 60 euros que l'on parviendra à éradiquer les actes de contrefaçon domestiques". Un faible montant également décrié par le Syndicat des producteurs de disques (Snep).

Quant à l'Adami, elle se montre méfiante à l'égard de la traduction de ces propositions dans la loi. "Les missions Olivennes-Hoog [qui ont aussi remis des rapports sur la culture à l'ère numérique NDLR], toutes prometteuses, ont été au final des échecs cinglants faute de relais politique indispensable", met en garde l'association de défense des artistes.

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Commentaires 6
à écrit le 24/05/2013 à 22:02
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On en marre de tous ces socialos qui ne pensent qu'à créer des taxes nouvelles pour en faire profiter les copins. STOP

à écrit le 15/05/2013 à 13:25
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J ai une question : Combien touche Lescure pour un rapport comme cela+ les frais annexes (secretaire deplacement restaurants (poste important je suppose+ cigares) etc.....car les idees de genie du rapport...on augmente les taxes...pour payer mon rapp...

à écrit le 14/05/2013 à 22:31
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La sacem, la sacd, l'adami, représentent les ayants droits, pas les artistes. Leurs conseils d'administration sont majoritairement composés de Vivendi, Gaumont, et autres représentants autoproclamés qui reversent au final moins de 5% des ventes aux a...

le 15/05/2013 à 11:14
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Il serait temps, enfin (!), que les artistes eux-mêmes se prennent en main; épurent leur milieu en supprimant la majorité des éditeurs, distributeurs, parasites de tous poils, qui encombrent leurs professions et sucent leur sang comme leurs revenus. ...

le 15/05/2013 à 13:27
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+1 H Cruchant ne pas confondre artistes+business+ ...faux artistes marketed pour faire du pognon....

à écrit le 14/05/2013 à 20:47
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A ton vu un autre secteur comme la culture? Festival, cérémonie ... remise de ceci... merci public, je vous... Il n'existe pas un secteur pareil pour s'entre feliciter. Tout cela preterait à rire, s'il n'existe pas la Stupidité.

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