Vivendi : l'inévitable scission

Le conglomérat a annoncé que son conseil de surveillance a décidé « à l’unanimité » d’étudier un projet de séparation d’un pôle de médias, regroupant Universal Music, Canal Plus et même GVT, de son principal actif télécoms. Vincent Bolloré est nommé vice-président du conseil « sur proposition » de Jean-René Fourtou.
Delphine Cuny
Vincent Bolloré a été nommé vice-président du conseil de surveillance de Vivendi.

C'est un projet mais c'est désormais officiel. Le conseil de surveillance de Vivendi a décidé « à l'unanimité », lors de sa réunion de mercredi, de « mettre à l'étude une scission du groupe en deux sociétés distinctes » : l'une constituant « un nouveau groupe de médias international basé en France », comprenant Universal Music, Canal Plus mais aussi, plus curieusement, le fournisseur d'accès internet brésilien GVT. De l'autre, SFR, tout seul. Le deuxième opérateur télécoms français, dont les résultats ont chuté depuis l'arrivée de Free Mobile, aura « une plus grande liberté stratégique et de partenariat », affirme sa maison-mère dans un communiqué, alors qu'il négocie avec Bouygues Telecom une mutualisation partielle de leurs réseaux mobiles. La décision définitive de cette scission, qui devrait passer par l'introduction en Bourse de SFR, sera prise en janvier, et soumise au vote des actionnaires en assemblée générale en avril prochain.

L'objectif : la création de valeur pour l'actionnaire

La scission de SFR est dans les tuyaux depuis plusieurs mois. A la dernière assemblée, en avril, Jean-René Fourtou a même évoqué ouvertement « une mise en Bourse ultérieure » de SFR. Ce « projet de scission devrait créer une valeur importante pour les actionnaires en leur donnant l'opportunité d'être investis dans deux véhicules bien différenciés évalués selon les normes propres à leur métier », espère Vivendi.

Pourtant, GVT n'est clairement pas une société de médias et de contenus : « il fait aussi de la télévision payante » justifie-t-on au siège du conglomérat (tout autant que SFR dans ce cas), « et puis c'est un bijou, dont on ne veut pas sortir ». Il y a quelques mois, Vivendi avait en fait renoncé à vendre cet opérateur en forte croissance et en pleine phase d'investissement faute d'avoir obtenu des offres à la hauteur de ses attentes (7 à 8 milliards d'euros).

Quant à SFR, dont il est devenu propriétaire à 100% il y a deux ans, en rachetant au prix fort les 44% de Vodafone (7,9 milliards d'euros), il pâtit d'un marché télécoms français soumis à la guerre des prix depuis le lancement de Free Mobile (baisse du chiffre d'affaires et des marges) qui a pesé sur la valorisation des opérateurs (sauf Iliad la maison-mère de Free) : Orange a par exemple perdu 28% en 18 mois. SFR est valorisé entre 12 et 15 milliards d'euros par les analystes. Le précédent PDG, Stéphane Roussel, voyait déjà ainsi bientôt SFR au CAC 40.

Vincent Bolloré nommé vice-président du conseil

A l'issue d'une semaine de tensions entre Vincent Bolloré, le premier actionnaire de Vivendi avec 5% du capital, et le président du conseil de surveillance, Jean-René Fourtou, notamment sur le choix du futur président du directoire, les membres du conseil ont « enfin arrêté les crétineries pour entrer dans la stratégie » confie une source proche, « après des explications viriles mais correctes. »

Le communiqué publié par Vivendi indique que l'homme d'affaires breton a été nommé vice-président du conseil de surveillance sur proposition de Jean-René Fourtou, concluant sur quelques amabilités convenues, Vincent Bolloré ayant « rendu hommage » à ce dernier et l'assurant de « son soutien total. » Pas un mot sur l'éventuel engagement de Jean-René Fourtou de se retirer au printemps prochain, ni sur la mise en place d'un directoire plus collégial. La veille, dans un communiqué à la tonalité autrement plus martiale, Vincent Bolloré s'était déclaré « très attentif et déterminé à ce que ce fleuron de l'industrie française des médias et des communications soit à présent géré en toute transparence, pour bien rester français et ne pas risquer d'être démantelé. »

La scission de SFR ne constitue-t-elle pas pourtant un nouveau pas vers le démantèlement, après la cession, en cours de finalisation, de Maroc Télécom et d'Activision Blizzard ? Dans un entretien aux Echos ce mercredi soir, Vincent Bolloré déclare que le conseil a jugé qu'il « n'y avait pas de synergies entre les télécommunications et les contenus, et que cela aggravait la décote de holding de Vivendi. » Il affirme également qu'il « n'y aura pas d'intégration de Havas » au sein du nouveau Vivendi. Jacques Séguéla avait déclaré à La Tribune que Vincent Bolloré rêvait de « reconstruire le grand Havas. »

Acter entre une distribution de titres ou une vente d'actions

Quant aux salariés de SFR, qui viennent de connaître un plan de départs volontaires (environ 870 départs sur 9.000 personnes), c'est bientôt la fin d'une histoire qui avait commencé en 1987 au sein de la Compagnie générale des Eaux (l'ancêtre de Vivendi). Jean-Yves Charlier, le nouveau PDG, n'a pas caché aux représentants du personnel lundi qu'il portait « un projet de séparation », le choix restant à acter entre une introduction en Bourse classique par la mise en vente d'actions ou un « spin-off », la distribution d'actions SFR aux actionnaires actuels de Vivendi, qui aurait l'intention de sortir à 100%.

« Ce n'est peut-être pas la plus mauvaise solution, plutôt que de rester avec un actionnaire qui se désintéresse de nous. SFR est un peu otage de considérations qui n'ont rien à voir avec l'entreprise » observe un représentant syndical. Un spin-off aurait l'avantage de poser moins directement la question de la valorisation (pas de fourchette de prix de vente à proposer aux investisseurs). Il faudra aussi définir le montant de la dette qui sera adossé à l'opérateur (peut-être 6 milliards). Et la question d'un rapprochement de SFR avec Numericable, discuté à l'automne dernier, pourrait refaire surface…

Delphine Cuny

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Commentaires 9
à écrit le 12/09/2013 à 11:05
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Quel manque de vision et de strategie. La vision megalomane de J2M a vecu et vivendi n'est plus que l'ombre de ce qu'il fut. Des milliards partis en fumee et des depreciations d'actifs enormes. Meme sans J2M, la decision de racheter a prix d'or le re...

à écrit le 12/09/2013 à 10:23
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La prise de contrôle rampante de Vivendi par Bolloré sans lancer d'OPA est honteux et ne fait pas honneur à la place de paris. C'est par pour rien que j'investis désormais surtout à NY ou les droits des actionnaires sont davantage respectés.

le 12/09/2013 à 17:30
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tout a fait d accord !

à écrit le 12/09/2013 à 10:22
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ce n'est pas la scission de SFR mais de Vivendi. un peu de précision dans les textes. Merci

à écrit le 12/09/2013 à 10:03
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Question intéressante: pourquoi tous ces "grands" dirigeants veulent systématiquement démanteler les groupes aux activités variées?? Cela s'appelle des conglomérats et cela marche TRES bien! Il suffit de regarder Samsung, Hitachi et autres dragons as...

le 12/09/2013 à 11:09
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C'est surtout la consequence de strategies enseignees dans les grandes ecoles de commerces, ou la mode est de se specialiser dans un secteur et d'etre un grand de ce secteur (meme si c'est un secteur de niche). Il semblerait que ca plait plus aux act...

le 12/09/2013 à 11:39
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Et oui: les fonds de sauces rapportent plus et ont meilleurs goûts que la cuisine moléculaire tape à l??il!

le 12/09/2013 à 19:12
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avec le conglomérat Alcatel Alsthom que le successeur de Pierre Suard a démantelé pour un repositionnement sur le coeur de métier, avec le concept d'entreprise sans usine. Pour quel résultat aujourd'hui ?

à écrit le 12/09/2013 à 8:47
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bollore va avoir ce qu il veut : les medias et virer SFR en bourse ! bonjour l avenir de la boite !

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