Bientôt indépendant de Vivendi, SFR est déjà sur le pied de guerre pour séduire les investisseurs

Une fois scindé de Vivendi fin juin, le deuxième opérateur télécoms français pèsera entre 8 et 10 milliards d’euros, de quoi en faire un candidat pour le CAC 40. Il lui faudra convaincre de nouveaux actionnaires de parier sur son avenir.
Delphine Cuny
La monétisation de la 4G, qui doit permettre le retour de la croissance, fera partie de l'argumentaire de SFR pour séduire les investisseurs.

C'est le branle-bas de combat chez SFR. Dans un peu plus de six mois, ce sera l'indépendance, la séparation de sa maison-mère Vivendi, qui devra être approuvée le 24 juin 2014, lors de l'assemblée générale annuelle. Cette entrée en Bourse s'effectuera par distribution de titres aux actionnaires de Vivendi au jour de l'opération. La première cotation du deuxième opérateur télécoms français, qui n'aura alors plus de lien capitalistique avec Vivendi, interviendra quelques jours après. L'équipe dirigeante de SFR se met d'ores et déjà en ordre de bataille. Car même s'il ne s'agit pas d'une introduction classique avec une offre de titres et une fourchette de prix, SFR ne pourra faire l'économie d'un document de base visé par l'Autorité des marchés financiers (AMF) et d'un « road-show », bref d'une opération séduction des investisseurs.

Risque de ventes massives d'actions à l'introduction

« Comme dans le cas de toute scission, nous devrons aller conquérir de nouveaux investisseurs pour éviter le « flow-back » [la vente massive d'actions après un placement de titres, NDLR] si des actionnaires ne veulent garder qu'une pure valeur de médias » explique un des membres de la direction. D'autant que le secteur des médias est bien mieux valorisé, de l'ordre de 10 fois l'excédent brut d'exploitation contre 5 fois en moyenne pour les télécoms. Selon nos informations, les dirigeants de SFR s'apprêtent donc à prendre leur bâton de pèlerin dès le mois de mars, trois mois avant l'opération : en première ligne, le PDG, Jean-Yves Charlier, « a déjà dirigé des sociétés de télécoms cotées en Bourse, Equant et Colt, et même supervisé l'introduction de Promethean », la société britannique d'e-learning, en mars 2010, souligne-t-on au siège du groupe. Aux finances, Sandrine Dufour est une professionnelle rompue aux relations avec les investisseurs, puisqu'elle était l'adjointe du directeur financier de Vivendi.

Candidat au CAC 40, devant Bouygues, au coude à coude avec Iliad - Free

« Il faudra d'abord faire du « pilot fishing » [pré-marketing] pour sonder le terrain auprès des investisseurs : à partir de combien, de quelle valorisation, sont-ils prêts à acheter du papier ? » explique un bon connaisseur du dossier. Chez Vivendi, on assure que le ratio de distribution d'actions n'est pas encore arrêté. Les analystes financiers, eux, ont commencé leurs simulations. Par exemple, ceux de Kepler Cheuvreux valorisent SFR autour de 7,5 à 8 milliards d'euros et envisagent la distribution d'une action SFR pour trois actions Vivendi détenues. Chez Raymond James Equities, Stéphane Beyazian valorise SFR à près de 10 milliards d'euros (14,7 milliards en valeur d'entreprise incluant environ 5 milliards de dette), l'équivalent de son chiffre d'affaires, ce qui donnerait plutôt une action SFR pour deux actions Vivendi. Avec une valeur boursière de l'ordre de 8 à 10 milliards d'euros, SFR devrait se situer dans les trente premières capitalisations françaises, devant le groupe Bouygues (soit Bouygues Telecom plus TF1, le BTP, l'immobilier, les routes de Colas), mais au coude à coude avec la maison-mère de Free, Iliad (près de 10 milliards d'euros). Toutefois, SFR resterait encore loin derrière Orange, qui vaut 25 milliards d'euros, peu ou prou comme l'actuel Vivendi. Pour mémoire, Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi, avait déclaré il y a peu que valoriser SFR 15 milliards lui semblait insuffisant.

Monétisation de la 4G et baisse des coûts

Jean-Yves Charlier a récemment fait valoir que cette scission constitue « un pari fort sur l'avenir. Nous parions sur un renouveau de l'industrie et notre capacité à monétiser les usages, nous parions aussi sur les réseaux à très haut débit » a-t-il déclaré il y a quinze jours à Montpellier lors de la conférence Digiworld. Après deux ans de baisse marquée des prix depuis l'arrivée de Free Mobile, « il faut déterminer quelle « equity story » on vend au marché : est-ce une histoire de restructuration, de retour de la croissance, de consolidation ? » souligne une source interne. Chez Vivendi, on est confiant : « l'histoire télécom est assez facile à vendre, il faut convaincre les investisseurs qu'il y aura de la croissance, grâce à toute l'innovation autour de la 4G et sa monétisation, et de la réduction de coûts. » Trop prématuré sur la 4G, selon certains analystes, qui plus est depuis que Free Mobile vient d'annoncer qu'il offre gratuitement la 4G dans son forfait à 19,99 euros ! Plusieurs analystes sont persuadés que les banquiers d'affaires en charge de la mise en Bourse (Lazard, Bank of America-Merrill Lynch, Goldman Sachs et BNP Paribas selon Reuters) mettront aussi en avant « une prime spéculative » dans la perspective de la consolidation du secteur.

Une cible pour AT&T, un mariage avec Numericable ?

« SFR sera présenté comme un bel actif que regarderont des acteurs pleins de cash et cherchant des cibles en Europe comme Vodafone ou AT&T. Même si la probabilité est plutôt faible, ce sera écrit dans les notes d'analyse des brokers » parie l'un d'eux. Les banquiers introducteurs mentionneront aussi un éventuel rapprochement avec Numericable aux synergies potentielles faramineuses, de l'ordre de 2 milliards d'euros. Toutefois, le management continuera à dire que SFR n'a pas besoin de s'adosser et peut créer seul son avenir, notamment dans le cloud et les objets connectés. Il lui faudra aussi jouer sur la thématique du partage de réseaux mobiles, actuellement en négociation avec Bouygues Telecom, « un projet tangible, bien parti malgré les manœuvres de Free, sur lequel ils pourront annoncer des synergies importantes » avance un bon connaisseur du groupe. Le projet de mutualisation partielle, qui devait être conclu d'ici à la fin de l'année, a pris deux à trois mois de retard mais les deux parties semblent décidées à aboutir à un accord équilibré, qui ne prête pas le flanc au contentieux. Un tel risque juridique serait en effet délicat en plein processus d'introduction…

Delphine Cuny

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Commentaires 2
à écrit le 03/12/2013 à 16:03
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Pendant ce temps mon débit rame .

à écrit le 03/12/2013 à 10:42
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Très bonne nouvelle, les petits porteurs plumés en 2000 par Equant, Colt et Vivendi pourront se refaire avec les actions SFR...

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