Le plan Très haut débit, l'autre bras de fer entre Bouygues et Numericable

Les deux opérateurs rivalisent d’annonces sur la fibre pour s’attirer les grâces du gouvernement et des collectivités. Ils se sont engagés à co-investir dans les réseaux d’initiative publique à hauteur de 50 millions d’euros par an.
Delphine Cuny
Le plan gouvernemental France Très haut débit prévoit de couvrir tout le territoire en 2022, à plus de 80% en fibre optique.
Le plan gouvernemental France Très haut débit prévoit de couvrir tout le territoire en 2022, à plus de 80% en fibre optique. (Crédits : DR)

Tous champions de la fibre ! C'est le nouveau mot d'ordre, tant de Numericable que de Bouygues, tous deux candidats au rachat de SFR. Or le numéro deux français des télécoms, dont la maison-mère Vivendi doit sceller le sort demain vendredi, est « le deuxième pilier, derrière Orange, du plan France Très haut débit », souligne un haut fonctionnaire : ce plan prévoit de couvrir tout le territoire en 2022, à plus de 80% en fibre optique (FTTH « Fiber to the home », la fibre jusqu'à l'abonné). En effet, Orange et SFR ont signé en 2011 un accord de co-investissement en zones rurales, sorte de Yalta de la fibre, qui doit permettre de couvrir 10 millions de foyers hors des grandes villes. En outre, SFR, via sa filiale SFR Collectivités, est actuellement « le premier client des réseaux d'initiative publique », relève Yves Rome, le sénateur (socialiste) et président du conseil général de l'Oise, également président de l'Avicca, l'association des villes et collectivités pour les communications électroniques.

50 millions d'euros par an pour les réseaux publics

Aussi les deux repreneurs ont-ils rivalisé d'annonces sur la fibre ces derniers jours. « Sans les investissements consentis sans relâche par Numericable pour déployer la fibre optique depuis 2005, la France serait aujourd'hui classée parmi les derniers pays en Europe », fait valoir Patrick Drahi, dans un courrier adressé à Arnaud Montebourg et révélé par Le Parisien. Martin Bouygues lui-même a écrit à Yves Rome et l'a rencontré hier, afin de l'assurer de son engagement dans la fibre optique, y compris à l'égard de ces réseaux d'initiative publique (RIP), à hauteur de « 50 millions d'euros en moyenne. » Selon nos informations, Numericable s'était engagé sur le même montant exactement la veille dans une lettre adressée à Fleur Pellerin, la ministre déléguée à l'Economie numérique ! Pourtant, Bouygues entré tardivement dans le fixe, s'est mis à la fibre sur la pointe des pieds, en co-investissement avec SFR dans les zones très denses. Numericable a modernisé une grande partie de son réseau avec de la fibre mais celle-ci s'arrête en bas d'immeuble, le reste demeurant en câble coaxial, ce que Xavier Niel, le patron de Free, a qualifié de « Canada Dry du FTTH. »

Selon plusieurs sources proches du dossier, « Bouygues s'est aligné sur Numericable. » Ce montant de 50 millions « est prévu dans le business plan, ce sera moins la première année car l'emprise des RIP ne sera pas assez importante », précise une source proche de Bouygues, qui s'est engagé à investir 400 millions d'euros par an dans la fibre optique en cas de fusion avec SFR. Ceci dit, « 50 millions ce n'est pas beaucoup à l'échelle des investissements », temporise un proche du dossier.

Un enjeu à 6 milliards d'euros pour l'Etat

Cependant, « c'est un enjeu à 6-7 milliards d'euros pour l'Etat, ce n'est pas un détail. C'est un signal fort envoyé aux collectivités qui ont la certitude d'avoir au moins un client et cela devrait inciter les autres opérateurs à venir », souligne une source gouvernementale. En effet, dans les zones peu denses, où se trouve environ 43% de la population et où les opérateurs privés n'iront pas faute de rentabilité suffisante, le déploiement de la fibre optique coûtera 13 à 14 milliards d'euros, dont 3,3 milliards de subventions de l'Etat : « La moitié des recettes des RIP devront venir des opérateurs. » Les collectivités locales « ont besoin d'être sécurisées sur l'exploitation de leurs RIP », souligne Yves Rome : il a visiblement apprécié la démarche de Martin Bouygues qui constitue « une reconnaissance importante du rôle central des RIP », confie-t-il à La Tribune. L'élu, qui s'apprête à signer le 27 mars un contrat confiant à SFR Collectivités l'exploitation, en délégation de service public, de son RIP Oise THD (via la société Teloise), a été rassuré par l'engagement du patron du groupe de BTP de « poursuivre voire amplifier l'action » de SFR dans ce domaine.

Le sénateur de l'Oise se félicite aussi que Bouygues s'engage pour la fibre jusqu'à l'abonné, qui présente « les meilleures garanties d'évolutivité et d'accès partagé entre les différents opérateurs. » Chez Bouygues, on revendique « ce choix technologique de la fibre, une technologie bien supérieure au câble, même modernisé », écrit Martin Bouygues dans son courrier à l'élu.

> Voir le communiqué de l'Avicca et la lettre de Martin Bouygues

Bouygues plus rassurant pour les collectivités

Cela suffira-t-il à faire pencher la balance ? Comme sur le relèvement de la partie cash de l'offre, « 1 partout », commente un haut fonctionnaire. Cependant, « il faut regarder ces engagements avec prudence, tant qu'ils ne sont pas inscrits dans les licences, ils n'ont aucune valeur juridique », relève un proche du dossier. Sur le terrain, le câblo-opérateur continue d'être perçu avec une certaine défiance par les collectivités, qui ont encore le souvenir cuisant du plan Câble, lui reprochent d'avoir récupéré à peu de frais un réseau construit à l'époque par elles-mêmes ou de privilégier la modernisation de leur réseau au détriment de la fibre jusqu'à l'abonné, dont les supporters sont parfois intransigeants. Un rachat par Bouygues, dont la filiale Axione construit des réseaux haut débit ou FTTH pour les collectivités, est perçu comme « plus rassurant », comme une solution davantage dans la continuité : « on a besoin d'un partenaire industriel de longue haleine, à même de prendre des engagements fermes », estime un haut fonctionnaire bien au fait des préoccupations des collectivités. A l'inverse, « si Numericable emporte SFR, Orange risque de modifier ses plans et de déployer en priorité dans la zone câblée très dense et donc de ralentir en zone rurale », pointe ce bon connaisseur. Avantage Bouygues sur ce terrain donc.

Le projet le plus rapide à boucler pour Vivendi

Cependant, il est peu probable que ces considérations soient prises en compte par le conseil de surveillance de Vivendi qui se réunit demain en fin de matinée… Le président du conseil « Jean-René Fourtou est le patron, il tient son conseil et il a un agenda personnel : il penche depuis le début pour la solution Drahi-Numericable et il est possible qu'il ne s'attache qu'à un élément, quel projet peut être bouclé le plus vite possible, avant l'assemblée de juin où il cèdera sa place à Vincent Bolloré », confie une source bien informée. Autrement dit, sur ce terrain, avantage Numericable…

Delphine Cuny

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Commentaires 11
à écrit le 15/03/2014 à 10:08
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Entre une entreprise française et une israélienne que va choisir le gouvernement français ..? Les politiques , les médias et bientôt les télécoms ...beaucoup de pouvoir , un état dans l'état.

à écrit le 14/03/2014 à 12:09
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Il faut savoir que le Plan Câble avait été conçu pour que le câble ne puisse pas se développer en France: 4 cablo avec des couvertures éclatées, pas d'optimisation des réseaux et des têtes de réseau qui injectent les données. FT avec FT Câble et Vive...

à écrit le 14/03/2014 à 8:25
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pourquoi tout ceci n'est pas géré à un niveau européen? des opérateurs différents dans chaque pays de l'union, n'est-ce pas cela l’archaïsme?

à écrit le 13/03/2014 à 21:51
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En tant qu'informaticiens, je pense que vous voyez tous bien le piège... A quoi sert l'optimisation de la première couche du réseau (physique) alors que nous avons, grâce à un super réseau téléphonique (premier au monde en terme de fiabilité) et SURT...

le 13/03/2014 à 22:10
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Retournez donc au Minitel et laissez les autres développer le progrès... dont la visiophonie en serait l'application concrète la plus évidente. Fini les déplacements coûteux de diplomates, ou l'entretien d'ambassades inutiles, etc

le 14/03/2014 à 5:52
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... mais continue. Bien sur que la fibre ne présente pas plus d'intérêt que la 4g... L'adsl et la 3G étant bridés mais suffisant pour 98% des utilisateurs hors... Copieurs de film ou entreprises. D'ailleurs, si les consommateurs étaient interressés ç...

le 14/03/2014 à 13:59
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D'accord avec Yvan, la fibre chez l'abonné ordinaire n'apporte rien de plus que le coaxial. Le coaxial permet, en plus de centaines de chaînes TV, 30Mbit/s en descente pour Internet, ce qui est bien suffisant même pour récupérer des films piratés... ...

le 14/03/2014 à 19:03
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Encore un commercial de Miséricable... je ne prend même plus la peine d'argumenter tellement vos propos sont creux et représentatifs d'une totale incompétence.

le 16/03/2014 à 13:12
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Il faudrait surtout commencer a comprendre que les endroits où la fibre serait vraiment utile, c'est surtout dans les zones paumées, là ou il n'y a pas de câble, où les lignes téléphoniques sont tellement longues que l'ADSL plafonne a 512Kb/S (et enc...

le 16/03/2014 à 14:12
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Tiens donc maintenant la fibre serait utile... visiblement vous n'avez besoin de personne pour vous ridiculiser.

le 17/03/2014 à 11:29
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Décidément, tu as l'air bien fatigué mon pauvre CRC. Où as-tu vu que la fibre serait inutile ? Son handicap actuel est essentiellement d’être relativement économique a déployer là où on n'en a pas spécialement besoin (c'est a dire dans les zones dens...

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